Silence, il s’est tu. Les cordes merveilleuses de sa kora se sont tues. Les vibrations gracieuses de sa calebasse ne sont plus tenues. Fil ténu des mélodies fiévreuses de sa harpe d’Afrique évanouies. Il est parti de ses longs pas feutrés que nous n’avons pas entendus. Il s’est éclipsé sans que le bled de son investissement ne lui ait rendu sa plus-value.
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Ce mardi c’est en hommage posthume que son patriotisme fut reconnu. Comme d’habitude dans ce bled de vendus, votre âme vaut moins vivante que pendue. Alors, il est parti plus frêle que dodu. Bientôt, un petit blanc-bec têtu nous gratifiera de son petit docu pour nous rappeler toute la valeur artistique et humaine que nous avons perdue. Et c’est là que nous nous souviendrons de notre imbécillité ardue et notre incapacité énervante à rendre à nos muses ce qui leur est dû. Et nous nous mettons à chialer telle une gonzesse mal tronchée qui dégouline de son sale jus. Nous fabriquons des panégyriques et des requiem cossus, plus pour faire bander nos egos tordus que pour rendre un hommage au disparu. Ah ! Qu’est ce que dans ces moments j’aimerais cracher sur nos « gueules velues » et percer nos bedaines « gargouillant de flatulences mal contenues ». Mais, par respect au mort et à sa descendance connue et inconnue, j’avale ma fureur reconnue jusqu’à ce que j’en sois repu.
Pendant ce temps, M’Bady Kouyaté a pris le chemin sans issue. Ou plutôt le sentier sans retour à l’unique issue. Il retrouvera Wandel et son saxo farfelu. Il lui dira que son « matoowé matoowé » n’a pas encore fait des déçus. Il croisera Sassine et son verbe tendu. Il lui expliquera qu’on veut toujours savoir par ici pourquoi ses héros étaient des exclus et des perclus. Il chantera avec Kandia et sa voix impromptue. Il lui fera savoir que nous sentons au Centre Culturel Franco-Guinéen son et une rduave’unique issue. Il yos étaient et tous les autres rejetons de la grimace le saluent. je crois qu’y, Sékouessus. Lui,esprit reclus. Il rira avec Italo et sa comédie inattendue. Il lui dira que Manet, Pédro, Mamadou Thug et tous les autres rejetons de la grimace le saluent. De là ils nous regarderont avec des yeux de petites larmes imbus. Ils regretteront d’avoir goûté sitôt à ce fruit défendu. Parce qu’ils savent que nous ne sommes pas suffisamment outillés pour survivre face à cette horde de violeurs qui nous suent dessus. Lui, il leur apportera les nouvelles fraîches du nouveau venu. Eux, lui diront ce qu’ils observent de notre trou perdu depuis qu’ils ont trop vite couru. Et c’est ensemble qu’ils boiront à leurs regrets dans les mêmes tasses de désespoir dans lesquels jadis ils avaient bu. Ils couleront la même petite larme d’impuissance qui autre fois sur leur joue squelettique avait accouru. Et ils finiront par se rendre à l’évidence qu’il y a ici quelque chose de corrompu et qu’il ne sert à rien de marchander son âme pour des babioles invendues. Au mieux, il faut les offrir au premier mendiant qui vous tend sa paume indue et vous offre un verset mille et une fois relu.
Silence M’Bady s’est tu. Il s’est tu parce que le Seigneur l’a ainsi voulu. Personne ne peut contester ce verdict consternant qui nous colle tous à la peau telle une sangsue. Alors on se demande où est passée sa kora aux cordes touffues. Où est passée la réverbération voluptueuse qui ondoie dans nos cœurs séduits ? Où sont les doigts magiques du Mandingue qui nous font voyager vers des cités méconnues ? Pour ceux qui se posent ces questions émues, sachez que M’Bady s’est tu comme il fut. En fait, pardonnez mes élucubrations d’intello se dandinant avec son cervelet qui pue. Parce que M’Bady ne s’est jamais tu. Jamais il se taira, il faut que ce soit su. Sa kora vibre dans les doigts de Séfoudy, Kandia, Sékou et Kourou qui le perpétuent. Ces héritiers de sang comme ceux de son enseignement qui pullulent dans nos rues, chacun à lui tout seul est un M’Bady Kouyaté qui a fait une mue. A travers chaque son que gratteront leurs doigts sur une kora en bandoulière aperçue. A travers chaque cœur qui s’émouvra par ce monde foutrement bien fondu et rendu. A travers chaque standing ovation reçu. Ainsi donc M’Bady ne s’est pas tu, comme je me précipitais à l’affirmer tel un inconscient au début.
Silence, oui taisez-vous afin que M’Bady par delà le temps, de l’espace et de leurs étendues soit entendu. Silence, M’Bady gigote sur scène dans sa tenue d’ « ambianceur » qui ne s’est pas tenu. Donnez-lui vite le micro pour qu’il nous sorte de notre spectacle trop convenu. Lâchez-lui la kora pour recevoir la dernière leçon du maître qui débarque de manière imprévue. Qu’un peu d’improvisation soit foutue. Allez, N’faa, viens, viens vite par ici t’es attendu. On s’est entendu que nous ne sommes pas prêts à accepter que tes cordes soient rompues. Ici encore plus d’oreilles sont tendues afin qu’une partie de notre innocence nous soit rendue. Oui, je sais que tu serais revenu si t’avais pu. Alors à la revoyure N’faa, puisque je sais qu’un de ces quatre nous serons heureux quand on se sera revu. Sur ces mots fatalement entretenus, je crois qu’il est temps que je ferme ma gueule et je dégage.
Soulay Thiâ’nguel