Par Sylvain Trabichet, Professeur en Sciences Economiques et Sociales. Face aux dommages causés par la surexploitation minière, tous les pays ne sont pas égaux. Alors que la Zambie a décidé d’améliorer sa législation pour protéger l’environnement, la Guinée continue de courir après les retombées économiques d’une exploitation déréglementée et dangereuse.
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Érosion des sols, déboisement de forêts, eaux contaminées, air pollué… En janvier 2016, la Malaisie annonce qu’elle suspend officiellement sa production de bauxite (le minerai naturel qui permet la fabrication d’aluminium). Dépassé par la surexploitation des entreprises chinoises sur son sol, Kuala Lumpur a préféré mettre fin au désastre. En Afrique, la Zambie et la Guinée, respectivement productrices de cuivre et de bauxite, commencent à être confrontées aux mêmes problèmes économiques, sociaux et environnementaux. Mais le gouvernement zambien s’efforce de légiférer pour limiter les abus des grandes compagnies minières.
La Zambie prend le problème à bras le corps.
Le gouvernement de Lusaka a annoncé le 22 juillet dernier la mise en place d’un nouveau programme de rénovation des installations minières et de protection de la nature. Financé à hauteur de 65 millions de dollars par la Banque Mondiale, ce projet doit aussi s’attaquer aux problèmes sociaux engendrés par ces industries. Cet ambitieux programme s’inscrit dans la continuité de la politique de l’État zambien, qui multiplie depuis 2003 les mesures pour limiter les dégâts provoqués par l’extraction du cuivre, notamment la propagation de plomb dans les cours d’eau et les nappes phréatiques.
En juin dernier, le gouvernement de Lusaka annonçait aussi vouloir impliquer davantage les entreprises minières, très largement étrangères, à la croissance du pays. « Sur les 2,8 milliards de dollars dépensés par les entreprises minières pour l’achat de biens et de services, seulement 4 % ont été dépensés localement » déplorait en mai 2017 la Zambia Consolidated Copper Mines Investment Holdings, l’entité chargée de gérer les actifs de l’État zambien dans les groupes miniers. Pour que ce secteur profite à l’économie locale, l’État oblige désormais ces entreprises étrangères qui réalisent des bénéfices à se procurer près de 9 % de leur matériel auprès d’entreprises zambiennes. Un interventionnisme audacieux, qui pourrait enfin permettre au pays de se développer sur des bases saines.
Les groupes miniers chinois continuent de faire la loi en Guinée
Une prise de conscience de la Zambie qui ne semble pas être parvenue jusqu’en Guinée, dont les sols contiennent quelques 25 milliards de tonnes de bauxite, soit la moitié des réserves mondiales. Un eldorado économique dont les effets positifs se font malheureusement encore attendre. En cause, l’implantation de compagnies minières chinoises peu regardantes sur les conséquences néfastes sur l’environnement et qui investissent peu sur place. Pourtant, la demande chinoise de bauxite ne cesse de grimper, et pourrait même atteindre les 51,4 millions de tonnes en 2019.
Le passage permanent des camions chargés de bauxite entre les mines et les ports du pays diffuse dans l’air une poussière qui endommage les poumons des populations et déséquilibre tout l’écosystème. Une situation dont le gouvernement guinéen peine à prendre la mesure. Les 25 et 26 avril dernier, des émeutes ont enflammé la ville de Boké, principal centre de l’exploitation de la bauxite dans le pays. Les violences, qui ont fait deux morts, illustrent bien la tension qui règne auprès des habitants excédés de voir qu’ils ne bénéficient nullement de la présence des entreprises chinoises, bien au contraire. Car paradoxalement, la ville de Boké est ravagée par un chômage de masse, les groupes miniers investissant peu sur place. « Nous pouvons dire que dans ce domaine il y a encore des insuffisances, tant dans la prévention de l’environnement que dans le contenu local. Il n’est pas normal que certaines sociétés minières continuent à faire rouler des camions avec beaucoup de poussière parce que c’est contraire au principe de bonne gouvernance qui est la protection de l’environnement » avait alors déclaré le président guinée Alpha Condé pour tenter de calmer les esprits. Une déclaration qui manque encore de mesures concrètes.
Le gouvernement souhaite-t-il adopter une législation contraignante similaire à celle qui a été prise en Zambie ? On peut en douter : l’État guinéen a signé des partenariats avec les sociétés China Hongqiao Group et Chinalco pour extraire dès 2018 respectivement 22 millions et 40 millions de tonnes de bauxite par an. Une augmentation exponentielle de volume qui laisse penser qu’à Conakry, ce sont bien les entreprises de l’Empire du Milieu qui font la loi.