Togba ZOGBELEMOU est l’un des meilleurs juristes-constitutionnalistes de la Guinée et même de l’Afrique de l’Ouest. Il a cru bon d’apporter sa contribution au débat autour de la proposition d’une nouvelle constitution en Guinée. A bien lire son exposé, on se rend compte qu’il a largement contribué à la rédaction du texte qui sera soumis à référendum. Cet ancien membre du Conseil National de la Transition a émis beaucoup d’arguments qui avaient été déjà entendus dans la bouche de plus d’une sirène révisionniste. Que sa contribution tombe le jour même que la démission de Me Cheikh Sako est officiellement confirmée par les médias, pousse certains à dire qu’il lorgne le fauteuil vacant du ministère de la Justice, Garde des Sceaux. Le futur remplaçant de Cheikh Sako ne pouvait pas ne pas nous éclairer dans ce sens. Lisez plutôt !
Thank you for reading this post, don't forget to subscribe!
A la suite des demandes répétées de plusieurs concitoyens, j’ai décidé de me prononcer sur une actualité juridique brûlante du pays.
J’ai entrepris de rédiger cette contribution après avoir lu et analysé près d’une cinquantaine d’articles, interviews et commentaires publiés par les sites internet guinéens.
Depuis quelques années, notamment avec les crises à la Cour constitutionnelle, les Guinéens sont de plus en plus friands des débats d’idées. Il est heureux de le constater car depuis longtemps le débat intellectuel est sorti par la fenêtre dans notre pays.
Il faut laisser libre cours au débat et même l’encourager : c’est de la contradiction que jaillit la lumière porteuse de propositions et d’idées novatrices.
Avant tout développement, je voudrais surtout insister sur le fait que le débat doit garder de la hauteur, avec humilité et sérénité, pour ne pas tomber dans des échanges de caniveau. Le débat, éminemment juridique, ne doit pas être biaisé par le fait du positionnement politique des uns et des autres.
Il faut surtout éviter les propos du genre : ‘’les promoteurs d’une nouvelle constitution seront traités comme des criminels’’ ou ‘’ils seront poursuivis en justice et leurs biens saisis’’, et ne pas considérer l’option pour une nouvelle constitution comme ‘’une déclaration de guerre contre la patrie’’.
De tels propos sont regrettables : on ne défend pas une constitution en la violant. Aux termes des articles 7 et 11 de la constitution de 2010, chaque citoyen est libre de croire, de penser et de professer ses opinions politiques et philosophiques ; il est libre d’exprimer et diffuser ses idées et opinions par la parole, l’écrit et l’image. Surtout quand il s’agit d’une question d’intérêt national comme l’élaboration d’une nouvelle constitution.
Autant les Guinéens qui s’opposent à l’adoption d’une nouvelle constitution ou à l’idée d’un troisième mandat du Président en exercice ont le droit de s’exprimer et de manifester (articles 7 et 10 de la constitution), autant ceux qui y sont favorables ont le droit d’exprimer leur opinion sans être menacés.
Pour la paix sociale et la construction d’une véritable société guinéenne démocratique, ce qui n’est pas impossible aux Guinéens, il faut savoir garder raison car seule la sérénité permettrait de bien comprendre l’objet de la question juridique à débattre, en excluant les amalgames politiciens qui dénaturent l’objet et l’enjeu d’un débat qui se doit d’être constructif.
Avant d’évoquer le fond de ce débat, il est important de faire quelques observations sur des confusions et amalgames volontairement ou involontairement entretenus.
- De quelques observations liminaires
Ces observations tendent à la clarification d’un certain nombre d’idées et de concepts dont la compréhension par certains citoyens et leaders politiques ou d’opinion crée la confusion dans le débat actuel.
- Le Président ne pourrait pas proposer au Peuple une nouvelle constitution pour au moins trois raisons :
- il a déjà été élu deux fois sur la base de la constitution de 2010 ;
- il est en fin de mandat : la constitution limitant le nombre de mandat présidentiel à deux, le moment n’est plus idéal ;
- il y a les dispositions intangibles de l’article 154 de la constitution.
Cet argumentaire amène, de prime abord, à observer que les constitutions ne prévoient généralement que les modalités de leur révision ; quant à l’adoption d’une nouvelle constitution, aucune constitution ne l’interdit. Il suffit à ce sujet de se référer à l’histoire constitutionnelle des Etats dans le monde. L’exception américaine de la constitution de 1787 ne peut constituer une règle, encore que dans ce cas il y a eu plus d’une vingtaine d’amendements.
Relativement à ces idées, il y a lieu de rappeler, sur le premier point, que conformément aux articles 51 et 152 de la constitution de 2010, l’initiative de proposer au référendum un texte constitutionnel appartient au Président de la République et aux députés, qu’il s’agisse d’une révision constitutionnelle ou d’une nouvelle constitution. Or à date, le mandat du Président actuel n’a pas encore expiré et aucun texte juridique ne lie l’exercice de ce pouvoir d’initiative, conféré par la constitution, à la limitation du nombre de mandat présidentiel ou à la durée du mandat présidentiel.
Sur le second point, la constitution n’indique pas la période au cours de laquelle peut être entreprise une initiative tendant à modifier ou à abroger la constitution : il n’existe pas de moment idéal, c’est une question d’opportunité politique, surtout lorsque le débat s’ouvre plus d’un an et demi avant l’élection présidentielle.
La seule limite temporelle à une telle initiative est celle de l’article 153 de la constitution qui dispose que « aucune procédure de révision ne peut être entreprise en cas d’occupation d’une partie ou de la totalité du territoire national, en cas d’état d’urgence ou d’état de siège ». Aucun de ces cas de figure n’est établi à ce jour, encore qu’il n’est pas question d’une révision constitutionnelle.
Il a été par ailleurs reproché que l’initiative n’a pas été prise dès 2011. A cela, on peut observer que la constitution ne datant que de mai 2010, aucun candidat à l’élection présidentielle de 2010 n’avait dans son programme l’initiative d’une révision constitutionnelle, encore moins l’élaboration d’une nouvelle constitution. Par ailleurs, les troubles socio-politiques de 2013 et l’épidémie de fièvre à virus Ebola à partir de 2014 n’auraient pas permis avant 2015, année de l’élection présidentielle, d’entreprendre une initiative constitutionnelle.
Sur le troisième point tenant aux dispositions intangibles de la constitution, il faut souligner que toute constitution est une œuvre humaine : la constitution n’est pas un texte d’origine divine. Dès lors, toutes ses dispositions, même celles déclarées intangibles, ne produisent d’effets juridiques que pendant la vie de la constitution qui les a établies. Aucune disposition d’une constitution ne peut survivre à son abrogation par une nouvelle constitution. L’idée de règles supra-constitutionnelles reflétant des valeurs sociales est une idée relative, surtout quand il s’agit d’une constitution comme celle de 2010 dont le reproche majeur est de n’avoir pas été adoptée par référendum.
- Il est reproché encore à l’idée d’un référendum constitutionnel de se heurter à l’absence de toute réglementation en la matière.
Le référendum législatif ou constitutionnel est prévu par les articles 51 et 152 de la constitution, étant précisé que l’expression loi constitutionnelle est utilisée aussi bien en matière de révision constitutionnelle qu’en matière d’élaboration d’une nouvelle constitution.
Cf – loi constitutionnelle n°2016-10 du 05 avril 2016 (révision constitutionnelle au Sénégal, http://www.jo.gouv.sn )
– loi n°2016-886 du 08 novembre 2016 portant constitution de la République de Côte d’Ivoire (JORCI n° 16 du 19
novembre 2019)
Par ailleurs, les dispositions du titre I du code électoral du 24 février 2017 intitulées ‘’Des dispositions communes à toutes les consultations électorales’’ sont applicables en la matière, pour régir les modalités pratiques d’organisation d’un référendum en Guinée, les titres II à IX étant consacrés aux aspects spécifiques des élections concernant les conseils de quartier et de district, les conseils communaux, les députés, le Président de la République, les dispositions financières, pénales, transitoires et finales.
- Contrairement à ce qu’on peut lire dans certains écrits, la constitution n’a pas, entre autres, pour objet de procéder au découpage territorial administratif du pays : elle définit les grands principes de l’organisation territoriale, à charge pour l’exécutif et le législatif, dans des lois et règlements, de déterminer le nombre et les limites des régions, préfectures, sous-préfectures, communes urbaines et rurales.
Il en est de même du nombre de députés. La création de nouvelles communes urbaines ou préfectures, circonscription électorales pour l’application du scrutin uninominal majoritaire à un tour, relève normalement du domaine réglementaire sur la base de critères légaux préalablement établis, ceci pour corriger les disparités dénoncées à chaque élection législative.
Ces précisions étant faites, il importe de revenir au fond du débat.
- Sur la proposition d’une nouvelle constitution au peuple de Guinée
Le débat porte bien sur la question, non d’une révision constitutionnelle au sens de l’article 152 de la constitution de 2010, mais d’une nouvelle constitution. Une révision constitutionnelle laisse subsister la constitution, elle n’affecte que certaines de ses dispositions.
L’âpreté du débat tient au fait que la notion de constitution est liée dans les sociétés modernes à celle de la démocratie qui apparaît comme sa finalité. La constitution a donc une fonction politique, elle est porteuse d’un projet de société.
Aussi pour sortir d’un régime d’exception, d’une crise politique ou de la dénaturation d’une constitution consécutive à une pratique politique en marge des textes juridiques (accords politiques), il peut apparaître nécessaire d’établir une nouvelle constitution pour revenir à un ordre constitutionnel normal tirant les leçons des événements de la vie socio-politique du pays.
La constitution de 2010, dont l’abrogation est visée par l’établissement d’une nouvelle constitution, est une constitution de sortie d’un régime militaire d’exception instauré après le coup d’Etat du 23 décembre 2008 consécutif au décès du Président Lansana CONTE : elle a été rédigée dans la précipitation par le Conseil national de la transition, installé seulement le 13 mars 2010 pour préparer les bases juridiques (y compris le code électoral) d’une élection présidentielle dont le premier tour était prévu pour fin juin 2010 car la déclaration de Ouagadougou du 15 janvier 2010 avait fixé à cet effet un délai de six mois.
Si par sa composition sociologique, la légitimité du Conseil national de la transition, (devenue assemblée constituante souveraine) était moins contestable, en revanche la non maîtrise de l’articulation entre les différentes institutions constitutionnelles de l’Etat et la défense des intérêts catégoriels ou politiques ont conduit à un processus d’écriture relevant bien plus de la perception des acteurs sociaux composant le CNT que de la réalité politique.
Dans ces conditions, l’écriture d’une constitution par une élite politique seule justifie la conclusion d’un nouveau pacte politique.
Il a, en effet, été régulièrement fait grief à la constitution de 2010 d’avoir été adoptée par une assemblée non élue ou par voie décrétale, de sorte que la non-organisation d’un référendum constitutionnel affecte, selon les critiques, la légalité de ladite constitution. Dans un article publié en France dans la Revue Juridique et Politique des Etats Francophones en 2013 (n°2, page 195), et consacré au contexte et innovations de la constitution guinéenne de 2010, j’avais analysé les conditions (contraintes financières et de temps, en particulier) dans lesquelles cette constitution a été rédigée et qui explique le non-recours au référendum.
L’occasion serait donc opportune de restaurer le Peuple dans ses prérogatives de détenteur du pouvoir constituant originaire.
Par ailleurs, la constitution de 2010 est souvent critiquée pour son manque de clarté quant à la définition des rapports entre le Président de la République et le Premier ministre (dont la fonction a été pour la première fois constitutionnalisée), notamment en matière de nomination des cadres de l’administration publique, des forces de défense et de sécurité et de conduite du dialogue avec les partenaires sociaux.
En particulier au niveau des attributions, une confusion s’est glissée dans la rédaction des articles 45 alinéa 4 et 52 alinéa 2 : alors qu’elle déclare que ‘’le Président de la République détermine et contrôle la conduite de la politique de la Nation’’ (article 45 alinéa 4), la constitution affirme dans le même temps que ‘’le premier ministre est chargé de diriger, de contrôler, de coordonner et d’impulser l’action du gouvernement’’ (article 52 alinéa 2).
Une clarification s’impose d’autant plus que le Premier ministre, nommé par le Président de la République, est responsable devant celui-ci qui peut le révoquer (articles 52 et 53 de la constitution de 2010).
Le monopole des candidatures aux élections politiques nationales par les partis politiques, repris en 2010 de la Loi fondamentale de 1990, est aussi décrié parce que contraire aux droits civiques de tout citoyen. Il faut signaler à cet égard que par un arrêt du 14 juin 2013 (affaire Révérend Christopher R. Mtikila), la Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples siégeant à Arusha, a condamné la République Unie de Tanzanie pour violation de l’égalité devant la loi et du droit à la non-discrimination.
La constitution reflète le vécu d’un Peuple, elle doit dès lors s’adapter aux réalités socio-politiques, améliorer la gouvernance du pays sur les plans politique et administratif.
Dans le cadre du débat, certains ont proposé le tripartisme dans la nouvelle constitution ou une présidence collégiale avec les trois candidats arrivés en tête après l’élection présidentielle. Aussi intéressantes qu’elles paraissent, ces propositions ont déjà échoué en Afrique dans les années 1960-1970 : au Sénégal avec le tripartisme idéologique expérimenté par le Président Senghor, et au Bénin avec le trio présidentiel formé de Maga, Ahomadegbé et Apity (que les Dahoméens de l’époque ont ironiquement appelé le serpent à trois têtes).
Au-delà des griefs que les uns et les autres peuvent alléguer à l’encontre de la constitution de 2010, force est de reconnaitre que les différents accords politiques conclus ont mis en mal les fondements juridiques du pays. Une réflexion s’imposerait dans le cadre d’une nouvelle constitution pour refonder l’Etat de droit, hors de la pression d’une élection présidentielle à tenir dans l’immédiat, et ce dans le sens d’une modernisation plus accrue des institutions.
L’occasion serait opportune pour évoquer, en plus des problèmes ci-dessus, d’autres questions comme la notion d’institutions républicaines étendue aujourd’hui à toutes les institutions créées par la constitution. La mode constitutionnelle des années 1990 avait conduit à l’insertion dans la constitution de structures d’Etat chargées de l’exécution de services publics relevant traditionnellement de l’administration publique. Il faut clarifier les choses pour ne retenir que les institutions inhérentes à l’existence même de l’Etat à travers ses fonctions découlant de la séparation des pouvoirs. L’incidence financière de la multiplication des institutions constitutionnelles devrait être appréciée.
Par ailleurs, il faudrait tirer les leçons :
- de la pratique de certaines dispositions comme la déclaration de politique générale du Premier ministre après sa nomination (article 57 de la constitution) : le vécu de cette prescription constitutionnelle invite à revoir le mécanisme de façon à permettre à l’Assemblée nationale, à travers une résolution, de donner son appréciation générale de la politique présentée et de faire des suggestions au gouvernement.
- de la qualité de la production législative quand on sait de l’Assemblée Nationale ne travaille qu’au cours de deux sessions ordinaires de six mois en tout sur douze, hormis quelques sessions extraordinaires ;
- du fonctionnement de certaines institutions comme la Cour constitutionnelle dont les crises internes ont largement affecté la crédibilité : la composition et surtout le renforcement du contrôle du respect des règles de désignation des membres pourraient être revus.
Dans l’euphorie de l’établissement de la constitution de 2010, certaines dispositions qui relèvent normalement de lois organiques ou ordinaires, y ont été insérées. C’est le cas, par exemple, de la composition du Conseil supérieur de la magistrature, si bien que la réforme de la composition dudit conseil arrêtée au cours d’un atelier organisé avec l’assistance d’un expert de l’Union Européenne, n’a pu être mise en œuvre.
Ce serait aussi l’occasion d’agir en consolidation et renforcement des droits des citoyens au plan du respect de leur intégrité physique, du droit à un procès équitable dans un délai raisonnable, etc. Le principe de la laïcité de l’Etat devrait être proclamé avec force. Et surtout, la question importante de la parité homme-femme, qui vient de faire l’objet d’une loi, devrait être abordée dans l’optique de la conciliation entre les principes d’égalité et d’équité par rapport au genre dans les organes et assemblées délibérants.
La vocation panafricaniste de la Guinée, consacrée par les constitutions de 1958 et 1982, mais abandonnée dans les constitutions de 1990 et 2010, pourrait être réaffirmée.
- Sur la procédure à suivre
Le débat ne concernant pas une révision de la constitution de 2010 mais l’établissement d’une nouvelle constitution, les dispositions des articles 152 à 154 de la constitution relatives à la procédure et aux limites matérielles et temporelles de la révision, ne peuvent trouver à s’appliquer.
L’élaboration d’une nouvelle constitution, à l’initiative du Président de la République, a donc pour base légale l’article 51 de la constitution qui dispose que :
« Le Président de la République peut, après avoir consulté le Président de l’Assemblée Nationale, soumettre à référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur la protection et la promotion des libertés et droits fondamentaux, ou l’action économique et sociale de l’Etat, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité.
Il doit, si l’Assemblée Nationale le demande par une résolution adoptée à la majorité des deux tiers des membres qui la composent, soumettre à référendum toute proposition de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics ou concernant les libertés et les droits fondamentaux.
Avant de convoquer les électeurs par décret, le Président de la République recueille l’avis de la Cour constitutionnelle sur la conformité du projet ou de la proposition à la constitution.
En cas de non-conformité, il ne peut être procédé au référendum.
Lorsque le référendum a conclu à l’adoption du projet ou de la proposition, la loi ainsi adoptée est promulguée dans les conditions prévues à l’article 78 ».
Contrairement à ce qui a pu être soutenu, le pouvoir du Président de la République de proposer une nouvelle constitution à la consultation populaire repose sur l’article 51 et non sur les articles 2 alinéa 1er et 21 alinéa 1er de la constitution de 2010, qui sont relatifs à la souveraineté du Peuple dans la libre détermination de ses choix politiques, donc autorisent le recours aux consultations populaires.
De ce texte, il résulte que l’initiative du référendum constitutionnel appartient concurremment au Président de la République (alinéa 1er) et à l’Assemblée Nationale (alinéa 2).
Le référendum doit, dans son objet, porter notamment sur l’organisation des pouvoirs publics ou sur la promotion et la protection des libertés et droits fondamentaux. Or de par son essence, la constitution, au sens matériel, est l’ensemble des règles relatives à la dévolution et à l’exercice du pouvoir politique, donc des règles relatives aux organes de l’Etat, à leur désignation, à leur compétence et à leur fonctionnement.
D’après le dictionnaire du droit constitutionnel (9ème édition, Sirey, 2013, page 277), l’expression ‘’pouvoirs publics’’ est ‘‘susceptible de recevoir un sens plus ou moins extensif selon que seront considérés les seuls organes publics constitutionnels, tels qu’ils sont institués par la constitution, ou bien les pouvoirs publics en général, c’est-à-dire l’ensemble des organes qui, au nom d’une collectivité publique, exercent l’autorité en recourant à des prérogatives de puissance publique’’
Cf aussi le lexique de politique, 7ème éd. Dalloz 2001, page 333
le lexique des termes juridiques, édition 2017-2018, page 828.
L’article 51 de la constitution pourrait donc servir de base juridique à un référendum portant sur une nouvelle constitution eu égard à son contenu (organisation des pouvoirs publics, droits et devoirs des citoyens, etc.).
Cependant dans l’exercice de cette attribution constitutionnelle, le Président de la République doit respecter une double formalité substantielle :
- la consultation préalable du Président de l’Assemblée nationale pour un avis consultatif (non conforme) sur le projet de référendum constitutionnel ;
- l’avis conforme de la Cour constitutionnelle sur le projet avant la convocation du corps électoral par décret.
Ces formalités accomplies, le référendum constitutionnel peut valablement avoir lieu.
Selon les articles 51 alinéa 5 et 93 alinéa 3 de la constitution, la Cour constitutionnelle veille à la régularité des opérations de référendum et en proclame les résultats définitifs.
Dans ses attributions consultatives, la Cour constitutionnelle est ainsi amenée à contrôler la régularité des actes préparatoires qui conditionnent le bon déroulement du référendum : il s’agit d’un contrôle a priori. Elle ne peut cependant, par la voie juridictionnelle, se prononcer sur la constitutionnalité d’une loi référendaire au même titre que les lois organiques et ordinaires : aucune intervention n’est prévue avant la promulgation de la loi référendaire, acte du peuple détenteur du pouvoir constituant originaire. Seules les lois organiques ou ordinaires modifiant une loi référendaire entrent dans le champ de compétence juridictionnelle de la Cour constitutionnelle.
En définitive, le débat actuel doit être conduit avec sérénité, sans passion ; l’intoxication et les menaces ne doivent être de mise comme on le constate sur le web et les réseaux sociaux : la qualité du débat doit reposer sur la confrontation des idées, de façon à éclairer le peuple sur les enjeux de toute consultation populaire.
Il appartient à l’élite d’agir avec moins de subjectivité et plus d’objectivité, car la décision appartient au Peuple, en application des articles 2 alinéa 1er, 21 alinéa 1er, 51 alinéas 1er et 2 et 152 alinéa 2 de la constitution de 2010.
Pour accéder à l’indépendance politique, le Peuple de Guinée a dit non au référendum constitutionnel proposé en 1958 par le Général de Gaulle ; il a approuvé par référendum la constitution de 1990 et sa révision de 2001. C’est la vox populi qu’il conviendrait de respecter.
Nos populations ont acquis une certaine maturité grâce aux moyens de communication modernes : il faut donc édifier leur opinion et les laisser décider.
Tels me paraissent être, dans la forme comme dans le fond, les enjeux du débat actuel qui doit rester concentré sur la question d’une nouvelle constitution, question à ne pas confondre avec celle d’une éventuelle candidature du Président en fonction à un troisième mandat. Le Président en exercice ne s’étant pas encore prononcé sur la question, le débat sur ce point se fera en temps opportun.
Togba ZOGBELEMOU
Professeur d’université
Avocat au Barreau de Guinée