(JEUNE AFRIQUE)-Sidya Touré, président de l’UFR, vise désormais en solo la présidentielle guinéenne du 11 octobre prochain. L’ex-Premier ministre expose à « Jeune Afrique » ses motivations et clarifie ses relations avec le président Alpha Condé mais aussi avec les autres membres de l’opposition. Interview.
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Depuis qu’il a annoncé sa rupture avec son allié d’hier, Cellou Dalein Diallo, le leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), l’ex-Premier ministre Sidya Touré est plus que jamais déterminé à jouer sa propre partition à la présidentielle du 11 octobre prochain. Arrivé troisième au premier tour de l’élection de 2010 (avec 15,6% des voix), le président de l’Union des forces républicaine (UFR) vise toujours le second tour et met en avant ses atouts : sa longue carrière dans les administrations ivoirienne et guinéenne, son expérience à la Primature, etc… De passage à Paris, où il prépare notamment sa campagne électorale, le candidat Sidya Touré a répondu aux questions de Jeune Afrique sur les dossiers qui dominent l’actualité de son pays et sur sa stratégie politique.
Jeune Afrique : Que pensez-vous de l’accélération judiciaire actuellement en cours dans le dossier du massacre du 28 septembre, avec notamment l’inculpation de l’ex-chef de la junte, Moussa Dadis Camara ?
Sidya Touré : J’étais un des leaders de la marche du 28 septembre et j’en porte d’ailleurs encore les marques… Je souhaite donc, plus que personne, que justice soit faite et que tous les responsables de ces événements soient présentés devant la justice. En même temps, je ne souhaite pas qu’il y ait une justice à deux vitesses et que selon les opportunités des uns et des autres, on puisse créer des conditions pour en tirer des profits politiques. C’est un drame effroyable qu’a connu notre pays, l’essentiel doit donc être que la justice passe.
Toujours au sujet du dialogue politique… Si vous n’obtenez pas satisfaction sur vos trois réclamations concernant l’organisation des communales, la composition de la Ceni et la révision du fichier électoral, quel sera votre plan B ? Le boycott du scrutin présidentiel ?
Cela n’est pas exclu. Surtout si nous continuons à penser que ce qui se passe actuellement consiste en réalité à accompagner le candidat du déclin national, Alpha Condé, qui a fait perdre cinq années à la Guinée, dans sa quête d’un second mandat…
Des rumeurs insistantes font état d’un rapprochement entre vous et le président Alpha Condé, facilité notamment par le président ivoirien Alassane Ouattara, dont vous avez été le directeur de cabinet dans les années 90 ?
C’est vraiment du pur fantasme. Je connais Alpha Condé depuis 35 ans, et si je n’ai pas rallié son parti en 2010 c’est que j’avais vraiment mes raisons… Ces rumeurs viennent du fait que les gens ont pensé qu’à partir du moment où nous avions signé une alliance en 2010 avec l’UFDG, il nous fallait forcément une alliance en 2015. Ce n’est pas le cas. Dois-je rappeler que s’il n’y avait pas eu ce qu’il y a eu en 2010, j’aurais été au second tour ? Nous nous battons cette fois-ci encore pour aller au second tour. Et pour cela, aucun rapprochement avec Alpha Condé n’est prévu dans notre programme. Ce que nous souhaitons, bien au contraire, c’est le battre. Et puis, Ouattara a suffisamment de problème en Côte d’Ivoire à l’heure actuelle avec l’organisation de ses propres élections pour ne pas aller s’occuper d’un autre pays…
Alliances en tous genres, dialogue politique bloqué, petites phrases… Dans cette course à la présidentielle, très peu d’hommes politiques guinéens parlent aujourd’hui de programme électoral… La classe politique n’est-elle pas en train de se couper sérieusement des Guinéens ?
Nous sommes l’un des seuls partis qui n’a pas un programme basé sur le fait ethnique ou communautaire en Guinée. Et nous exposons depuis toujours notre programme de gouvernance. Celui-ci, qui comporte un certain nombre de propositions, est notamment basé sur l’expérience que j’ai acquise lorsque j’étais Premier ministre en Guinée (1996-1999, NDLR), c’est de notoriété publique.
Justement, si vous êtes élu demain, quelle sera votre première mesure au niveau économique d’abord, puis au niveau politique, sociétal ?
Il s’agira tout d’abord d’aller vers un renouveau de l’État. Nous vivons aujourd’hui dans un pays où l’administration est devenue complètement informelle et où nous n’avons même pas la capacité d’absorption nécessaire des prêts et des dons qui nous sont faits. C’est un désordre que vous ne trouvez nulle part ailleurs… Il s’agira donc d’abord de réorganiser les services de l’État, avant même de prendre des mesures d’assainissement de l’économie. C’est quelque chose que j’ai déjà fait en 1990 en Côte d’Ivoire et en 1996 en Guinée, donc cela est très clair dans mon esprit.
Il faudra aussi donner un sens aux mots « unité nationale », car le débat communautaire a pris des proportions extrêmement importantes dans notre pays. Je me battrai pour faire comprendre à tous que chacun a son rôle à jouer, à condition que nous restions unis, que nous travaillions ensemble, car le potentiel est énorme, les possibilités nombreuses. Mais je n’oublie pas que cette question d’unité nationale est fortement liée à la croissance économique, car la misère entraîne le repli sur soi, la volonté de s’accaparer le peu qu’il reste. Il faut donc que la création de richesse contribue à ce que les gens s’élèvent au-dessus des contingences communautaires.