Erreur judiciaire:« De l’affaire Dreyfus …à l’affaire Thi’ânguel ! »

Il n’est jamais passé devant un juge d’instruction. Il n’a jamais été entendu dans  ce dossier. Absent lors du procès pour des raisons de maladie. Il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assorti d’un mandat d’arrêt international. Il s’agit bien de  Thi’ânguel (quelqu’un me rappelait que c’est le nom d’un petit marigot). Mais en même temps, ça ne peut être que le responsable de la cellule de la communication du parti UFDG,  victime d’une machination politicienne.

 

Si je n’ai pas réagi à cette condamnation à chaud, c’est parce que je n’en revenais pas. Je ne la comprends pas, non plus. Il y a du deux poids, deux mesures dans cette décision qui est loin d’avoir livré ses véritables secrets.

Le juge Mangadouba Sow du Tribunal de Première Instance de Dixinn, en prononçant cette décision ce mardi 09 janvier, a provoqué une onde de choc dans le milieu judiciaire guinéen. Les principaux suspects dans ce dossier, Amadou Sow et Alghassimou Keïta de la garde rapprochée de Cellou Dalein Diallo -contre lesquels le procureur avait requis 30 ans de réclusion criminelle- ont été acquittés pour « faits non constitués ». Amadou Saïdou Barry en fuite a été condamné à deux ans de prison pour coups et blessures volontaires et au paiement d’un million d’amende. La même peine a été prononcée à l’encontre d’Alphadio , également en fuite.

Au fait, dans ce dossier, on n’a beaucoup plus parlé politique que de l’assassinat du confrère Mohamed Koula Diallo. Les règlements de comptes politico-politiciens entre pro Bah Oury et pro Cellou Dalein ont prédominé jusqu’au bout. Malheureusement, Thi’ânguel s’est retrouvé entre deux grosses pontes et il en tire aujourd’hui toutes les conséquences.

Comme je l’avais écrit tout au début de l’annonce de l’inculpation de Thi’ânguel dans cette affaire, le coupable se trouve ailleurs. Puisque ce jeune que j’ai connu il y a plus d’une vingtaine d’années, ne peut pas écraser une mouche. Mangadouba Sow, le juge, en âme et conscience, doit le savoir.

Ce qui est regrettable, c’est qu’on risque de ne pas retrouver le vrai auteur de l’assassinat de Koula.Comme l’a si bien dit Me Paul Yomba Kourouma, « l’auteur de cette infraction court toujours ». L’avocat est allé jusqu’à parler de l’existence d’un troisième larron. L’Etat qui a ses services de renseignements, sa police et sa gendarmerie, est  interpellé.

Mais c’est maintenant que ce qu’on pourrait appeler « l’affaire Thi’ânguel » doit commencer. Au départ si le Collectif pour la Défense des Droits Effectifs de Thi’ânguel et Koula a traîné des pieds, le temps est venu pour les acteurs de la société civile, médias, artistes et hommes de culture de faire comme Emile Zola dans l’affaire Dreyfus avec son célèbre pamphlet « J’accuse » . 

En Décembre 1894, Alfred Dreyfus, jeune officier juif est accusé d’avoir livré aux Allemands des documents secrets, et est condamné pour haute trahison. Il est condamné à la déportation perpétuelle et à la dégradation militaire. Quatre ans plus tard, Emile Zola relance l’affaire et clame l’innocence de Dreyfus. Il plaide avec la célèbre lettre politique « J’Accuse » adressée au Président de la République.  Ceux qui étaient proches de Dreyfus et persuadés de son innocence et conscients d’une effroyable erreur judiciaire, s’étaient battus pendant de longues années avant d’obtenir sa réhabilitation.

Pour en revenir à cette condamnation de  Thi’ânguel,  il y a eu, je n’en doute point, une effroyable erreur judiciaire.

J’accuse l’Etat de n’avoir pas été à la hauteur du procès en mettant toutes les garanties d’un jugement équitable pour les accusés.

 J’accuse tous ceux qui ont eu des preuves de la non culpabilité de Thi’ânguel et qui n’ont pas été témoigné devant le juge.

J’accuse les policiers, gendarmes, agents de renseignements et autres indicateurs, de n’avoir pas réussi à épingler le véritable auteur de l’assassinat de Mohamed Koula Diallo.

J’accuse les politiciens du parti UFDG d’avoir laissé la politique et les passions prédominer les débats dans cette affaire.

J’accuse les associations de presse de n’avoir pas appliqué à la lettre leur constitution de partie civile dans ce dossier.

J’attends, en paraphrasant naturellement Emile Zola, que la vérité éclate dans cette affaire.

Bah Boubacar « Azoca »