L’étrange destin d’Amadou Sadio Diallo Cravate !

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Amadou Sadio Diallo alias Diallo Cravate, 74ans, est décédé à la Polyclinique de Dixinn ce vendredi 07 février peu avant la prière de 14heures. Sa dépouillé a été transportée à la morgue du CHU Ignace Deen. Il vivait depuis des années au Novotel grâce à feu Président Lansana Conté qui lui avait accordé cette faveur.

Le destin de cet homme d’affaires est atypique. Il avait traîné la République Démocratique du Congo (RDC)  devant la Cour Internationale de Justice pour 36 milliards de dollars américains. Il avait passé 17 ans  dans ce qu’on appelait Zaïre à l’époque et avait fait fortune avant d’être expulsé.

Rare sont les habitués du Boulevard de la République qui n’ont pas, une fois au moins, croisé cet homme toujours en veste et la cravate bien serrée. Diallo Cravate était devenu l’homme de cette partie de la capitale et qui était objet de tous les commentaires après son passage. Il avait quitté la Guinée très tôt sous le règne de feu Sékou Touré pour aller se réfugier au Zaïre. Il va se lancer dans les petites affaires et se fera un excellent carnet d’adresse et finira par créer la société « Afrique Conteneurs » pour transporter les mines alors sous blocus de l’UNITA par conteneurs.

Il devient ainsi l’un des hommes les plus riches du Zaïre et du continent africain. Il collabore avec les grandes sociétés de distribution de pétrole  comme Mobil, Shell, Total et Fina qui collaboraient avec les autorités zaïroises. Mais ses relations avec ces sociétés pétrolières vont s’effriter à cause des dettes que ces dernières ont contractées auprès de Diallo Cravate. Il finira par porter plainte devant les tribunaux qui lui donneront raison, notamment en autorisant la saisie des biens des pétroliers.

Le conflit entre Amadou Sadio et les grands magnats des hydrocarbures  va occasionnera une pénurie de carburant dans le pays. Nous sommes en 1995 avec un certain Kengo Wandondo Premier Ministre, Chef du Gouvernement. Il ne tardera pas à ordonner l’arrestation, l’emprisonnement pendant deux mois puis l’expulsion du milliardaire guinéen avec la complicité des pétroliers.  Heureusement qu’il avait pris le soin de prendre tous ces dossiers.

Aussitôt rentré au pays, Diallo Cravate va engager une course contre la montre afin d’être rétabli dans ses droits. Sûr d’avoir un dossier solide, l’homme contacte toutes les bonnes volontés et n’hésite pas à dire que sa seule fortune pourrait aider la Guinée à sortir de l’endettement auprès des institutions de Breton Woods. Il prend attache avec quelques fonctionnaires de la BCRG qui faciliteront à bien compiler son dossier. Certains iront jusqu’à lui demander de passer d’abord par la cour d’arbitrage de la Banque Mondiale qui protège les investisseurs étrangers. Le Président Conté, mis au parfum de sa mésaventure, aurait même engagé un cabinet pour l’assister.

Entre temps, d’autres personnes lui demandent d’ester directement auprès de la Cour Internationale de Justice. Le temps passe, la galère commence. Diallo Cravate commence à se sentir abandonné par tout le monde. La vie devient un cauchemar pour lui. Malgré tout, il garde sa dignité.

Mais en 1998, la Guinée saisit la CIJ contre la RDC pour avoir injustement emprisonné Diallo Cravate. La plainte demandait le paiement de créances d’un montant de plus de 36 milliards de dollars américains.M. Diallo, qui avait passé plus de deux mois en prison, avait, selon la Guinée, également été dépossédé de propriétés, d’entreprises et de comptes bancaires avant d’être expulsé de RDC.
Les Magistrats ont toutefois estimé que l’arrestation, la détention et l’expulsion de M. Diallo ne constituaient pas une violation de ses droits en tant qu’associé de ses entreprises, la société de négoce Africom-Zaïre et la société de transports de conteneurs Africontainers-Zaïre.

En 2007, grâce au suivi de son dossier par le Ministère de la Justice, la plainte de Diallo Cravate contre la République Démocratique du Congo est jugée recevable auprès de la CIJ. Une autre bataille judiciaire s’annonce. En 2010, la CIJ donne lui raison  en condamnant la RDC à indemniser l’Etat guinéen pour avoir arrêté, détenu arbitrairement et expulsé Diallo Cravate. Mais la CIJ n’avait pas fixé le montant de l’indemnisation en suggérant aux deux parties de se mettre d’accord sur cette question. Cependant, la Cour disait qu’elle réglerait elle-même cette affaire sin aucun accord n’était trouvé entre les deux parties dans six mois.

Mais dix ans après, justice n’a pas été faite. Diallo Cravate tire sa révérence sans avoir été dédommagé.

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