Alpha Condé, le président guinéen est l’invité Afrique de RFI. Alpha Condé participe au premier sommet Etats-Unis/Afrique, et l’un des sujets qu’il a abordé avec ses interlocuteurs américains, dès son arrivée à Washington est l’épidémie de fièvre Ebola.
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RFI : L’épidémie Ebola est au centre des préoccupations de ce sommet Etats-Unis / Afrique ?
Alpha Condé : L’épicentre de l’épidémie se trouvait au « bec du perroquet », c’est-à-dire là où les trois pays (Guinée, Liberia, Sierra Leone) ont des frontières communes. Donc nous avons déjà décidé d’isoler complètement ce premier cercle par l’armée, la police et la gendarmerie, pour éviter des mouvements de va-et-vient parce que c’est ça qui va contaminer. Nous sommes conscients que la situation est grave, mais elle n’est pas catastrophique. C’est-à-dire elle n’est pas hors de contrôle.
Mon message, surtout, c’est de montrer que l’Ebola c’est un phénomène mondial et qu’il doit y avoir une mobilisation internationale pour apporter plus de soutien au point de vue du personnel, au point de vue des laboratoires et au point de vue financier, pour que nous renforcions notre système sanitaire. Je suis très heureux de faire que la France a accepté d’ouvrir un nouveau l’Institut Pasteur en Guinée, parce que si on avait eu des laboratoires tôt, on aurait très vite su que c’est le virus Ebola.
On est à plus de 1 000 cas. Comment cela se fait-il ? C’est un manque d’information sur la zone des trois frontières ou un manque d’éducation des gens ?
On a fait croire aux populations que les médecins blancs viennent pour les tuer. Donc il faut une plus grande sensibilisation. Quelle que soit la cause de mort, nous demandons de ne pas toucher les corps, d’attendre d’abord que la Croix-Rouge vienne préparer le corps, même si quelqu’un est mort d’accident de voiture. C’est cette sensibilisation importante que nous sommes en train de mener. Au début, le taux de mortalité était de 90%.
Aujourd’hui, le taux est de 60 lorsque vous vous êtes pris à temps. Mais cela suppose que l’information passe bien et que les populations acceptent de collaborer.
Monsieur le président, vous êtes à Washington pour le sommet, le premier sommet Etats-Unis / Afrique. Avez-vous des objectifs précis concernant la situation économique en Guinée ?
Oui, nous avons d’abord notre grand projet, le Simandou Et nous voulons qu’il y ait le maximum de financiers qui y participent. Par exemple, nous sommes en contact avec Général Electric, et nous voulons aussi attirer davantage d’investisseurs américains, non seulement dans le domaine des mines, mais dans le domaine de l’agriculture et dans le domaine de l’énergie et de l’agroalimentaire. Aujourd’hui, la Guinée a retrouvé son équilibre macro-économique. La base macro-économique est saine, mais il faut que l’on passe à la deuxième phase du développement du pays pour améliorer les conditions de vie des populations.
Est-ce que vous pensez que vous quitterez Washington avec des engagements concrets ?
J’espère, mais ça ne dépend pas de moi. Ça dépend aussi de mes vis-à-vis. Moi, je ferai tout pour partir avec des engagements concrets des hommes d’affaires.
Ce sommet est organisé à l’américaine. Il y a beaucoup d’ateliers. C’est un sommet de mise en contact des chefs d’Etat africains avec les chefs d’entreprise américains. Qu’en pensez-vous ?
Ce qui est important pour nous, c’est qu’il y ait une plus grande visibilité de l’Afrique, une plus grande visibilité des possibilités d’investissements en Afrique et une plus grande visibilité que les Africains aujourd’hui sont décidés à créer un environnement très favorable aux investisseurs privés.
Chaque fois que nous avons l’occasion de pouvoir parler, de pouvoir montrer que nous créons un environnement favorable et que ça peut attirer les investisseurs. Quelle que soit la forme de la réunion, l’essentiel c’est que nous puissions faire passer ce message et nous puissions attirer les investisseurs.
Dans votre coopération avec les Américains, il y a aussi le maintien de la paix. Vous souhaitez que la Guinée s’implique plus dans la résolution des conflits ?
D’abord, nous avons fait une réforme profonde de l’armée qui fait qu’aujourd’hui on a une armée républicaine. Nous sommes en train de préparer avec l’appui des Américains un bataillon qu’on va envoyer au Mali, et nous avons donné notre accord de former d’autres bataillons pour intervenir sur d’autres terrains, par exemple au Congo-Kinshasa. La Guinée entend maintenant participer activement à la sécurité en Afrique. Et non seulement chez nos voisins, mais plus tard dans d’autres pays.
Vous avez peut-être entendu le président Barack Obama expliquer aux jeunes entrepreneurs qui étaient là la semaine dernière, que les pays africains devaient cesser de blâmer l’histoire pour les maux qui éventuellement les touchent et que toutes les traditions n’étaient pas bonnes à conserver. Etes-vous d’accord avec Barack Obama ?
Il est évident que nous devons évoluer. Ce n’est pas parce que nos grands-parents faisaient ceci qu’on doit nécessairement le faire. Je disais que nos grands parents n’avaient pas de portable, aujourd’hui nous avons le portable. C’est-à-dire que si le monde évolue sur le plan matériel, on doit évoluer aussi sur le plan spirituel. Mais vous savez, l’évolution au point de vue spirituel est plus difficile et plus lente que l’évolution sur le plan matériel.
Vous n’êtes pas gêné par ce que certains appellent les leçons de morale de bonne gouvernance de Barack Obama ?
Moi, je n’ai pas peur des critiques. Les Africains doivent avoir confiance en eux-mêmes, confiance dans leurs capacités et prendre leur destin en mains, et qu’ils apprennent à compter sur leurs propres forces. Si nos matières premières sont prises à leur juste prix, s’il y a un commerce équitable, nous n’avons pas besoin de tendre la main. Nous avons suffisamment de ressources pour nous développer, à condition que ces ressources soient mises en valeur sur le terrain en Afrique.
Barack Obama, lorsqu’il a été élu, a suscité un espoir démesuré dans l’opinion publique africaine. C’est le premier président noir des Etats-Unis. Est-ce que vous pensez qu’il a répondu à cet espoir qui a été suscité ?
Vous savez, c’est un espoir qui ne reposait sur rien. Obama est Américain. Il a été élu pour résoudre le problème des Américains, pas pour résoudre le problème des Africains. Donc c’est un peu du sentimentalisme. C’est un président américain. Les Américains le jugent sur ce qu’il va faire en Amérique, pas sur ce qu’il va faire en Afrique.
Pour finir sur une question de politique intérieure guinéenne, monsieur le président. Où en êtes-vous de l’organisation des élections ? L’opposition continue de dire qu’elle assiste à une fuite en avant de la Commission électorale nationale indépendante (Céni).
C’est l’opposition qui a demandé qu’il y ait cette Céni. Et lorsque nous avons fait l’accord du 31 juillet, la Céni avait seulement deux obligations : le choix d’un opérateur par appel d’offres et de corriger les imperfections qu’on avait constatées. Voilà les obligations de la Céni. De toute façon, la Céni est indépendante. Et c’est l’opposition qui a voulu que ce soit une Céni politique. Donc on ne peut pas avoir une chose et son contraire. L’essentiel pour nous c’est que la Céni corrige les imperfections, choisisse par appel d’offres international un opérateur et qu’on aille vers des élections libres, démocratiques et transparentes.
A quelle date ? Avez-vous une date pour ces élections ?
C’est la Céni qui propose. Moi, je ne fixe une date que quand la Céni me propose.