Libre Tribune: La junte et le politique : un os dans la noce par Top Sylla !

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🔮Par Top Sylla🔮Au cours d’une promenade, deux leaders politiques guinĂ©ens croisent un gĂ©nie. Étant dans de bonnes dispositions, ce dernier demande Ă  l’un de faire un vƓu qu’il exaucera sur le champ, Ă  la condition d’accorder Ă  son compagnon exactement le double.
Alors, mĂ©dusĂ©, le gĂ©nie entendit comme rĂ©ponse : « crĂšve-moi un Ɠil » !

Le troisiĂšme mandat d’Alpha CondĂ© abrĂ©gĂ© par un coup d’Etat militaire, pour maints observateurs, c’est un boulevard menant tout droit au palais prĂ©sidentiel qui est balisĂ© pour Cellou Dalein Diallo. Celui qui fut son principal adversaire politique, et qui reste le dirigeant de l’un des deux ou trois partis les plus importants du pays.
En toute logique donc, au regard du poids Ă©lectoral de l’UFDG ( Union des forces dĂ©mocratiques de GuinĂ©e), et de sa capacitĂ© de mobilisation inĂ©galĂ©e sur l’échiquier politique national, quoi de plus normal que de voir en lui le grandissime favori de la prochaine course Ă  la prĂ©sidence de la RĂ©publique ?
A condition, bien sĂ»r, que des Ă©lections rĂ©guliĂšres, transparentes et inclusives soient organisĂ©es au terme de la prĂ©sente transition, dont nul ne connaĂźt pour le moment la durĂ©e, encore moins la tournure qu’elle pourrait prendre ou les Ă©ventuels piĂšges qu’elle recĂšle pour les uns et les autres.
Cependant, si le fait d’ĂȘtre en pĂŽle position augure de belles victoires, notamment un Ă©ventuel avĂšnement du candidat Cellou Dalein Diallo au sommet de l’Etat guinĂ©en, la mĂ©daille a son revers.
Cela ne va pas manquer de lui attirer les foudres de ceux qui ne voient pas d’un bon Ɠil une telle perspective. DĂ©jĂ , pour beaucoup de gens, il est (re)devenu l’homme Ă  abattre (politiquement parlant), pour mille et un mobiles. On peut Ă©voquer la rivalitĂ©, la jalousie, le communautarisme, les calculs politiciens

À cause des enjeux liĂ©s Ă  la transition en cours, d’anciens ressentiments sont ainsi ravivĂ©s. Au sein de la classe politique, y compris avec des leaders qui animaient avec lui l’opposition de l’époque, des braises rougeoient de nouveau sous les cendres de vieux conflits mal Ă©teints.
À travers le conseil national de la transition (CNT), qui fait office de parlement sans ĂȘtre une vraie reprĂ©sentation nationale issue du vote des citoyens, certains rĂȘveraient, Ă  en croire l’intĂ©ressĂ©, de le disqualifier par le truchement de « lois scĂ©lĂ©rates ». Quand d’autres, plus cyniques, seraient prĂȘts Ă  Ɠuvrer pour une transition-marathon, un peu Ă  la malienne, question de le faire languir, le diaboliser Ă  outrance, avant de donner l’estocade. Avec le glaive d’une justice aux ordres, si possible.
Ce qui est nouveau peut-ĂȘtre, c’est qu’au-delĂ  de la faune politique, oĂč les ennemis intimes ne manquent pas, Ă  l’UFDG on pointe du doigt Ă©galement des faucons – en treillis ou non – autour du prĂ©sident de la transition.
Pourtant, si le coup d’éclat de ce dernier a Ă©tĂ© saluĂ© un peu partout en GuinĂ©e, c’est sans doute dans les fiefs de ce parti que l’applaudimĂštre a atteint des niveaux stratosphĂ©riques. Pour des raisons Ă©videntes.

Pour faire des omelettes, il faut casser des Ɠufs


Il y a d’abord l’opportunitĂ© qui semblait offerte Ă  son probable candidat de s’aligner, en toute confiance, sur la ligne de dĂ©part de la prochaine prĂ©sidentielle.
C’est aussi la formation politique qui a payĂ© le plus lourd tribut Ă  la rĂ©pression des manifs pro-dĂ©mocratie qui ont jalonnĂ© le rĂšgne du prĂ©sident dĂ©chu, avec d’innombrables manifestants tuĂ©s par balles, un nombre incalculable de blessĂ©s dont plusieurs estropiĂ©s Ă  vie, des flopĂ©es d’embastillĂ©s (responsables du parti, militants et anonymes) qui ne seront libĂ©rĂ©s qu’au lendemain du putsch.
Seulement, au fil des mois, il est loisible de constater que l’idylle est en train de virer au dĂ©samour.
Et ce n’est pas l’exhumation du « serpent de mer » qu’est l’affaire dite « Air GuinĂ©e » qui va arranger les choses (du nom de l’ex compagnie aĂ©rienne nationale revendue par l’Etat pour non rentabilitĂ©, Ă  l’image de nombreuses autres du genre en Afrique). Un Ă©pouvantail trop souvent exhibĂ© par le passĂ©, en vain, pour discrĂ©diter le prĂ©sident du parti.
Mais, s’il fallait accorder du crĂ©dit Ă  ce faisceau de suspicions Ă  l’encontre de la junte, quelles en seraient alors les motivations ? Puisqu’il est Ă©crit dans la charte qu’elle a publiĂ©e elle-mĂȘme, que les membres du CNRD (comitĂ© national du rassemblement pour le dĂ©veloppement), du CNT et du gouvernement sont exclus des joutes Ă©lectorales Ă  venir.
Autres interrogations : au fait, quels sont d’ailleurs les membres de ce CNRD ? Si on s’entĂȘte Ă  soutenir que c’est l’ensemble des forces de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ© (FDS), ne faudrait-il pas alors trouver un mot plus adĂ©quat que « comité »(rĂ©union de personnes dĂ©lĂ©guĂ©es par une assemblĂ©e, par une autoritĂ©, par un ensemble, constituant un organe collĂ©gial de gestion, de consultation, de dĂ©cision, etc.) ?
Quid des Ă©lĂ©ments des FDS Ă  la retraite, ou qui entretemps quitteraient volontairement l’uniforme ? Y a-t-il un ou des candidats qui avanceraient masquĂ©s dans l’ombre du CNRD ?
Un questionnement auquel le temps et le CNT vont certainement répondre. En partie pour le second, à travers les lois qui seront votées et son futur projet de constitution.
En attendant, au fil du temps et Ă  l’épreuve du pouvoir, les putschistes voient leur capital sympathie fondre comme beurre au soleil. Au moment oĂč le populo, confrontĂ© Ă  un renchĂ©rissement du coĂ»t de la vie, attend avec impatience de voir son quotidien s’amĂ©liorer. Comme on le lui a promis.
Avec une question qui lui taraude probablement l’esprit. Au vu de tous ces effets d’annonce, de cette kyrielle de mesures menĂ©es manu militari et de rĂ©formes engagĂ©es aux forceps : aprĂšs qu’on a cassĂ© avec fracas autant d’Ɠufs, quand pourra-t-on enfin voir la couleur des omelettes annoncĂ©es ?
Top SyllaTri

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