Créé en 1985, le groupe de logistique internationale a longtemps représenté l’un des fleurons de l’économie française en Afrique. La politique de diversification et les réseaux mal maîtrisés ont finalement conduit à la cession du groupe. Quatre ans après la mort de Richard Talbot, Bolloré Transport & Logistics – le concurrent historique – acquiert les actifs stratégiques de Necotrans: retour sur un naufrage annoncé.
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Le 5 novembre 2013, Richard Talbot disparaît des suites d’une affection neurodégénérative. Sophie Talbot (NDR : sa fille) reprend la présidence de la holding – Sofingest – et le Conseil d’administration nomme Grégory Quérel au poste de Président Directeur Général. En janvier 2014, J-P. Gouyet – l’ancien « Monsieur Afrique » d’AIRBUS (ex-EADS) – le rejoint au poste de Directeur Général délégué et l’assiste dans la restructuration du groupe. A son arrivée, Grégory Quérel confiant, déclare par voie de communiqué: « Sa parfaite connaissance du continent est à la fois une promesse de consolidation et de développement. »
L’homme veut incarner une « nouvelle façon de réussir en Afrique ». Dès le 13 novembre 2013, quelques jours après l’annonce du décès de Richard Talbot, le groupe est confronté à la tempête que provoque l’acquisition controversée du quai vraquier de Dakar. En 2014, Necotrans remporte la concession du Port de Brazzaville pour la modernisation et la réhabilitation des 10.8 hectares des futurs Terminaux du Bassin du Congo (TBC). Ce chantier estimé à 26 millions d’euros, devait se finaliser au premier semestre 2017. Les résultats attendus ne sont pas au rendez-vous et fragilisent durablement le groupe. Les plans de licenciements se multiplient. Fin avril 2017, 120 ex-employés de Necotrans TVS au Sénégal, se réunissent en collectif pour dénoncer les conditions de leurs licenciements – sans motif, ni préavis – et les « dérives » de l’entreprise.
Loin des ambitions dakaroises, calquées sur le modèle dubaîote, Necotrans n’y a développé aucune activité sur les 3 dernières années… Ce constat d’échec fait écho à une suite de revers enregistrés par le groupe depuis la disparition de Richard Talbot. Placée sous mandat de cession piloté par la Banque Rothschild en janvier dernier, Necotrans est mise en liquidation judiciaire partielle le 29 juin 2017. L’entreprise familiale a chaviré en moins de 4 ans.
Avis de tempête sur Conakry
La difficile restructuration de Necotrans a rapidement conduit le groupe au naufrage. En novembre 2016, l’entreprise cède à la hâte, ses parts de la Société des Terminaux de Conteneurs du Gabon (STCG) au groupe Bolloré. Ce dernier détenait déjà 51% de l’entreprise opératrice du terminal du Port d’Owendo. L’opération vise essentiellement à renflouer les caisses du groupe même si le PDG s’en défend. L’entreprise cherche alors à renforcer Necotrans Gabon, sa deuxième filiale en Afrique, présidée par Jean-Denis Amoussou, Conseiller du Président Ali Bongo, et dirigée par Geert Van Gansbeke.
Quelques mois après la disparation de Talbot, la situation est alarmante : cession, restructuration et licenciements entraînent Necotrans dans la tourmente. L’acquisition des mines en République Démocratique du Congo, a particulièrement fragilisé l’entreprise. Fin 2015, Grégory Quérel – appuyé par le cabinet AM Capital – négocie la cession de Mining Company Katanga avec Philippe Labonne, le DGA de Bolloré Transports et Logistics et DG de Bolloré Ports. Cette opération est conduite parallèlement au contentieux guinéen entre Necotrans et le groupe Bolloré sur la gestion du Port Autonome de Conakry (PAC).
La crise est profonde au regard du différend qui l’oppose alors au groupe breton. Bolloré avait été condamné le 10 octobre 2013 par le Tribunal de commerce de Nanterre, à lui verser 2 millions d’euros pour préjudice mais Necotrans avait fait appel. Sa filiale GETMA, avait été écartée de la gestion de la concession du PAC en 2011, et réclamait 132 millions d’euros de dommages et intérêts à son concurrent, sur fond de scandale politique. Avec l’acquisition de la STCG par le groupe Bolloré, la procédure d’appel est abandonnée. Coup de maître de Bolloré qui, malgré l’amitié née sur les bancs de la Fac entre le Président guinéen et Pierre-André Wiltzer (conseiller de Necotrans), remporte cette bataille…
Une difficile restructuration
Quand Talbot s’éteint, c’est l’âme du groupe qui disparaît. L’entreprise a longtemps été gérée comme une PME par un Directeur qui maîtrisait à la fois les réalités du terrain et qui connaissait individuellement, un grand nombre de ses employés. L’homme d’affaires a bâti un empire, en parcourant le continent pendant plus de 30 ans. Necotrans représente 126 implantations dans 40 pays sur 5 continents pour un chiffre d’affaires de 1.3Mds d’euros et 5000 salariés. Disposant de soutiens nombreux, la réussite du groupe tenait beaucoup à la personnalité de son fondateur.
Son successeur – âgé de 38 ans – est le reflet d’une nouvelle génération. Soutenu par l’Institut Choiseul, le centralien Grégory Quérel débute sa carrière chez Natixis et rejoint Necotrans en 2004. D’un mode de management décentralisé entre une multitude d’entités aux processus internes hétérogènes, il passe à l’uniformisation des services, à la consolidation des données et à la centralisation des activités. Les objectifs sont ambitieux mais la mécanique s’enraye au point où, Necotrans est vite contraint de renoncer.
En janvier 2017, le groupe confie un mandat de cession à la Banque d’affaires Rothschild. Le Fonds OLAM – spécialisé dans le négoce et le courtage de denrées alimentaires, a été pressenti pour la reprise de Necotrans mais l’annonce tombe le 25 août dernier : le consortium Bolloré – APCH – Premium et Privinvest rachète les actifs du groupe. Echec et mat !
Dans le giron de Bolloré
Fin juin, Necotrans demande sa mise en redressement judiciaire. Le 25 août 2017, le Tribunal de commerce de Paris rend son verdict et valide la proposition du Consortium Bolloré, APCH, Premium et Privinvest. Une solution de reprise rapide comme en témoigne Christophe Thévenot, administrateur de Necotrans: « Le processus de cession nous a mis sous pression entre le 29 juin et le 17 août car les délais étaient très serrés ». La proposition retenue implique des offres conjointes, non solidaires et non dissociables d’African Ports & Corridors Holdings (APCH) basé à Maurice, de Bolloré Africa Logistics (BAL), du groupe marocain Premium (distribution de biens d’équipement) et du groupe de construction navale libanais, Privinvest.
BAL possède désormais des participations dans la société de manutention du de Cotonou (SMTC), le Terminal roulier d’Abidjan (TERRA), le Terminal sec burkinabé (TRBC) et dans la société camerounaise Douala International Terminal. Bolloré devient également l’actionnaire majoritaire du Lomé Container Terminal et du Port fluvial de Brazzaville (TBC). L’offre de rachat devrait permettre le maintien de 86 emplois dans les sociétés françaises et 1100 emplois dans les filiales africaines pour une valorisation de « 20 millions d’euros environ », selon C. Thévenot qui précise : « 2 offres sérieuses se sont dégagées. La 1ère venait du consortium Heppner et Sea Invest et la seconde, du consortium Bolloré, APCH, Premium et Privinvest. Cette dernière offre permettait le maintient d’environ 50% des emplois soit environ 2200 salariés. Ce fut un critère de choix important pour le Tribunal. Le 2ème consortium ne proposait que 1100 postes dont 0 ou 1 en France.»
Si Grégory Quérel a jugé l’offre insuffisante au « niveau social », l’administrateur relativise : « On souhaite toujours que tout le monde soit repris mais c’est rarement le cas…Le Tribunal a estimé que c’était l’offre la plus intéressante. Par ailleurs, le facteur-emploi compte autant que le sérieux des offres de reprise proposées et leur capacité supposée à maintenir l’activité. » Bolloré aurait racheté les actifs pour 3 millions d’euros, d’après l’Opinion du 29 août, ce que M. Thévenot n’a pas confirmé. Avec ce coup de maître, le 1er réseau de logistique intégrée en Afrique renforce encore un peu plus ses positions sur le continent.
Avec afrique.latribune.fr