Un adage malinké dit : « la parole mange l’homme ». Alpha Condé ne connaît sans doute pas l’existence de ce proverbe. Beaucoup d’ouvrages existent aujourd’hui sur l’importance et l’usage de la parole dans le Manding et du rôle que les griots ont joué et ne cessent de jouer en dénouant les crises rien qu’à travers la parole. Elle est sacrée chez le peuple manding et un peu partout à travers la Guinée et l’Afrique de l’Ouest. Au Manding, une contrée dont Alpha Condé réclame être originaire, tout le monde n’a pas le droit de dire ce qu’il veut, n’importe où et n’importe quand.
Malheureusement, depuis qu’il est arrivé au pouvoir en 2010, le président Alpha Condé n’a cessé de multiplier les dérapages verbaux. Il dit tout, où il veut, n’importe où et n’importe quand. Il avait commencé des la prise de ses fonctions en traitant des opérateurs économiques de tortues et ses opposants de « ch… ». Quelques années après, lorsqu’il a été en Haute Guinée, il a encore qualifié les malinké d’autres noms.
A l’occasion de la campagne pour la présidentielle du 18 Octobre 2020, Alpha Condé a eu également à tenir un discours ethnique à l’endroit de son principal challenger Cellou Dalein Diallo, candidat du parti UFDG. Il avait clamé haut et fort que tout habitant de la Haute Guinée qui voterait pour les autres candidats originaires de cette zone aurait voté pour Cellou Dalein. Il tirait la mauvaise conclusion que le Foutah n’avait, lui, présenté qu’un seul candidat à ce scrutin.
La dernière sortie d’Alpha Condé lors du Forum sur les Investissements en Guinée, en dit également long sur ses dérapages verbaux. Le Chef de l’Etat guinéen s’est attaqué à tout le monde, traitant les guinéens de tous les noms d’oiseaux et n’épargnant pas la presse française. Il accuse cette dernière de manquer de respect aux présidents africains.
Naturellement, comme dans la réponse du berger à la bergère, cela a suscité un tollé et des condamnations. Des opposants en passants par les journalistes français jusqu’au dernier citoyen lambda, chacun y est allé de sa réplique acerbe. Les réseaux sociaux, eux aussi, se sont mêlés à la danse. Alpha Condé, qui cherche des repères pour gouverner autrement, en a eu pour son compte. Cellou Dalein Diallo a souligné que « Ces propos injurieux sont une illustration éloquente du manque de respect, voire du mépris, qu’il éprouve pour ses compatriotes. C’est aux Guinéens, jalousement attachés au respect de leur dignité, d’en tirer toutes les conséquences ! ».
Pour beaucoup d’analystes politiques, en regardant le comportement de son entourage, Alpha Condé a tout simplement confondu ses flagorneurs aux guinéens. Il aurait dû parler autrement en s’adressant uniquement aux cadres et autres fonctionnaires qui ne feraient pas bien leurs activités au sein de l’administration publique. Alpha Condé devrait bien comprendre que la parole mange l’homme, fut-il Président de la République.
