Recomposition politique en Guinée: Lansana Kouyaté et l’âne de Buridan

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Lansana Kouyaté, appelé à se situer sur l’échiquier politique guinéen, a revendiqué une position centriste tout en affirmant son ancrage dans l’opposition. On peut s’interroger sur le bien fondé de ce positionnement et  sur l’avenir politique de  cet homme qui n’est pas sans talent avec des convictions et de l’expérience.

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Y a-t-il en Guinée, comme le croit LK, un espace propice au développement d’un centre politique? On peut en douter. En effet, en raison de la nature de nos institutions et son système présidentiel avec une élection à deux tours, la vie politique guinéenne est fortement bipolarisée. Dans une telle situation,  le centre ne peut pas être un lieu de rassemblement ou d’impulsion.

La difficulté de mobiliser un centre tient aussi à l’imprécision de sa pensée politique. En effet, LK définit le centre par une critique  idéologique de la  gauche  et de la droite.  Il affirme que le centre n’est  ni l’une ni l’autre et le définit ainsi par ce qu’il n’est pas sans proposer ce qu’il devait être. A ce problème d’identité s’ajoute la question de personnalité. Dans quel camp et à quelle niveau de subordination ont-ils fini les tenants du ni-ni qu’incarnait  feu Jean Marie Doré ?

En vérité, LK est aujourd’hui dans une démarche hésitante : il assume le divorce d’avec Alpha Condé mais ne veut pas être en rupture frontale avec le RPG AEC, bras politique de sa communauté ; il clame sa fidélité à l’opposition mais se gène de toute proximité de collaboration avec le chef de file de cette opposition de crainte d’apparaitre comme inféodé à celui-ci. Il ambitionne ainsi de créer un 3ème camp en rêvant  d’un centre introuvable.

En fait, le positionnement de LK ne semble pas prendre en  compte la réalité de la vie politique guinéenne qui est aujourd’hui  bien différente de celle 2010. En effet, Alpha Condé a accédé au pouvoir revêtu du manteau de la vertu comme peut l’être une vierge. Mais  l’exercice du pouvoir a révélé l’homme. Jamais notre nation n’a été aussi déchirée et notre république aussi fragilisée. Par ses discours de stigmatisation ethnique et la discrimination dans l’administration de l’Etat. Par le non respect des lois et au premier rang la constitution. Par le refus de mettre en œuvre les accords politiques qui ressortent d’un consensus des forces vives du pays. La clameur du  changement s’est depuis estompée avec, comme seul écho dans le quotidien des guinéens, une précarité plus grande, une corruption éhontée, une insécurité galopante. La prise de conscience  du danger constitué par Alpha Condé pour l’équilibre de notre pays a gagné les rangs de son propre camp.

Dans un tel contexte, les clivages politiques ne sont pas d’ordre idéologique. Il s’agit de sauver la république et ses valeurs. Les patriotes et les démocrates  n’ont donc pas à finasser. Ils n’ont pas d’autre choix que d’être debout ensemble dans le camp qui défend les libertés et les droits des guinéens contre ce pouvoir qui méprise notre peuple en violant la constitution, expression de la nation. Ils doivent serrer les rangs et ne laisser aucun espace qui pourrait être utilisé pour affaiblir leur résistance. En effet, la dictature se nourrit de la division du corps social. Seule l’unité d’action des forces qui la combattent peut empêcher son développement. L’affaissement en cours des frontières ethniques qui est une victoire de la nation sur elle même et contre la politique de division d’Alpha Condé est un ferment de premier ordre de cette unité.

C’est pourquoi LK doit renoncer à constituer une opposition dissidente. Celle ci par la faiblesse de sa représentativité n’est pas de nature à gêner le pouvoir. En revanche, elle peut altérer l’unité d’action contre le régime en place.  Refuser toute complicité même tacite qui serait de nature à aider Alpha Condé à conserver le pouvoir.  Prendre conscience que son départ est la condition de la cohésion nationale et du développement du pays. Cette double exigence  doit s’inscrire dans la responsabilité historique des leaders politiques qui s’opposent au régime actuel.

Une autre responsabilité s’impose à Cellou Dalein Diallo qui préside l’Ufdg, le premier parti d’opposition du pays. Parce qu’il est le chef légitime de cette opposition par la capacité de mobilisation de son parti et la résilience dont il a fait montre depuis 2010 contre la volonté d’instauration de la dictature en Guinée. Parce qu’il l’est aussi au plan légal par l’importance de sa représentation parlementaire qui fait de lui le chef de file de l’opposition. Ainsi, de fait comme de droit,  c’est lui qui conduit le combat pour chasser par les voies légales Alpha Condé du pouvoir. Cette position de leader lui incombe le devoir de tracer une perspective concernant la gouvernance post Alpha Condé.

Mais pour donner tout son sens à cet élan, l’opposition guinéenne c’est à dire l’opposition républicaine doit être refondée. Il faut  une sélection pour éliminer de ses rangs la kyrielle de petits partis si faméliques qu’ils peuvent compter parmi eux des chevaux de Troie du pouvoir. Le ticket d’entrée à instituer serait la représentation  au parlement et la participation aux élections nationales. Les leaders des partis ainsi élus établiraient alors un pacte électoral basé sur le principe du désistement pour le parti le mieux placé pour gagner les suffrages par rapport  au parti du pouvoir et ses alliés. Ils définiraient également un pacte gouvernemental qui fixerait les objectifs pour l’avenir de la Guinée post Alpha Condé.

Cellou Dalein Diallo doit prendre l’initiative pour cimenter l’opposition, accroitre son efficacité et en faire un  mouvement de rassemblement et d’espoir pour les guinéens. Dans la perspective ainsi tracée,  LK a toute sa place qui est grande aux côtés de leader de l’Ufdg, non pas dans l’amertume  pour les  actions avortées dans le passé mais pour  construire l’avenir de la Guinée. Il doit occuper cette place sans hésitation.  En refusant le sort de l’âne de Buridan qui est mort  d’indécision de faim et de soif.

 

Alsény Kolenté Bangoura

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