Mahmoud Thiam, à propos d’une éventuelle résiliation du contrat de BSGR : « C’est une gifle aux espoirs de millions de guinéens !»

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CONAKRY,01 OCTOBRE 2013-Mahmoud Thiam, ancien ministre guinéen des mines et de la géologie (2008-2010), a accordé récemment un entretien à notre confrère Guineenews. Il y a  abordé toutes les questions relatives aux allégations d’achat d’appartement à Manhattan révélé par le journal New Yorker, de l’affaire BSGR, du massacre du 28 septembre 2009 et du cas des enregistrements sonores secrets entre lui et le Gabonais Samuel Mebiane, qui aurait facilité l’introduction du Professeur Alpha Condé chez Jacob Zuma ainsi que chez les services de renseignements sud africains. Lisez plutôt la première partie de cet entretien.

 

Il y a quelques mois, des allégations d’achats d’apparentement à New York vous ont été attribuées…Qu’en est-il exactement, car selon un des articles de New Yorker, ces acquisitions ont été opérées quelques jours seulement après votre départ du gouvernement ? À les y en croire, vous auriez même confirmé ces achats à leur reporter…

 Mahmoud Thiam : Dans un monde normal, acheter un appartement n’est pas, en soi, un crime qui mérite accusation. Ce que le New Yorker a fait n’est que de reprendre un mensonge parmi une multitude proférée à mon égard depuis mon passage en Guinée. J’ai en effet finalisé l’achat d’un appartement à New York en octobre 2009, pendant, et non après mon séjour en Guinée. Là n’est pas le mensonge. L’origine du mensonge remonte à une réunion à l’ambassade des États Unis à Conakry durant laquelle le représentant de Rio Tinto en Guinée, Mr. Steven Din a affirmé à l’ambassadrice que je venais d’acheter un appartement de $3 millions de dollars à New York et que cela prouvait que j’avais été corrompu dans l’affaire BSGR.

L’ambassadrice à son tour a transmis cette information dans un câble confidentiel au State Department (département d’État) à Washington sans préciser qu’elle émanait du représentant d’une société minière avec laquelle le ministère était en conflit ouvert. Lorsque Wikileaks publia ses dossiers secrets en 2010, ce fameux câble y figurait, et la rumeur publique s’en empara. Depuis lors, cet achat d’appartement est devenu le cheval de bataille des autorités guinéennes. Je vais maintenant vous livrer dans les détails les faits réels de cette affaire.

En février 2006, donc trois (3) ans avant même que je ne sache que je serai un jour ministre des mines en Guinée, j’ai signé un contrat pour l’achat d’un appartement à New York pour une valeur de $6.5 millions de dollars US. Il s’agissait d’un appartement dans un immeuble dont la construction devait débuter et dont la livraison était prévue pour mi-2007. Conformément au contrat, je devais verser 10 % de la valeur totale, soit $650,000 à la signature, ce qui fut fait et 10 % quelques mois plus tard. Ce qui fut fait en octobre 2006. Le reliquat étant dû à la livraison de l’appartement.

Après le second paiement de $650,000 en octobre 2006, j’avais donc versé un total de $1.3 millions au compte séquestre des avocats du constructeur. Donc, deux bonnes années avant de devenir ministre en Guinée.

La construction de l’immeuble a connu des retards, comme c’est souvent le cas, et l’appartement ne fut prêt à livrer qu’en mi-2008. Entre temps, la crise financière mondiale avait rendu l’achat d’un appartement de $6.5 millions de dollars peu judicieux. J’ai donc décidé de ne pas finaliser et j’en ai informé le constructeur, tout en réclamant la restitution de ma caution de $1.3 millions, arguant du fait que si l’immeuble avait été livré à temps, je n’aurais pas eu à annuler la transaction.

Bien entendu, le constructeur a refusé de me restituer les fonds car les termes du contrat le lui permettaient. Mes avocats ont engagé les recours prescrits par la loi en la matière dans l’État de New York, et après 6 mois de délibération, il a été décidé que je ne méritais pas le retour de mes fonds. J’avais donc le choix entre finaliser l’achat en payant les $5.2 millions restants ou accepter de perdre $1.3 millions.

Après réfection, j’ai décidé que $1.3 millions de perdus seraient moins que ce que je risquais de perdre sur un tel achat vu les baisses de valeurs engendrées par la crise. Tout ceci, je le répète bien avant d’arriver en Guinée.

Je suis donc arrivé en Guinée en janvier 2009 ayant perdu la somme de $1.3 millions restée entre les mains du constructeur. Comme vous le savez, la crise n’a fait qu’empirer et en octobre 2009, le constructeur lui-même n’avait pas réussi à finaliser un grand nombre de contrats de vente. Il semblerait que beaucoup d’acheteurs ont fait le même calcul que moi et ont décidé qu’il valait mieux perdre un peu maintenant que beaucoup plus tard.

C’est alors que, sous pression de ses banques, le constructeur m’offrit, ainsi qu’à d’autres acheteurs que je connais bien, la restitution de ma caution, à condition que j’accepte de l’utiliser à l’achat d’un appartement de plus petite taille dans le même immeuble. J’ai accepté d’acheter un appartement  d’une valeur de $1.5 millions sur lesquels le constructeur a contribué mes $1.3 millions qu’il avait encore en main et j’ai payé la différence de $200,000.

Je récupérais ainsi, pour $200 mille supplémentaires, la somme de $1.3 millions que j’avais perdue. Ceci, en octobre 2009 pendant que j’étais en Guinée.  Toute personne raisonnable et de bonne foi ne peut qu’en tirer les conclusions suivantes :

1.      85% de la valeur de cet appartement avait été versés 3 ans avant que je ne devienne ministre. Pour que cet argent provienne d’une corruption quelconque, il aurait fallu que des gens que je ne connaissais pas décident de me payer, par anticipation, des pots de vins dans l’espoir que je deviendrai ministre 3 ans plus tard et serai en mesure de les aider. Je vous laisse juger de la plausibilité d’un tel scenario.

2.      Ne serait-il pas plausible que je n’ai pas besoin de recourir à de la corruption pour trouver les $200,000 manquants vu les sommes déjà engagées et le niveau de surveillance dont je faisais l’objet de toutes part ?

3.      Le State Department après vérification des faits a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’y donner suite. Des journaux sérieux, dont le Financial Times, le New York Times vous-mêmes Guinéenews© etc., qui avaient diffusé l’information au début ont arrêté de mentionner cette affaire dès qu’ils ont eu la confirmation qu’elle était creuse. Cependant, le CRTCM (comité de revue des titres et contrats miniers), la réutilise dans la fameuse lettre qu’elle a rendue public et le journaliste du New Yorker, proche du fameux Mr. Fox chargé des enquêtes par DLJ Piper pour le compte de Soros et Alpha Condé répète le mensonge, alors que j’ai passé 3 heures à lui expliquer, devant témoins dans mes bureaux de New York et lui ai offert les contrats et documents prouvant ce que j’avance. Je vous soumettrai d’ailleurs ces mêmes documents pour appréciation (la rédaction de votre quotidien confirme la réception de ces documents, ndlr).

Guinéenews© : Votre « ami » Benny Steinmetz (parce que vous avez assisté au mariage de sa fille en Israël) est  dans des problèmes (sa villa à Genève vient d’être perquisitionnée)  et tout montre que sa concession à Simandou sera résiliée. N’est-ce pas une gifle pour vous qui étiez vu à tort ou à raison comme étant le champion du projet de BSGR-Vale maintenant rejeté par le gouvernement du président Alpha Condé ?

Mahmoud Thiam : Je pense que c’est plutôt une gifle au concept de respect de la parole donnée, du respect des engagements contractuels et de la continuité de l’État. Mais avant tout, c’est une gifle aux espoirs de millions de Guinéens qui voient une fois de plus la réalisation d’un projet dont on leur parle depuis l’indépendance s’éloigner.

Guinéenews© : Allez-vous porter plainte pour diffamation puisqu’on vous accuse d’être le porteur de valise de Steinmetz ? Parce que pour le commun des Guinéens et des gens épis de justice, si vous ne portez pas plainte pour diffamation, ce serait un aveu implicite que les allégations portées à votre égard sont probables.

Mahmoud Thiam : Dans le monde où j’évolue, ne pas répondre à des injures ou à des provocations ne constitue pas encore un aveu de culpabilité. Où c’est l’accusateur qui a charge de prouver ses allégations et non à l’accusé de prouver son innocence. Mais surtout dans un monde où si j’étais coupable du quart de ce dont on m’accuse depuis 3 ans, je ne serais pas libre  aujourd’hui de circuler et de conduire mes affaires à travers le monde. Fort de tout cela, je me réserve le droit de décider où, quand, comment et auxquelles des sottises je répondrai.

 Comment peut-on croire à votre patriotisme puisque quand vous étiez ministre des mines pendant la transition, le gouvernement  auquel vous faisiez partie était condamné par tout le monde pour massacre et viols qualifiés de crime contre l’humanité par les enquêteurs des Nations Unies ? Et pire, vous n’avez ni condamné, ni démissionné de votre poste.

Mahmoud Thiam : Je ne demande à personne de croire à mon patriotisme. C’est à moi de savoir si je le suis ou pas.

D’où provient votre fortune ?

Mahmoud Thiam : D’abord, je ne considère pas avoir «une fortune». Ensuite, le peu que j’ai, je l’ai gagné par la grâce de Dieu, mon travail et les investissements que j’ai faits.

Quelle est votre vision pour le développement stratégique de secteur minier guinéen afin que les Guinéens puissent enfin tirer bénéfice de la richesse de leur sol et de leur sous-sol ?

Mahmoud Thiam : Maintenant que je fais cela comme consultant et non ministre, on me paye pour répondre à de telles questions et on m’en remercie après, on ne me récompense pas en insultes… Vous comprendrez donc si je me réserve de répondre

Selon les documents et des enregistrements sonores qui sont à notre possession, vous auriez eu une conversation non des moindres avec le Gabonais Samuel Mebiane qui aurait introduit le président Condé chez Jacob Zuma avec la bénédiction des services de renseignements secrets sud africains pendant le deuxième tour des dernières élections présidentielles. Confirmez-vous que c’est vous qui parliez avec ce Gabonais et comment en est-on arrivé là ?

 Ma voix est particulièrement reconnaissable. Il me serait difficile de nier que c’était moi. Je ne suis, cependant, qu’à moitié surpris d’avoir été enregistré. Je suis sous écoute et espionné par certaines personnes depuis un bon moment et je considère que tout ce que je dis est susceptible d’être enregistré. Mais comme je n’ai rien à cacher…

Pourquoi c’est maintenant que vous révélez ces genres de choses sur la place publique ?

Mahmoud Thiam : Mais je ne révèle rien, vous constaterez qu’à chaque fois que je parle, c’est pour répondre à une nouvelle tentative, maladroite de me salir. Vous constaterez aussi que ce sont toujours les mêmes inventions qui sont recyclées, alors que leur ridicule ou manque de fondement a  été maintes fois établi. Cela commence à ressembler à du désespoir. Je viens de vous fournir, les preuves que cette affaire d’appartement est totalement fausse, par exemple. Vous verrez que cela n’empêchera pas certaines personnes de continuer à remettre le sujet sur la table.

Dans la deuxième partie, nous reviendrons sur comment développement-t-on une réserve minière avec les investisseurs, pourquoi, a-t-il financé la campagne d’Alpha Condé et de Cellou Dalein Diallo lors du deuxième tour des dernières élections présidentielles….

 Guineenews avec Guineedirect

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