Baddiko:Un troisième mandat pour continuer quel système ?

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Toute la vie politique, sociale et même économique de la Guinée est plus que jamais accaparée par les débats sur un éventuel troisième mandat pour l’actuel président qui, en vertu des dispositions des articles 27 et 154 de la Constitution sur laquelle il a prêté serment, ne peut plus se présenter.

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Mais à la réflexion, on se rend compte que ce débat a été ouvert de façon imperceptible mais méthodique, depuis la prestation de serment du 14 décembre 2015, après le discours cinglant et plein de signification du Président de la Cour Constitutionnelle d’alors, M. Kelefa SALL. Ce juge, sur lequel pèsent de graves soupçons de complicité avec le RPG dans les fraudes massives aux élections de 2010, est tombé en disgrâce et déchu de son poste de façon cavalière le 18 septembre 2018 (en violation flagrante de l’article 102 de la Constitution). C’était sans doute en prélude à l’intensification de la campagne pour le troisième mandat… Depuis lors, de façon rampante et extrêmement bien orchestrée, se sont multipliés les petites phrases, les ballons d’essai lancés par les fidèles du régime, les fausses révélations, les faux scoops, les rumeurs et même parfois les « démentis » sur un éventuel troisième mandat. Depuis le début de l’année 2019, nous avons assisté ça et là à des  campagnes camouflées à coup de milliards, pour la promotion en catimini d’un troisième mandat. Il s’agit de faire accepter progressivement à l’opinion, l’inacceptable. Un tournant a été pris le 9 janvier 2019 lorsque l’Ambassadeur de la Fédération de Russie en Guinée a osé publiquement dicter aux Guinéens la façon dont il fallait qu’ils mènent leurs destinées, dans un Etat qui se prétend souverain! Pour un pays dont les dirigeants se prétendent « nationalistes sourcilleux » « patriotes jaloux de la souveraineté de leur pays » c’était le comble et nous n’avons pas manqué de le souligner à l’époque. Nous avons trop de respect et de reconnaissance au peuple russe pour exprimer ici toute notre colère, face à cette insulte inacceptable faite à notre peuple.

Ainsi donc le pouvoir du RPG, plutôt que de poser clairement et honnêtement les problèmes de la Constitution de 2010 en vue de dégager un large consensus pour nous doter d’une nouvelle loi organique allant dans le sens de plus de démocratie participative, plus de progrès, plus d’unité et de justice sociale, a préféré concocter dans le plus grand secret un texte sur mesure, avec éventuellement l’aide de conseillers occultes. Au lieu de mener une démarche républicaine, démocratique et transparente, on distille habilement des extraits bien choisis dans le seul but d’endormir l’opinion. On manipule à souhait les opposants au projet, en donnant de faux agendas de referendum ou d’élections législatives, couplés ou non, dans un contexte où la constitution est violée en permanence par les dirigeants et leurs complices.

 

  1. 2.     Pourquoi le pouvoir cache-t-il cette « Constitution révolutionnaire réécrite » ?

En fait, tout indique que les « morceaux choisis » du texte de la nouvelle constitution, malicieusement distillés dans les médias ne représentent que le miel, c’est-à-dire les dispositions non dérangeantes pour les opposants à la révision constitutionnelle. Le piment ou le plus grave, le plus sérieux, l’inacceptable, l’objectif ultime poursuivi avec le nouveau texte est ailleurs.  Il ne s’agit rien de moins pour ses auteurs que de s’armer légalement, en se dotant de textes adéquats permettant une confiscation définitive du pouvoir en Guinée, avec ou sans l’actuel locataire du Palais. Ils sont ainsi décidés à empêcher par tous les moyens, toute alternance démocratique, dans un pays qui n’a connu que ce système de Parti-Etat corrompu, dictatorial et ethniciste dans son essence. On comprend mieux aujourd’hui le sens des allusions des idéologues du régime disant qu’ils avaient besoin de…50 ans pour asseoir la démocratie en Guinée !

De quoi s’agit-t-il ? Devant la stratégie du secret absolu sur le texte « réécrit », il n’est pas possible, comme il se devrait dans une démocratie véritable, de procéder à une analyse détaillée, pour nous prononcer en toute objectivité sur ses forces et ses faiblesses. Nous n’avons à notre disposition que des bribes de texte et des éléments glanés ici et là, sans garantie d’authenticité, la responsabilité d’une erreur éventuelle incombant entièrement aux pilotes cachés du projet troisième mandat.

Il y a d’abord la suppression du multipartisme intégral obtenu de haute lutte en 1990, en lieu et place du bipartisme. La nouvelle Constitution serait basée sur 3 partis : un du pouvoir, un de l’opposition et un du centre. En apparence, cette disposition paraît séduisante. Mais en réalité elle consiste à enlever tout contenu politique aux partis politiques! Un parti n’existerait plus alors selon un choix politique quelconque, mais par rapport à ceux qui détiennent le pouvoir ! En toute logique, lorsqu’un changement politique se produit, les militants devraient être amenés à changer de partis ! Le texte ne nous dit pas que deviennent les partis politiques après un coup d’Etat. Deux partis peuvent ne pas être d’accord avec le pouvoir en place, mais n’avoir rien d’autre à faire ensemble, comme c’est le cas en ce moment pour l’UFD et d’autres partis. Un parti qui s’engagerait à lutter en s’appuyant sur une idéologie quelconque n’aurait pas de place sur l’échiquier politique. Par exemple, un parti qui opterait pour la lutte pour le panafricanisme ou l’écologie, si importante aujourd’hui pour l’avenir du pays, n’aura pas de place dans la vie politique. Les partis seraient alors à géométrie variable ! En fait, le projet est une pérennisation et une légalisation du Condominium politico-ethnique du couple RPG-UFDG. C’est un énorme recul pour la démocratie chèrement acquise par le peuple de Guinée et c’est totalement inacceptable, car avec une opposition ainsi « mouillée » et anesthésiée dans le cadre d’un partage du gâteau, l’alternance démocratique est impossible à réaliser. Pour mémoire même le Président Leopold Sedar Senghor qui fut un grand Président africain qu’on ne peut soupçonner d’être un dictateur, avait adopté le même système à trois partis maximum, mais basés sur des options politiques : libéraux, sociaux-démocrates et marxistes-léninistes ; Guerre froide oblige sans doute… Face aux difficultés d’application, il y avait renoncé et institué le multipartisme intégral. Avec le multipartisme intégral, comme dans toutes les vraies démocraties, le jeu des alliances a largement permis d’avoir une alternance démocratique au pouvoir au Sénégal. En matière de démocratie et de développement, ce pays frère et voisin, bien moins gâté par la nature que nous,  est aux antipodes de la Guinée bloquée, depuis plus de 61 ans dans un système de présidents à vie.     

La deuxième mesure anti-démocratique est « le découpage électoral ». Sous prétexte de « corriger des aberrations » imputables aux déséquilibres démographiques entre les circonscriptions électorales, on va remodeler la carte des circonscriptions pour réduire à peu de choses l’opposition, qui, pourtant a applaudi à sa mort annoncée ! On reviendrait ainsi à une proportionnelle presque intégrale, alors qu’actuellement, nous avons un système assez équilibré aux deux tiers proportionnels et un tiers par circonscription administrative. Avec les bourrages massifs, presque officiels du fichier électoral et la fraude à ciel ouvert donnant 98% dans les fiefs du pouvoir, les résultats des élections seront garantis pour  l’éternité. Avec une assemblée préfabriquée et nantie de la majorité qualifiée des deux tiers, le pouvoir peut modifier ou introduire n’importe quelle loi lui permettant de garder le pouvoir et d’agir à sa guise, sans aucun contrepoids. Pauvres opposants qui se disent   pressés d’aller aux élections, certainement pour se précipiter sur les miettes que leur associé du pouvoir daignera leur laisser!  

Comme on le voit, la fameuse « Constitution révolutionnaire réécrite » permettra au pouvoir, digne héritier des systèmes qui ont sévi sur la Guinée depuis 1958, de continuer tranquillement sa besogne de réduire l’écrasante majorité du peuple de Guinée à la misère et au désespoir. En plus du « Coup K.O » ce sera un coup double, car en l’état et légalement, aucune nouvelle constitution ne peut avoir pour effet de permettre à l’actuel président de se présenter à une nouvelle élection. Une modification de l’article 154 sur l’intangibilité de la limitation des mandats nécessiterait un large consensus qui n’existe pas aujourd’hui, comme chacun peut le constater, au vu de la réaction unanime farouchement hostile des populations dans la totalité des régions du pays.

 

  1. 3.     Nouvelle Constitution par la corruption et la violence

Comme on le voit, la nouvelle Constitution est tellement ultra-partisane, régressive et réactionnaire car fabriquée secrètement en vue de la confiscation définitive du pouvoir, qu’elle ne peut pas avoir la majorité requise pour être adoptée. Le mécontentement populaire est généralisé dans le pays, visible partout et prêt à exploser. Le pouvoir du RPG et de son chef sont massivement rejetés par les populations, particulièrement les jeunes, premières victimes de cette politique anti-progressistes. A travers tout le pays, les jeunes ne manquent aucune occasion d’exprimer leur ras-le-bol face à une politique qui les sacrifie et ne leur offre que des discours fumeux et d’innombrables promesses sans lendemain. L’impopularité du pouvoir est allée grandissante depuis les élections communales du 4 février 2018. Face à son échec cuisant, il n’a pas d’autre choix que d’utiliser la démagogie, la corruption à outrance et la violence pour s’imposer. Depuis plusieurs mois, le pays vit au rythme de cette campagne électorale illégale alors même que le corps électoral n’a pas encore été convoqué pour un référendum. Des missions de rang ministériel sont envoyées à travers le pays, distribuant des milliards dont personne ne dira l’origine, pour acheter les consciences auprès de notables véreux ou de populations à la limite de la survie. De ridicules matchs de football coûtant des milliards sont organisés pour séduire des populations vivant dans une misère indicible, abandonnées à leur triste sort. Dans le même temps, tout l’appareil répressif est mobilisé pour intimider, voire terroriser tout citoyen qui exprimerait d’une manière ou d’autre son désaccord avec la forfaiture en préparation. Même des artistes émérites ayant jadis chanté les louanges du pouvoir mais qui, à présent refusent de se faire utiliser pour une cause qui n’est pas celle du peuple, sont violentés par des agresseurs habillés comme les forces de sécurité. On arrête des citoyens portant des tricots contre le troisième mandat. On nous signale que dans certaines régions, des militants du RPG portent des armes blanches, certainement pour répondre à l’appel de leur chef à un « affrontement » qui ne peut être que fratricide, dans un contexte de guerre civile programmée. Les partis politiques sont fortement intimidés, surtout lorsque leurs dirigeants traînent des casseroles : « Tu te tiens tranquille ou on va casser… » ou « Toi-même tu sais… », allusion aux valises de Francs glissants distribuées pour acheter des opposants. Le chantage est clair. D’autres dirigeants qui ne font que recourir à leur droit de manifester, sont victimes de harcèlement judiciaire dont personne ne peut dire jusqu’où il ira. Le pouvoir a entrepris de perfectionner son arsenal répressif légal sous le fallacieux prétexte de lutter contre le terrorisme. Pourquoi maintenant et qu’avons-nous de nouveau sur ce front qui justifie une telle initiative? La manœuvre est tellement grossière qu’elle ne trompe que ses auteurs.

 

  1. 4.     Troisième mandat pour continuer quel système ?

Malgré toutes les apparences que le pouvoir veut donner, tout montre qu’au-delà du Président Alpha Condé en fin de mandat, l’enjeu véritable de la bataille actuelle est la continuation de ce système injuste et rétrograde, basé sur la prédation du bien public, la dictature, l’ethnicisme et l’exclusion. C’est en cela qu’on peut affirmer que l’opposition guinéenne a encore une guerre en retard sur le pouvoir.

Une constitution c’est une boussole sacrée, un repère moral, une base légale suprême permettant à une collectivité humaine de se retrouver autour d’un minimum de valeurs partagées pour bâtir ensemble un avenir commun, dans la cohésion sociale, la liberté, la justice sociale et le progrès pour tous. A cet égard, aucune constitution ne peut être immuable, bien au contraire. Mais le minimum est que les changements à apporter à l’ancien texte permettent de progresser et non de revenir à des dizaines d’années en arrière comme c’est le cas de ce projet.

Que voyons-nous ? L’actuelle constitution est quotidiennement et systématiquement violée dans ses dispositions fondamentales. Le principe de la fixité de la durée des mandats par exemple est très rarement respecté, ce qui ouvre au pouvoir des possibilités illimitées de manipulation des élections via le calendrier fourni par la CENI, placée sous son contrôle étroit. Le principe sacré de l’Etat unitaire a été remplacé de façon totalement illégale par l’Etat ethniciste et communautariste, avec tout ce que cela comporte de pratiques anti-démocratiques et d’exclusion. Pire, le pays est sous la domination absolue d’un Parti-Etat qui  fonctionne à base de de népotisme, de corruption, de confiscation du bien public et de distribution de prébendes. Ainsi, tous les efforts que nous avons faits à l’UFD depuis 2011 pour amener le pouvoir à respecter les dispositions de l’article 36 de la Constitution sur la déclaration de patrimoine sont restés vains. Après moult tergiversations et atermoiements, certaines personnalités visées ont parait-t-il déclaré leur patrimoine. Beaucoup d’autres s’y refusent insolemment et vaquent à leurs occupations, dans un gouvernement qui comprend en son sein des délinquants économiques! Mais qu’avons-nous en réalité ? Contrairement à ce que prévoit la loi, nous n’avons vu à ce jour aucune déclaration dans le journal officiel ! En conséquence, les « déclarations » faites sont nulles et nul d’effet. Il ne s’agit que d’une mascarade honteuse, un subterfuge et un faux-semblant pour tromper le peuple et jouer ensuite aux vertueux qu’on n’est pas. N’en déplaise à nos compatriotes de la Société civile qui ont félicité le gouvernement pour « s’être acquitté de son obligation légale ». Ces « déclarations » auprès d’amis de la Cour Constitutionnelle ne changent rien au problème. On suppose que c’est cette disposition capitale pour un pays réputé l’un des plus corrompus et les plus misérables du monde qui passera la première à la trappe de la « Constitution révolutionnaire réécrite ». On a bien vu que le Premier Ministre Kassory FOFANA, sans doute soucieux de faire oublier son passé sulfureux, a décidé de lancer des enquêtes sur la gestion de plusieurs entreprises publiques, mais il a été arrêté tout net. Comment en effet poursuivre des dirigeants de ces sociétés qui ne font que piller et redistribuer la fortune publique, dans des conditions où il n’est pas imaginable qu’ils révèlent la destination du magot? Les dénonciations du pillage du bien public sont accueillies par l’indifférence générale. La Guinée fonctionne comme un pays placé sous la férule d’oligarques. Notre pays est devenu le champion des « Premières pierres », des promesses mirifiques jamais réalisées, des problèmes jamais définitivement résolus, de l’autosatisfaction et du pillage de nos ressources naturelles. Plus de soixante ans après l’indépendance, avec ce système prédateur et corrompu, nous sommes incapables de gérer correctement un hôpital, une compagnie de bus, une compagnie d’aviation ou une société de téléphone, sans compter le système éducatif qui ne produit que des candidats à la noyade en Méditerranée. Comme disait un citoyen désabusé : « Le Président Alpha Condé est vraiment très fort ! Il a résolu en théorie tous les problèmes de la Guinée, sans toucher à aucun de ceux qui intéressent réellement les millions de pauvres Guinéens : éducation, santé, emploi, routes, logement, alimentation, eau potable, électricité, Etat de droit, sécurité, lutte contre la corruption, etc. ! ».

Si changement constitutionnel il doit y avoir aujourd’hui, la priorité des priorités pour tout militant politique patriote serait lutter pour la promotion d’une constitution permettant de s’assurer que les dirigeants tourneront le dos à la corruption et à l’enrichissement illicite et au bradage de la richesse nationale. Ce serait la seule option pour sortir de cet Etat géré dans l’opacité absolue par des dirigeants qui n’ont de comptes à rendre à personne et qui se débat dans la misère et la régression depuis plus de 60 ans.

 

  1. 5.     Appel aux patriotes guinéens

Face à un pouvoir qui ne recule devant aucune extrémité pour se maintenir et se perpétuer, la réponse doit être autant réfléchie que déterminée. Nous devons tous savoir que notre pauvre Guinée a hélas une histoire qui nous poursuit depuis sa création. Sous le règne de la dictature sanglante du PDG, certains ont soutenu que l’unique obstacle au progrès de la Guinée, c’est le chef du clan familial au pouvoir, Sékou Touré. Lorsque son pouvoir a été renversé en 1984 et surtout au début des années 2000,  beaucoup soutenaient que le « problème », c’est Lansana Conté. Le CMRN (Comité Militaire de Redressement National) a été très vite rebaptisé par le peuple, « Comité Militaire de Remplacement National », pour bien marquer la continuité du système. Après le coup d’Etat du 22 décembre 2008 et l’arrivée du CNDD, le slogan a été «  il faut empêcher à tout prix les militaires de confisquer le pouvoir ». Aujourd’hui le slogan est : « Pas de troisième mandat ». La constante de tous ces pouvoirs cités est d’être tous basés sur la violence, la tromperie, la démagogie, la corruption, le pillage du bien public et l’impossibilité d’avoir une alternance démocratiques au pouvoir. Après avril 1984, ce sont les mêmes hommes du système précédent qui ont dirigé le pays, même s’ils ont aboli le système de capitalisme d’Etat totalitaire pour le remplacer par le libéralisme sauvage. Mais pour le petit peuple, le résultat était à peine différent. En janvier 2007, à la suite des grandes manifestations populaires contre le pouvoir du Général Lansana Conté, avec des centaines de morts,  malgré le changement de gouvernement, le système corrompu, fait de combinaisons ethnicistes a continué. Le CNDD, après quelques velléités de réformes bienvenues et d’actions contre le pillage du bien public et le narco-trafic, est rapidement retombé dans les tares du système qu’il avait renversé. Au Stade du 28 septembre lors de la grande manifestation populaire du 28 septembre 2009 qui s’est soldé par plus de 151 morts et des dizaines de femmes violées, le CNDD avait signé son arrêt de mort. En 2010 après l’arrivée au pouvoir du RPG et de son chef, tous les maux des systèmes précédents se sont aggravés au lieu d’être guéris, autrement que par les proclamations de bonnes intentions, jamais suivies d’effet. Pire, on est tombé dans un système ethniciste ultra corrompu rendant la Guinée impossible à développer pour le bien de son peuple. Nulle part ailleurs nous n’avons des écarts aussi énormes entre d’un côté, l’écrasante majorité de la population qui croupit dans la misère, la faim, le manque d’eau potable les maladies sans soins, le chômage et de l’autre, l’infime minorité de l’oligarchie au pouvoir dont les fortunes explosent sous nos yeux. On assiste même à une tentative ouverte de réhabilitation des crimes du PDG, dont il faut le rappeler qu’ils n’ont eu aucun autre équivalent en Afrique si ce ne sont ceux du sanguinaire Idi Amin Dada d’Ouganda de sinistre mémoire.

En 2009-2010, nous avons eu les Forces Vives qui ont réalisé un très vaste rassemblement pour empêcher les militaires de rester au pouvoir. Mais le système actuel de Condominium politico-ethnique RPG-UFDG est justement le pur produit des Forces Vives. Tous les acteurs en vue de ces Forces Vives n’avaient jamais montré de véritable volonté de changer en profondeur le système décadent antérieur. L’unique objectif était de s’emparer de l’appareil pour en profiter, en utilisant les Forces Vives non pas pour l’intérêt supérieur du pays, mais pour son propre agenda secret. En matière de duplicité au sein des Forces Vives, on se souviendra longtemps encore de l’absence très remarquée de certains chefs de partis, planqués à l’étranger – en mission dit-on – lors de la grande manifestation du 28 septembre 2009, pendant que les autres allaient au massacre et aux viols  programmés.   

Aujourd’hui, vouloir mobiliser le peuple de Guinée exclusivement contre un troisième mandat ne peut être qu’une tentative similaire et maladroite de changer de gouvernement en sauvant un système pourri qui a fait le malheur de la Guinée. Pour permettre l’avènement du changement véritable auquel aspire tant le peuple de Guinée meurtri, toute mobilisation contre un troisième mandat doit englober la lutte contre les tares de ce système qui a fait le malheur de la Guinée.

En premier lieu, une ligne rouge doit être tracée : tout militant politique, tout parti politique ou association, engagé véritablement pour le salut du pays doit accepter le principe de déclaration de son patrimoine et même ceux de sa famille proche (conjoints et enfants).

En second lieu, nous devons en finir avec les pratiques du Parti-Etat. L’Administration doit être neutre. Les recrutements doivent être basés sur la compétence et la probité et non sur l’appartenance au parti dominant, presque toujours confondu à une région.  L’exclusion de fait de la gestion de la chose publique ne doit pas être admise. De plus, la dérive consistant à prendre les mandats électifs comme des gagne-pains doit être bannie. Un député ou un conseiller municipal n’a pas d’emploi mais assume simplement une tâche de la collectivité. Il doit avoir d’autres activités lui permettant de vivre en dehors du poste électif.

Et enfin, il faut que dans un cadre consensuel, le peuple de Guinée mette en place des nouvelles institutions qui garantissent l’unité et la solidarité entre toutes les communautés et empêchent la confiscation du pouvoir par les unes ou les autres. Nous devons avoir un nouveau système adapté à notre situation concrète, garantissant qu’à l’issue d’élections qui doivent être libres, honnêtes et transparentes, les résultats ne pourront en aucun cas être considérés comme la victoire d’une ethnie ou d’une coalition d’ethnies contre d’autres. Le dispositif constitutionnel doit mettre en avant des options politiques ou philosophiques et non l’appartenance régionale ou communautaire.

Nous devons tous avoir conscience de l’extrême fragilité de l’opposition dans ce système. Prétendre lutter contre lui en étant nourri par lui, ou bénéficiant de ses faveurs, de partager le gâteau avec lui, est un leurre. Dans un pays ou des millions de citoyens sont dévorés par la misère, l’Etat dispose de ressources presque inépuisables pour contrecarrer les actions de ses opposants et tromper temporairement le petit peuple.

 

Dans les conditions actuelles et sur ces bases, il conviendra de rassembler toutes les forces politiques et sociales d’accord pour lutter efficacement contre toute tentative du pouvoir de confisquer les libertés publiques et de se maintenir illégalement. Ce rassemblement devra  soutenir activement et efficacement les victimes de la violence et des harcèlements judiciaires contre les militants politiques. En l’état, tout référendum ouvrant la voie à un troisième mandat pour l’actuel Président Alpha Condé doit être considéré comme illégal et traité comme tel. La non-rétroactivité des lois chère au dictateur sanguinaire Pierre NKURUNZIZA du Burundi qui s’en est servi pour s’éterniser au pouvoir, nous donne des leçons qu’on aurait tort d’oublier. Si on n’y prend garde, le scénario burundais est entrain d’arriver à grands pas en Guinée. Tous les démocrates et les Guinéennes et Guinéens épris de paix, de liberté et soucieux de la sauvegarde de l’Etat Unitaire et de la renaissance de la Guinée, doivent joindre leurs forces pour s’y opposer.

Face aux dictateurs africains, manœuvriers et machiavéliques, les vaillants peuples du Soudan et de l’Algérie ont montré aux autres peuples africains la voie royale du salut. Ces peuples ont réussi à s’unir comme un seul homme pour lutter efficacement pour le changement véritable et non pour une simple permutation entre des individus appartenant au même système honni.

 

                                                    Fait à Conakry, le 30 avril 2019

Pour le Bureau Exécutif National

Le Président

Mamadou Baadiko BAH

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