La Cour Constitutionnelle a fait amende honorable ce lundi 21 décembre reprenant la prestation de serment d’Alpha Condé avant son installation. Cette fois-ci, le Président élu a juré de respecter et de faire respecter scrupuleusement les dispositions de la Constitution, des lois et des décisions de justice, de défendre les Institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale… ».
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La reprise du serment est un acquis à mettre à l’actif du juriste Mohamed Camara qui avait attiré l’attention de l’opinion nationale et internationale sur l’omission. Beaucoup d’observateurs ont salué ce lundi la vigilance de ce jeune juriste qui avait publié, au lendemain de la prestation de serment, une tribune dont voici le contenu in extenso.
Le Serment du Président de la République doit être repris :Le serment prêté par le Président de la République le 14 décembre 2015 doit être repris par la Cour Constitutionnelle le 21 décembre 2015 avant l’installation. Et pour cause ?
Un bout de phrase a été doublement omis à la fois dans le texte du serment soumis à la lecture du Président de la République et dans le discours du Président de la Cour Constitutionnelle. Regardez à nouveau les images ou réécoutez les bandes sonores de ladite prestation de Serment ainsi que du discours du Président de la Cour Constitutionnelle.
L’un et l’autre ont omis de prononcer l’expression « et de faire respecter ». Les phrases du serment n’ont pas été totalement dites. Or, si le Président s’engage à respecter scrupuleusement la Constitution, cela n’a qu’une valeur individuelle. Il faut qu’il s’engage aussi à FAIRE RESPECTER, tant il est vrai que c’est ce bout de phrase qui lui confère le pouvoir de faire appliquer la Loi pour que la Guinée soit un Etat de Droit, où force doit rester à la Loi ! Il faut donc nécessairement reprendre le serment le 21 décembre 2015 avant l’installation pour dire mot pour mot, ce qui est indiqué à l’article 35 de la Constitution au risque de créer deux problèmes juridiques.
1°)- Le non respect précoce de la Constitution du fait de cette omission qui a échappé à la vigilance de la Cour Constitutionnelle (gardienne de la Constitution).
2°)- Si la Cour Constitutionnelle ne fait pas prêter à nouveau le serment pour que le deuxième niveau d’engagement du Président soit dit conformément à l’article 35 de la Constitution, ni la Cour Constitutionnelle, ni la Haute Cour de Justice, encore moins les députés, ne devraient alors, lui en vouloir au cas où il ne fera pas respecter les Lois. Etant donné qu’il a seulement promis de respecter (pas plus !). Quant à faire respecter, il n’a rien dit pas plus que le Président de la Cour Constitutionnelle dans son allocution.
Chers membres de la Cour Constitutionnelle, Votre Honneur ! N’ayant pas la qualité de saisir la Cour Constitutionnelle en vertu de la Loi Organique 06 du 4 octobre 2011 relative à sa Composition, à son organisation et à son fonctionnement, je vous demande humblement à travers cette tribune, de bien vouloir reprendre la Prestation de Serment du Président de la République le 21 décembre 2015 avant l’installation pour le respect de la Constitution.
CETTE REPRISE DE SERMENT S’INSCRIRA DANS LA DROITE LIGNE DE VOTRE COURAGEUX DISCOURS ET DISSUASIF AUPRES DES CANDIDATS AUX TRIPATOUILLAGES CONSTITUTIONNELS.
Aperçu général sur le Serment du Président de la République en Guinée :
Définition : Le Serment est une affirmation solennelle et codifiée que le Président de la République fait par voie orale en vue d’attester la sincérité d’une promesse, l’engagement de bien remplir les devoirs de sa fonction.
Fondement juridique : En Guinée, le Serment que prête le Président de la République est consacré par l’article 35 de la Constitution du vendredi 7 mai 2010.
Contenu et Champ d’application : « Moi __________, Président de la République élu conformément aux lois, je jure devant le Peuple de Guinée et sur mon honneur de respecteret de faire respecter scrupuleusement les dispositions de la Constitution, des lois et des décisions de justice, de défendre les Institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale. En cas de parjure que je subisse les rigueurs de la loi. »
NB : Ces phrases doivent être prononcées en tout et pour tout sans en modifier ni en omettre. C’est un engagement à deux (2) niveaux : respecter et faire respecter.
Lieu de Prestation de Serment : Le Serment du Président de la République élu est prêté devant la Cour Constitutionnelle. Après la lecture du contenu du Serment, le Président de la Cour Constitutionnelle dira ceci : « la Cour prend acte de votre Serment et en conséquence, vous renvoie dans l’exercice de vos fonctions de Président de la République de Guinée ».
Portée du Serment : Le Serment a un caractère sacré. Sa jonction avec l’installation, offre l’immunité présidentielle. Sa violation est qualifiée de haute trahison en droit guinéen sur le fondement de l’article 119 de la Constitution du vendredi 7 mai 2010.
Exigences du Serment: Le Serment doit être respecté sous peine d’être accusé de violateur de la loi. A signaler que la violation d’une Loi résulte soit du refus de l’appliquer, soit de l’excès dans son application ou de l’inobservation de la procédure y afférente. Le non respect du Serment ou le parjure, passible de sanctions administratives et pénales, est érigé au rang des infractions qualifiées de Haute trahison en Guinée.
Conséquences de sa violation : En droit guinéen, la violation du Serment est une des formes de Haute Trahison sur le fondement de l’article 119 de la Constitution et de ce fait, est passible de peine de sanctions administratives (suspension de sa fonction jusqu’à l’issue du procès) et pénales (peines privatives de libertés et versement d’amendes).
Procédure de mise en accusation : En application de l’article 120 de la Constitution, « la mise en accusation est demandée par un dixième des députés. Elle ne peut intervenir que par un vote de l’Assemblée Nationale au scrutin secret à la majorité des trois cinquièmes des membres qui la composent. Celle-ci peut décider, lorsque le Président de la République est mis en accusation, que le Président de l’Assemblée Nationale exerce sa suppléance jusqu’à ce que la Haute Cour de Justice ait rendu son arrêt. L’instruction et le jugement ont lieu toutes affaires cessantes. Le Président de la République, le Premier Ministre et les membres du Gouvernement, en cas de mise en accusation devant la Haute Cour de Justice, sont suspendus de leurs fonctions. En cas de condamnation, ils sont déchus de leurs fonctions. En cas d’acquittement, ils reprennent leurs fonctions. »
Bref, c’est le nombre fixé à 1/10ème de 114 correspondant à 11 députés qui font la demande. Pour que la mise en accusation soit effective, il faut 3/5ème de 114 correspondant ainsi à un nombre de 68 députés.
Juridiction Compétente : C’est la Haute Cour de Justice qui juge un Président en cas de violation du Serment qui est la première forme de Haute Trahison en Guinée. La Haute Cour de Justice est régie par les articles 117 et suivants de la Constitution ainsi que la Loi Organique N°91/09/CTRN du 23 décembre 1991.
Elle est compétente pour juger le Président de la République en cas de haute trahison, le Premier Ministre et les membres du Gouvernement pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions. Elle est composée de 9 personnes (6 députés, un Représentant de la Cour Constitutionnelle, Un Représentant de la Cour Suprême, un Représentant de la Cour des Comptes). Il y a aussi un Président suppléant et trois juges suppléants. Ces juges sont désignés le mois qui suit la première séance de l’Assemblée Nationale en application de l’article 3 de la Loi Organique 09 du 23 décembre 1991relative à la Haute Cour de Justice. Ceci devait intervenir depuis février 2014 étant donné que l’Assemblée Nationale a été installée en janvier 2014.
Les fonctions de juges titulaires et suppléants élus par l’Assemblée Nationale prennent fin en même temps que les pouvoirs de cette Assemblée. Tout juge, qui cesse d’appartenir à l’Assemblée Nationale cesse, en même temps, d’appartenir à la Haute Cour de Justice. Il est pourvu à son remplacement.
Mohamed CAMARA, juriste et chargé de Cours de Droit.