Mamadi Youla : « Le Gouvernement ne donne pas des instructions à la CENI ! »

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Au terme de la vacance gouvernementale, le Premier ministre guinéen, Mamady Youla, était, ce lundi 11 septembre, le grand Invité de l’émission « Tribune de l’Actu » de la radio Chérie FM. Une émission animée par nos confrères Aboubacar Condé et Daouda Mohamed Camara.

 

Entre autres sujets abordés : l’accord de financement de 20 milliards de dollars américains entre la Guinée et la Chine, le dialogue politique, l’application de l’accord politique du 12 octobre 2016.

 

Accord de financement avec la Chine sur 20 ans

Depuis l’année dernière, le chef de l’Etat a initié cette démarche auprès de la Chine lors de sa visite officielle en Chine au mois d’octobre 2016. Donc, le travail s’est poursuivi durant tous ces mois et le déplacement du chef de l’Etat était motivé par la signature de cet accord important qui est un accord-cadre Il permet, contre la délivrance d’un certain nombre de permis pour accéder à des ressources minières, de bénéficier des financements de la Chine pour la réalisation d’un certain nombre de projets dans le pays. C’est un accord salutaire et le gouvernement travaille avec la Présidence pour aussi bien la préparation mais aussi pour la mise en œuvre de cet accord.

 

Les détails de l’accord-cadre 

Je viens de dire que c’est un accord-cadre. La Guinée et la Chine, après avoir travaillé pendant un certain temps, se sont accordées pour mettre en place un programme de coopération et de partenariat pour que la Chine puisse bénéficier du permis pour l’exploitation des ressources minières. Tout ce qui sera fait le sera comme ça se fait actuellement. C’est-à-dire que la manière dont vous développez un projet, par exemple le projet ALUFER ou un autre, les projets qui sont visés ici seront développés de la même manière. Mais seulement, cela entrera dans le cadre de cet accord là. Il faut bien comprendre l’esprit, parce que 20 milliards de dollars c’est plus du double de notre PIB. Si on doit s’endetter aujourd’hui avec 20 milliards, on sera pris à la gorge. On ne pourra jamais rembourser. Toutes les ressources de la Guinée ne suffiront pas pour rembourser un tel emprunt, parce que c’est le budget qui rembourse. Donc c’est pour ça que l’emprunt est encadré et les conditions sont clairement définies.  Pour que l’emprunt soit des décaissements, il faut se rappeler que c’est un accord sur 20 ans. Les projets qui sont identifiés pour démarrer c’est autour d’un milliard et quelque. Cela aussi ne se met pas en œuvre en une année. Quand vous devez faire la route nationale Coyah jusqu’à Dabola, ça va vous prendre facilement trois ans. […] Il y a des études préliminaires qui ont été faites. Et une évaluation a déjà été faite. Vous avez d’autres projets dans le premier paquet qui sont prévus, c’est la voirie de Conakry. C’est-à-dire c’est améliorer un peu le cadre de vie à Conakry. Il faut bien comprendre que la Chine et la Guinée se sont accordées sur un certain nombre de règles. Il ne s’agit pas de décaisser de l’argent que nous allons dépenser à notre guise. Le financement des projets obéit à un certain nombre de règles. Il faut d’abord identifier qui va réaliser. Quand on parle de la route, par exemple, qui va la réaliser ? Dans ce cadre là ce sont les entreprises chinoises. Donc quand vous dites que vous allez financer la route Coyah-Mamou-Dabola, l’entreprise sera choisie et les décaissements se feront comme on met en œuvre un projet. C’est-à-dire que l’entreprise va commencer à travailler et les banques qui vont financer cette partie vont décaisser l’argent en fonction de l’évolution. Et l’argent sera payé sur les décomptes qui seront payés à l’entreprise en fonction. Nous avons déjà réalisé Kaléta avec les Chinois, nous sommes en train de réaliser Souapiti avec les Chinois. Donc, ils ne donnent pas l’argent pour venir réaliser. Si vous voyez, ce sont des entreprises chinoises qui ont réalisé. Ceci est encadré. Il ne s’agit pas de décaisser de l’argent pour le mettre dans les caisses du Trésor public, mais d’encadrer.

Il ne faut pas toujours prendre des exemples qui n’ont pas marché pour telle ou telle raison. On a parlé de Kaleta qui a été réalisé. On a parlé de Souapiti. C’est quand même plus d’un milliard de dollars. Si vous allez sur le chantier, vous allez voir les travaux. Vous venez de parler de Mubadala. Quand vous allez aujourd’hui à Boké vous allez voir l’activité générée par les projets miniers qui ont même un peu aiguisé les appétits de beaucoup de gens. Il y a quand même des choses qui se font. Vous avez pris l’exemple de Simandou. C’est vrai que c’était un projet gigantesque, mais les raisons qui ont conduit à sa non-réalisation par Rio Tinto peuvent s’expliquer.  Encore une fois, cet accord est un accord-cadre qui va financer un certain nombre de projets qui seront financés sur des bases très claires qui ont été définies par les parties. Dans cet accord, vous avez les gouvernements guinéen et chinois, mais aussi les entreprises chinoises qui vont exploiter des projets miniers en Guinée. Et ces projets miniers sont sensés générer des revenus par leur exploitation. Donc, ces revenus vont venir alimenter des ressources au niveau de la Guinée, qui devront permettre de rembourser progressivement les dettes contractées par la Guinée vis-à-vis de la Chine pour financer les infrastructures que nous venons d’énumérer. La route, la voirie, une université régionale, dans le premier paquet, qui devront être réalisées par des entreprises chinoises.

 

Nous sommes ouverts à nos partenaires, y compris les Européens

La Guinée a une coopération ouverte avec tous ses partenaires et entend poursuivre cette coopération. Tout à l’heure, nous avons parlé du secteur minier. Aujourd’hui, dans la région de Boké, vous avez des investissements qui sont en cours. Vous avez un projet CBG qui comprend des entreprises américaines, australiennes, et européennes. Ils sont en train d’investir 643 millions de dollars pour l’extension de la CBG. Ça c’est dans le domaine de la bauxite. Vous avez GAC qui est une entreprise qui bénéficie des financements du Moyen-Orient, donc des Emirats Arabes Unis. Là aussi, il y a des travaux importants qui sont en cours. Nous parlons là d’un investissement dans cette phase- là de plus d’un milliard de dollars. Vous avez aussi ALUFER, les Américains et bien d’autres. Vous avez la Russie avec Dian-Dian. Donc vous voyez bien que nous n’avons pas un partenariat exclusif avec la Chine. Nous sommes ouverts à nos partenaires, les Européens et de tous les autres pays. Nous entendons poursuivre cette ouverture là.

 

Dialogue politique inter guinéen

En ce qui concerne le dialogue politique, je dois dire que l’année dernière nous étions dans une situation où il y avait un besoin certain de relancer le dialogue, puisque nous avions des accords qui dataient d’août 2015 et qui arrivaient à échéance au 30 juin 2016 pour les élections locales. A l’approche de cette échéance du 30 juin, j’ai tenu à ce que les parties se retrouvent. J’ai convoqué toutes les parties à un dialogue. Je voulais le faire avant le 30, mais les contraintes du calendrier ne l’ont pas permis. N’empêche que le 14 juillet nous avons tenu cette session de relance avec tous les partis, sauf un qui n’avait pas répondu. Mais après cette séance, nous avons confié au ministre de l’Administration du territoire de poursuivre ce travail- là.  Il y a eu un dialogue qui a permis d’aboutir à un accord en octobre dans lequel il y avait des points qui incombent au gouvernement, mais il y en avait beaucoup qui ne lui incombaient pas.

 

Accord politique du 12 octobre dans l’impasse 

Il y avait des blocages qui incombaient à la CENI. Il y avait beaucoup de tractations au sein de la CENI depuis plusieurs mois. Et vous avez vu finalement qu’elle a traversé une crise. C’était un des blocages qui ne disait pas son nom. Il y a aussi les textes, notamment sur les découpages. Il fallait mettre en conformité la Constitution, sur les circonscriptions électorales, avec la loi électorale. Là aussi il y avait une certaine dichotomie. […] Le dialogue politique aujourd’hui se poursuit. D’ailleurs, il y a une session du comité de suivi qui se tient aujourd’hui et qui devrait aboutir très bientôt à des propositions concrètes pour la tenue des élections prochaines. Nous savons qu’il y a des enjeux liés au budget demandé par la CENI est au-delà de ce que le gouvernement a prévu. Mais c’est la CENI qui a fait cette demande. Nous allons discuter avec toutes les parties pour voir finalement qu’est-ce que nous pouvons retenir pour que les élections puissent se tenir le rapidement possible.

La CENI est indépendante. Le gouvernement ne donne pas des instructions à la CENI. Le problème n’est pas que le budget. Quand le problème s’est posé, dire que nous allons avoir les élections, certains disaient qu’il fallait celles dans les quartiers, parce que le débat a commencé par ça. Et d’autres disaient qu’on ne peut pas tenir les élections dans les quartiers mais plutôt dans les communes.  D’abord, quand on veut faire des élections, si on doit se coller aux textes, chaque bureau doit être présidé par un magistrat. Nous n’avons pas assez de magistrats dans ce pays pour couvrir des élections dans les quartiers. Il y avait des raisons objectives qui faisaient que ce n’était pas possible. Pourtant, les gens ont tiré sur ça pendant longtemps pour créer l’impasse. Moi je dis que quand vous savez que quelque chose n’est pas possible et que vous insistez dessus, vous créez l’impasse. Quand la loi électorale a été revue à l’Assemblée nationale, elle visait justement à corriger ces problèmes là pour qu’on se mette d’accord clairement sur les circonscriptions électorales faisant l’objet d’élections locales.

 

Une date pour les élections ?

Ce n’est pas au gouvernement seul de dire qu’on va aux élections demain, parce qu’il faut qu’on respecte les textes. On a voulu dans ce pays qu’il y ait des instances indépendantes. Au départ, la CENI était partante pour les élections locales dans les quartiers […].

Les discussions se poursuivent. Le comité de suivi comprend aussi bien les représentations du gouvernement, mais des partis et nos partenaires. Les partenaires font partie de ceux qui financent avec nous les élections. Donc nous allons poursuivre les discussions.

 

Indemnisation des victimes de violences politiques

La volonté du gouvernement est très claire là-dessus. Sur des faits qui se sont déroulés sur plusieurs années, qui ont impliqué toutes sortes de casses, d’actes de vandalisme etc., si vous dites qu’il faut indemniser tout le monde, moi-même je rappelle, il y a plusieurs années, une bombe lacrymogène est tombée dans ma cour. Vous comprenez la complexité de cela pour fixer des règles d’éligibilité à cette indemnisation pour ne pas qu’il y ait de délits et dérapages ? C’est quand même des ressources. L’Etat n’a pas des ressources infinies.

 

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