Les uns préfèrent les coulisses de Sékhoutouréya, les autres montent en première ligne, tous sont derrière Alpha Condé. Et constituent la dream team du chef de l’État sortant.Moins de cinq mois avant la présidentielle, Alpha Condé se prépare au combat avec une équipe de choc. Au palais Sékhoutouréya, il s’appuie d’abord sur Mohamed Diané, le fidèle parmi les fidèles (lire portrait).
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Le ministre directeur de cabinet à la présidence n’est pas seulement le filtre par lequel passent toutes les demandes des membres du gouvernement au « chef ». C’est aussi l’homme des rencontres secrètes. Avec le jeune Ibrahim Khalil Kaba, le ministre chef de cabinet à la présidence (lire portrait), il vise tous les dossiers du « patron » tout en restant dans l’ombre.
Kiridi Bangoura, le ministre secrétaire général de la présidence (lire portrait), est, lui, beaucoup plus visible. Il a mis ses talents d’orateur au service d’Alpha Condé, auquel il est rallié seulement depuis 2010. En tant que porte-parole de la présidence, il est autorisé à parler au nom du chef. De la part d’un président qui veut tout faire lui-même, c’est une vraie marque de confiance. Quant à la communication du Palais, elle est pilotée par Rachid N’Diaye, journaliste chevronné et directeur de publication du mensuel panafricain Matalana.
Rescapé
Dans le domaine de la sécurité, Alpha Condé, qui a essuyé une tentative de coup d’État en juillet 2011, s’est attribué le ministère de la Défense et a nommé l’un de ses anciens avocats, Me Abdoul Kabèlè Camara, au poste de ministre délégué. Dans l’armée, trois hommes, au moins, ont son oreille : le général Aboubacar Sidiki Camara, un ancien de l’école militaire française de Saint-Cyr, surnommé Idi Amin à cause de sa stature imposante, qui est directeur de cabinet du ministre délégué ; le général Namory Traoré, chef d’état-major général des armées ; et le général Ibrahima Baldé, chef d’état-major de la gendarmerie. Les rênes de l’Administration territoriale sont quant à elles aux mains d’un rescapé du régime Dadis Camara, le général Bourema Condé (qui fut un temps le chef d’état-major particulier du président), et celles de la police nationale sont tenues par Mohamed Garé.
Depuis plus de quatre ans, la primature est confiée à un gros travailleur, Mohamed Saïd Fofana – un homme discret et peu politisé, qui a l’avantage de ne pas faire d’ombre au chef de l’État. Les Affaires étrangères sont orchestrées par l’infatigable François Lounceny Fall, qui a rallié le candidat du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) entre les deux tours de la présidentielle de 2010. Depuis, par deux fois, ce diplomate expérimenté a été sollicité par une grande organisation internationale. Deux fois, le président lui a dit : « Non, je te garde. »
Le portefeuille des Mines est lui aussi aux mains d’un négociateur hors pair, Kerfalla Yansané (lire portrait) – « un ministre pour lequel Alpha a beaucoup de respect », confie un proche du chef de l’État -, et celui des Finances, géré par Mohamed Diaré, un homme d’une fidélité à toute épreuve.
Au Palais, le Conseil présidentiel de l’investissement (CPI) est présidé par Kassory Fofana, ancien ministre des Finances (lire interview pp. 72-73), et les grands projets présidentiels sont conduits par Mamadi Condé, dit Thalès, du nom du philosophe et mathématicien grec. Par ailleurs, Mama Kanny Diallo, ancienne épouse du chef de l’État, qui était haut fonctionnaire à la Banque africaine de développement (BAD), vient d’être recrutée comme conseillère économique principale avec rang de ministre. Dans ce « pack pour la gagne », Alpha Condé compte aussi sur la première ligne du RPG : Saloum Cissé, le secrétaire général du parti, Kory Kondiano, le président de l’Assemblée nationale, Amadou Damaro Camara, le chef du groupe RPG à l’Assemblée, et Nanténin Chérif Konaté, une députée au verbe haut.
Brutalité
De cette formation de combat, deux hommes se démarquent. Le ministre de la Justice, Cheikh Sacko, un avocat qui vient du barreau de Montpellier, en France, et le ministre des Droits de l’homme, Kalifa Gassama Diaby, un juriste issu de la société civile, qui n’approuvent pas les mesures prises par l’exécutif et dénoncent parfois la brutalité des forces de l’ordre face aux manifestants. Il arrive même que le ministre Gassama Diaby aille dans les postes de police pour faire libérer certains opposants. Alpha Condé laisse faire.
Ibrahim Khalil Kaba, ministre chef de cabinet à la présidence
Fils d’une grande figure politique du pays – Hadja Daraba Saran Kaba, la secrétaire exécutive de l’Union du fleuve Mano -, ce quadragénaire a d’abord fait une belle carrière de mathématicien aux États-Unis. À Sékhoutouréya, c’est lui qui gère les dossiers, répond aux courriers, reçoit les visiteurs et écarte les importuns. Ses combats : la lutte contre les emplois fictifs et en faveur d’une meilleure rentrée des recettes douanières. Souvent excédé par les lenteurs de l’administration, il est proche d’Alpha Mohamed Condé, le fils unique du président, qui, au Palais, suit certains partenariats de la Guinée avec l’Afrique du Sud et le Brésil.
Mohamed Diané, ministre directeur de cabinet à la présidence
Au Palais, on l’appelle le Docteur, en raison de son passé de biologiste. Mais il est surtout une sentinelle : depuis toujours, il veille sur le fondateur du RPG. Pendant les deux ans et demi de prison d’Alpha Condé (décembre 1998-mai 2001), il est courageusement resté à Conakry pour s’occuper du détenu et mobiliser l’opinion en sa faveur, en liaison permanente avec le professeur de droit Albert Bourgi, à Paris. Aujourd’hui, il est incontournable. Confident d’Alpha Condé, il voit ce dernier tous les matins. Quand un ministre souhaite changer un membre de son cabinet ou proposer un décret à la signature du président, c’est lui qui examine d’abord la requête et donne son avis. Quand le « chef » n’a pas le temps, il arbitre à sa place. Taiseux, un brin taciturne, il est partout, sauf à la radio et à la télévision. Aux yeux des Guinéens, il incarne le pouvoir invisible.
Kerfalla Yansané, ministre des Mines et de l’Énergie
Les régimes passent, Kerfalla reste. D’abord gouverneur de la Banque centrale de la République de Guinée, de 1985 à 1996, ce diplômé de la faculté de droit de Dakar devient ministre des Finances sous le régime de transition du général Sékouba Konaté. Il se bâtit alors une réputation d’incorruptible. À l’arrivée au pouvoir d’Alpha Condé, en décembre 2010, il est reconduit aux Finances et permet à la Guinée d’atteindre le point d’achèvement de l’initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE) – ce qui allège la dette du pays de plus de 2 milliards de dollars (1,8 milliard d’euros). Aujourd’hui à la tête des Mines, il fait face aux multinationales du secteur et à certains conseillers à la présidence qui tentent de négocier des contrats dans son dos. S’il se sent désavoué, le « Monsieur Anticorruption » du régime peut aller jusqu’à mettre sa démission dans la balance.
Kiridi Bangoura, ministre secrétaire général de la présidence
Romancier à ses heures – il a entre autres publié La Source d’ébène chez L’Harmattan (1991) -, ce diplômé en sociologie crée une ONG, puis devient l’un des jeunes cadres du régime finissant du général-président Lansana Conté. Lors des dernières communales, en 2005, ce manoeuvrier hors pair est ministre de l’Administration du territoire et fait le choix, contre les durs du régime Conté, de laisser le RPG d’Alpha Condé s’emparer de la mairie de Kankan. On n’insulte pas l’avenir… En 2010, il est recruté par le candidat du RPG, qui voit tout de suite l’intérêt d’intégrer dans son équipe de campagne un si fin tacticien et un tel connaisseur de la carte électorale du pays. Brillant orateur, Kiridi Bangoura est l’une des voix de la présidence.