Ouagadougou, ce n’est pas un choix fortuit pour le président français. En pleine préparation de ce discours, Emmanuel Macron souhaitait le faire dans un pays ayant réussi une transition démocratique récente. Son choix s’est donc porté sur le Burkina à l’Université Ouaga 1 devenu en 2015, Joseph Kizerbo, au coeur de la capitale burkinabè.
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Pour le contexte, Emmanuel Macron sera aussi comptable du passé de la France. En 2013, en pleine révolution de la rue burkinabè, ce sont des soldats français qui ont permis d’exfiltrer le président Blaise Compaoré vers la Côte d’Ivoire. Comptable aussi d’une relation ambiguë entre la France et ses anciennes colonies, empreinte d’admiration et de rejet. Petite ironie du sort, le président français prend la parole dans l’amphithéâtre Kadhafi à l’Université de Joseph Kizerbo après un accueil mouvementé. Le convoi de la délégation française accompagnant le président aurait été caillassé.
Hommage à Thomas Sankara
Après des formules de remerciements, le président français a cité une phrase de Thomas Sankara dans cet amphithéâtre « marxiste » en reprenant une formule de l’ancien président burkinabé: « inventer l’avenir ».
« Je ne suis pas venu vous dire quelle est la politique africaine de la France car il n’y a plus de politique africaine de la France », a fait savoir le président français dans un discours qui se veut disruptif avec le paternalisme colonial tant reproché à la France.
Regarder l’Afrique dans sa pluralité
« Il y a un continent que nous devons regarder en face. Un continent de 54 pays. (…) Ces barrières qu’on a longtemps mis dans nos analyses ne sont plus celle de l’Afrique. Les barrières anglophones, francophones, lusophones sont des constructions qui doivent évoluer ».
« Je suis, comme vous, d’une génération qui a connu la colonisation », ajoute le président français avant de rappeler le combat de Nelson Mandela contre l’Apartheid. « Je suis d’une génération où on ne vient pas dire à l’Afrique quoi faire, quelles sont les règles ».
Le président français veut montrer une volonté de reconnaître un passé peu glorieux pour la France sur le Continent où elle est très critiquée, mais aussi une volonté annoncée de vouloir changer d’approche.
Afrique, le Continent de l’avenir
« Je ne serai pas du côté de ceux qui voient dans l’Afrique le continent des crises et de la misère mais je ne serai pas de ceux qui y voient un continent enchanté ou de ceux qui ignorent les difficultés de votre quotidien. Je suis du côté de ceux qui pensent que l’Afrique n’est ni un continent perdu, ni un continent sauvé » « C’est le continent de l’avenir »
Terrorisme, développement économique, changement climatique
Les défis cités par le président français sont multiples. Il parle à cette « génération […] condamnée […] à réussir » des défis comme « le terrorisme, le développement économique, le changement climatique, qui frappe le Sahel comme aucune autre région, la démographie, l’urbanisation, la démocratie ». « Vous connaissez le cumul de tous ces défis, que vous devez relever tous ensemble ».
0,55% du PIB français destiné à l’aide au développement
Malgré sa rhétorique qu’il veut loin du misérabilisme, Emmanuel Macron parle de l’« aide publique au développement ». Il s’est engagé à la fin de son quinquennat de consacrer 0,55% du PIB de la France à l’aide au développement de l’Afrique.
Mais il planche sur une évaluation de cette « aide publique au développement » qu’il faut rectifier et diriger. « L’aide publique au développement a pu être un argent qui va trop peu vers le terrain. Nous voulons un développement plus au contact du terrain et des besoins. Nous devons franchir un nouveau seuil. Il faut peut-être un nouveau nom, une nouvelle philosophie, avec une aide publique plus spécifique. »
Condamnation de l’esclavage en Libye, évacuation des migrants, asile pour les réfugiés
Comme lors de sa rencontre avec Alpha Condé, président de l’UA, Emmanuel Macron a réitéré sa condamnation de l’esclavage des migrants subsahariens en Libye en « crime contre l’Humanité ». « L’esclavagisme, un crime contre l’humanité. Il faut le nommer pour agir avec force »
Le président français a également lancé un appel pour une « solidarité africaine » dans l’assistance et l’évacuation des migrants bloqués en Libye. Il exhorte aussi les pays africains à collaborer avec les organismes comme l’OIM, L’OFRA pour le rapatriement des migrants dans leurs pays d’origine.
« Nous ne pouvons pas laisser des centaines de milliers d’africains prendre tous les risques dans la Méditerranée ». « Il est indispensable d’aider à leur retour ». Par ailleurs, la France étudiera sur place les demandes d’asile pour voir qui elle peut recevoir.
Politique sécuritariste de la France
« La France a toujours été au côté de l’Afrique quand sa stabilité était en jeu. L’Afrique a elle aussi été au côté de la France quand il en était de même », indique le président qui félicite François Hollande pour son intervention au Mali contre le terrorisme.
Crises démocratiques, constitutions
« Je ne vous donnerai pas de leçons. Le président français n’a pas à expliquer comment appliquer la constitution, l’opposition ou la démocratie. Mais c’est son travail de rendre la démocratie et l’État de droit irréversible. », a fait savoir Emmanuel Macron qui fait remarquer que « l’Afrique n’a jamais autant connu de conflits internes, d’impasses autour de ses constitutions, autour de ses élections »
Lutte contre l’obscurantisme en reprenant le leitmotiv de Mohammed VI
Dans un schéma de lutte contre l’obscurantisme, Emmanuel Macron a voulu enfourcher la cheval de la laïcité. « Je veux parler à vos consciences. Vous pouvez être athées ou vous pouvez croire, mais ne laissez jamais la religion dans laquelle vous croyez vous convaincre qu’elle est une aventure de destruction de l’autre. »
Dans cette lutte contre l’extrémisme, Emmanuel Macron reprend à son compte le leitmotiv de l' »islam du juste milieu » promu par le roi Mohammed VI du Maroc à qui il a rendu hommage dans un passage de son discours pour « sa prise de conscience sur le défi de l’extrémisme religieux »
Le défi de la démographie
Sous les protestations de la salle, Emmanuel Macron a abordé le thème de la démographie. Pour rectifier sa déclaration fracassante au Sommet du G20, il indique ne pas avoir à dicter à la femme africaine le nombre d’enfants qu’elle doit avoir. Mais cela doit rester le « choix personnel » des jeunes filles qui ne « doivent plus être mariées à 13 ou 14 ans et commencent à faire des enfants »
Pour l’accès à la santé, le président français souhaite non seulement la formation du personnel de santé mais aussi il veut que « des financements privés français servent demain à ouvrir des cliniques à Abidjan, Dakar, Ouagadougou ». Mais aussi aider à « éradiquer le fléau » des faux médicaments.
Changement climatique et smart-city
Il rappelle l’inauguration d’une centrale solaire avec Roch Marc Kaboré pour lancer le thème du changement climatique qu’il ne faut pas voir comme « une lubie pour pays développés ». « L’Afrique est en première ligne. Elle peut aussi être à l’avant-garde là où l’Europe n’a pas su apporter de solutions. »
Il appelle aussi à relever le défi de l’urbanisation de l’Afrique en mettant en avant le développement de villes intelligentes, les smart-cities.
Défis de la mobilité et de l’innovation
Le président français souligne deux « révolutions fondamentales : la révolution de la mobilité et celle de l’innovation ». Dans le premier cas, il s’agit de la création d’un visa de plus longue durée en France mais aussi par la facilitation de la circulation à l’intérieur de l’Afrique et entre l’Afrique et la France. « ‘Je souhaite que ceux qui sont diplômés en France puissent y revenir quand ils le souhaitent et aussi souvent qu’ils le souhaitent grâce à des visas de plus longue durée ».
« J’appelle les universités et les écoles françaises à ne pas perdre davantage de temps et à développer des parcours croisés auxquels aspirent nos jeunesses. » Dans le cadre de cette mobilité croisée, Emmanuel Macron souhaite que « plus de jeunes Français puissent venir travailler en Afrique dans les entreprises ou en stage dans les ambassades en privilégiant les candidats qui parlent ou ont commencé à apprendre une langue africaine »