Ceux qui avaient prédit que la crise politique n’est que différée en Guinée, suite au report des législatives et du référendum du 1er mars, semblent avoir raison. Preuve : la CENI avait demandé à la Cour Constitutionnelle de valider l’organisation du référendum et des législatives pour le mars. Déboutée par la Haute Juridiction, les treize commissaires de la CENI se sont retrouvés en plénière ce jeudi pour proposer la date du mars pour le scrutin législatif et référendaire. Une proposition qui intervient dans un contexte où les experts de la CEDEAO recommandent d’extirper du fichier électoral plus 2.438.992 électeurs.
Thank you for reading this post, don't forget to subscribe!Réunie en plénière mercredi 11 mars, la CENI avait pris acte des recommandations des experts en acceptant de « mettre de côté 2.438.992 électeurs qui ne se sont pas présentés lors du dernier enrôlement, donc, ne justifiant pas d’une pièce d’identité archivée dans la base de données. La radiation de 93 électeurs qui comportent une erreur sur leur date de naissance ».
Mais l’Organe de Gestion des Élections n’avait pas précisé combien de temps cela prendrait. En plus, si cela est fait, dans les conditions normales la liste définitive des électeurs devrait être connue. Malheureusement, il y a un flou dans la gestion du reste du processus enclenché par les auditeurs de la CEDEAO.
L’opposition qui redoutait un audit bâclé a, d’ailleurs, estimé qu’il faudrait faire table rase du fichier actuel pour élaborer un autre plus consensuel. « Le rapport de la @ecowas-cedeao, bien que non objectif dans son diagnostic et dans ses recommandations, montre néanmoins que nous avons eu raison d’exiger la reprise de ce Fichier. En effet, aucun scrutin organisé sur cette base ne saurait être juste et crédible. #Amoulanfé ! », avait tweeté Cellou Dalein Diallo, à la sortie du document.
Entre temps, Cellou Dalein et d’autres membres du FNDC s’embarquent pour Abuja afin de participer à la Cour de Justice de la CEDEAO, à l’audience de référé concernant la requête introductive d’instance faite par le FNDC contre l’ensemble des Etats de la CEDEAO. Mais avant de s’envoler pour Abuja, les opposants à la nouvelle constitution avaient eu des entretiens avec Ibn Chambass, représentant du Secrétaire Général de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest.
Ibn Chambass est en Guinée pour aider les acteurs sociaux et politiques guinéens à privilégier le dialogue et réitérer l’engagement et le soutien des Nations Unies pour la préservation de la paix en Guinée. Il a rencontré toutes les parties concernées par la crise. Aux termes de sa mission, il devrait proposer une feuille de route pour non seulement l’organisation d’élections inclusives mais aussi, mais surtout, pour la relance du dialogue politique entre la mouvance et l’opposition. Seulement voilà !
Le RPG AEC, Alpha Condé et les partis candidats aux législatives veulent coûte que coûte que les deux scrutins se tiennent. Au RPG AEC, la priorité des priorités, c’est le référendum constitutionnel qui permettrait au parti de présenter Alpha Condé candidat en 2020. Pour les partis en lice, il ne faudrait pas du tout accorder la chance aux opposants qui ont boycotté les législatives d’intégrer le processus. Puisqu’un retour dans la course des formations comme l’UFDG, l’UFR, le BL, le PEDN, le PADES, l’UDD et le MoDel freinerait leurs ambitions d’être élus députés.
La Guinée est aujourd’hui complètement prise en otage par ces acteurs politiques qui, chacun dans son camp, cherche à défendre ses intérêts. Les efforts de la CEDEAO et de l’ONU risquent d’être vains. Alpha Condé, qui tient au référendum, pourrait bien rendre public le décret convoquant les électeurs pour le double scrutin législatif et référendaire.
Reste à savoir si le Chef de l’Etat guinéen franchira le Rubicon dans un contexte où, dans la sous-région ouest-africaine, beaucoup de ses homologues sont contre les tripatouillages des constitutions pour se maintenir au pouvoir.