Guinée : Les plumes acerbes toujours dans le viseur du pouvoir central !

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Avec l’avènement d’un nouveau régime, issu des urnes, on aura cru que la démocratie allait s’enraciner en Guinée.

Mais la nouvelle ère politique laisse plutôt entrevoir un rideau de fumée derrière lequel se déploie une nouvelle dictature, qui reprend à son compte les méthodes rétrogrades héritées des systèmes antérieurs : tribalisme, dénonciations calomnieuses, trafic d’influence, déprédation de la presse, etc.

Le système Condé, après deux ans d’exercice, qui laissent les défenseurs de la liberté d’expression et des droits humains sur leur faim, constitue en lui-même un obstacle à la démocratie, unanimement souhaitée.

Voilà que depuis la fin de l’élection présidentielle, censée mettre un terme à 50 ans de dictature, la presse nationale est muselée, contrainte et forcée bien malgré elle de passer à côté de l’information, pour rester fidèle à la politique de communication élaborée par les hauts perchés de l’administration. Heureusement qu’internet est déjà là pour contourner la règle.

N’empêche ! Les prédateurs de la presse nationale ne se lassent guère. Les journalistes et autres scribouillards les plus critiques sont visés par des énergumènes, à la solde du pouvoir. Ils sont régulièrement menacés de mort. Le dernier cas en date est bien celui de Mme Boubacar Sidi Diallo, journaliste à Guineedirect.info et ancienne rédactrice en chef adjointe d’Eco-Vision. Il faut dire que depuis un certain temps, elle est en plein merdier. Elle a été attaquée par des inconnus plus d’une fois. Tout comme elle a été menacée de mort.

Les appels anonymes et autres courriers menaçants tombaient régulièrement sur son bureau. Cependant, dans ce camouflet contre la presse, elle n’est pas la seule.

L’on se rappelle des menaces proférées en juillet 2011 à l’encontre des journalistes. Notamment par le CNC. Et dire qu’il s’agit d’une institution républicaine censée protéger les journalistes des abus du pouvoir ! On ne sait quelle mouche les avait piqués, Martine Condé et les barons du régime Condé avaient menacé d’en découdre avec tout journaliste qui pipera mot sur l’attentat contre le président de la République, que certains qualifient de faux complot.

Après l’interdiction faite à tout média national guinéen d’évoquer l’attentat contre le président Alpha Condé, la France avait fait part de sa préoccupation. Elle a dénoncé, le jeudi 28 juillet 2011, « une atteinte grave à la liberté d’expression ». De leur côté, les médias privés guinéens se sont insurgés contre un « acte de censure » et l’association de défense de la liberté de la presse Reporters Sans Frontières a parlé de « mesure liberticide ».

La classe politique a condamné elle aussi cette mesure. Selon l’ancien Premier ministre, Sidya Touré, actuel leader de l’UFR, l’une des formations de l’opposition, cette mesure s’apparente à un acte de censure inadmissible alors que la Constitution garantie la liberté d’opinion.

De son côté, la France s’est montrée très critique : « Nous sommes préoccupés par la liberté des médias en Guinée. L’attentat contre le président Condé ne doit pas justifier des restrictions aux libertés fondamentales. La France réprouve l’interdiction faite à tout média national d’évoquer l’attentat contre le chef de l’État ou d’organiser des émissions interactives à caractère politique », a déclaré jeudi, lors d’un point de presse, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères Bernard Valero.

Et le porte-parole d’insister : « Cette interdiction constitue une atteinte grave à la liberté d’expression et nous demandons au président Condé de reconsidérer cette décision en sa qualité de garant des libertés en Guinée ».

Pour Reporters sans Frontières (RSF), cette décision est de toute façon regrettable. L’organisation a dénoncé le manque de volonté des nouvelles autorités à défendre la liberté de la presse…

Autre bévue contre presse ? L’on se rappelle qu’il n’y a pas longtemps, le président guinéen a appelé lui-même la rédaction de Rfi (radio France internationale) pour demander explicitement le renvoi ou tout moins le changement de son correspondant à Conakry, Mouctar Bah. « C’est l’un de nos meilleurs correspondants en Afrique. De toutes les façons, il n’a rien fait » avait rétorqué la direction de la radio mondiale. « Mais il ne m’aime pas », a renchéri le président Alpha Condé, qui se confond en excuses, sans doute frustré d’avoir perdu une autre bataille contre la presse.

Tout récemment, c’est le journal Le Défi très critique à l’endroit du régime, qui est aussi ciblée par des menaces. Son siège en plein cœur de la capitale a été nuitamment mis à sac. « Par des inconnus », un vocabulaire que l’on connait bien. Et, chaque fois que son Directeur de publication s’exprime sur Rfi pour évoquer le bilan calamiteux du régime, dans l’émission matinale « Clin d’œil à nos confrères africains », c’est le président de la République en personne qui appelle Le Défi pour protester.

Que dire alors de la série de procès intentés contre trois journaux de la place (Le Défi, Le Populaire et L’Observateur) par le ministre conseiller à la Présidence, Ousmane Kaba, un des barons du système qui auraient juré de faire taire les journalistes ?

Dans cette lancée, dit-on, Eco-Vision a été forcé de mettre du bémol entre ses colonnes. Suite à la publication de deux articles, intitulés « coups d’Etat en Afrique : à qui le tour ? » et « Respect des Lois : le cas guinéen (…) », l’auteur des deux papiers, Boubacar Sidi Diallo, a été menacée de mort alors que ses supérieurs hiérarchiques n’ont pas réagi. Elle a été par la suite remerciée.

Tel est donc le visage de « la démocratie selon Alpha Condé ». N’a-t-il pas dit, devant toutes les cameras du monde, qu’il prendra la Guinée là où Sékou Touré l’a laissée ? La preuve…

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