Indépendance:Soixante deux ans après, la Guinée est toujours un navire en perdition

0
498

Deux Octobre –  célébration d’amertumes –Soixante-deux ans après, la Guinée est toujours un navire en perdition.  (Réédition d’un texte de 2012 –pour le 54ème anniversaire de la Guinée).

Thank you for reading this post, don't forget to subscribe!

Les sages nous ont appris que le destin c’est là où on est né et là où on mourra. Ils nous aussi enseigné que la vie n’est est le temps qui sépare ces deux endroits ; que c’est un cheminement de douleurs, de joies, de choix, d’acceptations et de questionnements.

Dans ce cheminement, les anniversaires de notre maudite indépendance sont marqués par un amas de sentiments inextricables: une irrépressible compassion pour la terre des ancêtres doublée d’une tentative désespérée d’élucidations des étapes milliaires de notre pays, et donc de nos destins. 

Que faut-il faire pour les anniversaires de cette nation ? Marquer une pause ? Pleurer ou réprimer les larmes? Faire un jeûne de repentir ? Des prières pour les victimes ? Confectionner des poèmes sur les occasions ratées ? Murmurer des chansons sur les rêves brisés ? Faire l’inventaire des promesses non-tenues, des mensonges pour tromper et diviser ? Tenir le catalogue des biens pillés, des vies brisées et des voleurs non-inquiétés ? 

Le passage du temps demande tout cela et les anniversaires forcent à se remémorer, inexorablement. La croissance tronquée de notre pays est une brume terne de laquelle se dégagent beaucoup de choses. Aucune n’est cause de célébration. 

Les provocations de miliciens rachitiques parcourant des jours diaphanes de slogans et de propagande mensongère. On se souviendra des ignobles apparatchiks à la moralité épaisse, dressés pour provoquer et spolier les sans-défenses. On se rappellera encore des agents du banditisme pseudo-révolutionnaire et de leurs vocations premières : souiller des filles à peine pubères et porter atteinte aux habitacles des amours et des familles. Il y a aussi les jours des pendus, des fusillés, des imprécations, des humiliations et des insultes à mon ethnie ; il y a les femmes interdites de deuil. Tant de mauvais repères sont gravés dans une longue et lancinante nuit et des aubes de désarrois. Dans un passé qu’il est impossible de dissimuler ou de taire. Un passé de destructions gratuites, marqués par les sentiers des fusillés aux frontières, de l’absence indélébile des disparus, de manques perpétuels de biens de première nécessité, de peurs distillées à la place du pain ou du riz. Un passé de regrets, d’une chaine de promesses non tenues, faites pour duper la patience du peuple.  Un passé qui hante l’avenir et qui fait que les rengaines sur les potentialités naturelles ne sont qu’une chanson amère de conjuration désabusée de la réalité blessante dont les promesses et illusions vieilles de 62 ans ont accouchée.

Le « paradis de la bauxite » n’est au rendez-vous qu’avec des bandits en col blanc et en jets privés. Les innombrables chutes d’eau n’ont jamais produit les inépuisables sources d’électricité dont on nous remplit les oreilles depuis l’enfance. L’agriculture sur les monticules et les rivières du Sud ou les élevages des pasteurs ancestraux entretiennent plus l’incertitude que la survie. L’éducation sabotée pour créer des vies sans avenir. Tout cela se querelle dans nos esprits entre une nostalgie pour quelque chose de simple, un désir de prier sans fin et une envie de tout brûler.

Des terres d’exil, nous sommes des millions à nous interroger. Nous comparons, nous jugeons pour ne pas pleurer en public la ruine inexorable de la patrie. Mais aussi cette cruelle acuité que même le retour ne pourra curer. Celle de la perte des havres de l’enfance, des années d’adolescence qui étaient supposées être les plus heureuses de la vie. D’où il ne reste que les saillantes traces des souillures, des mensonges et des crimes du parti-Etat et de ses héritiers.

On ne peut pas briser le destin. On ne peut pas séparer nos êtres du devenir hasardeux de notre nation égarée, ni éviter les questionnements perpétuels ou les anniversaires amers des interrogations des orphelins et des parents sur l’emplacement des fosses communes. Les femmes violées qui attendent. Des innocents qui croupissent dans les geôles de l’Etat alors que les tueurs se pavanent dans la boue des quartiers de maladies et de manque d’espérances.

Ourouro Bah

Commentaire