Interview: Misbaou Sow, ancien parachutiste et commando du BATA parle de son engagement politique !

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Misbaou Sow, ancien parachutiste et commando du BATA (Bataillon autonome des troupes aéroportées) du Camp Alpha Yaya Diallo, a fait beaucoup de prisons guinéennes, accusé à tort ou à raison, de tentatives de renversement du régime de feu Général Lansana Conté. Le 23 mars, sur «Œil de Lynx», il a parlé de son entrée en politique, de son évasion de la Maison centrale de Conakry, le 15 avril 2005, où il était incarcéré pour «haute trahison». Un entretien exclusif.  (1ère partie)

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Lynx FM : Beaucoup de Guinéens ne vous connaissent pas.

 Misbaou Sow : Je suis un ancien parachutiste au Camp Alpha Yaya Diallo du Bataillon autonome des troupes aéroportées, ancien élève-officier de la 4ème promotion de l’Ecole militaire inter armée du Camp Alpha Yaya. Depuis le 15 avril 2005, je suis aux Etats-Unis, en exil politique.

 

Mais à chaque tentative de coup d’Etat en Guinée, votre nom était cité en premier.

 C’est très difficile à expliquer d’autant plus que je n’ai jamais participé à un coup d’Etat quelconque. Mais à chaque fois qu’il y avait remue-ménage ou que le pouvoir se sentait dérangé on m’interpellait, je ne sais jusqu’à présent pourquoi.

 Votre dernière arrestation remonte au 15 octobre 2003. Incarcéré à la Maison centrale de Conakry, vous vous êtes évadé le 15 avril 2005, déjouant la vigilance des gardes ?

 

Il ne s’agit pas de déjouer la vigilance de la garde. La garde et tous ceux qui étaient à la Maison centrale savaient que nous sommes innocents. Nous avons décidé de sortir pour en finir avec l’injustice que les hauts gradés de l’armée nous infligeaient (notre arrestation n’émanait pas du Général Lansana Conté), il fallait qu’on se décide nous-mêmes de sortir de là.

 

Comment êtes-vous sorti de la Maison centrale ?

 

Je laisse cela à la discrétion de la tactique militaire.

 

Une fois sortis, vous avez abandonné l’un de vous sur la chaussée, vous vous êtes dirigé vers la RTG-Boulbinet. Quelles étaient vos intentions ?

 

Nous n’avons abandonné personne. Nous ne sommes pas partis directement à la RTG. Nous nous sommes dirigés vers le petit port de Boulbinet, nous avons pris une pirogue. A notre passage à la RTG, les gardes ont abandonné leur poste.

 

Vous n’étiez pas des prisonniers du Général Lansana Conté, dites-vous, mais des prisonniers de la haute hiérarchie. Que vous reprochait la haute hiérarchie ?

 

Le Général Lansana Conté était affaibli par la maladie, il ne contrôlait pratiquement rien. Les officiers supérieurs, les généraux voulaient s’accaparer du pouvoir après la mort du Général Conté, ils avaient décidé d’arrêter toutes les personnes censées les contrarier. C’est dans cette lancée que j’ai été arrêté avec d’autres personnes de l’aviation militaire, de la garde présidentielle, du Camp Alpha Yaya, d’autres bataillons.

 

On dit que si capitaine Moussa Dadis a pris le pouvoir, c’est que dans l’armée, il n’y avait pas d’hommes comme Misbaou Sow…

 

Cela émane directement de la volonté de Dieu. Dieu avait prévu que le capitaine Moussa Dadis Camara remplace le Général Lansana Conté. Ce n’est pas parce que j’étais en dehors de la Guinée que le capitaine Dadis a pris le pouvoir. Certainement, même si j’étais en Guinée, il aurait pris le pouvoir, Dieu le lui avait destiné.

 

Quels étaient vos liens alors avec capitaine Dadis Camara ?

 

Je suis un ami à capitaine Dadis. Nous sommes de la promotion 90. Nous avons fait la formation de base ensemble. Lui était à l’intendance, moi, à Dakar.

 

Lorsqu’il a pris le pouvoir, est-ce que vos rapports ont continué ?

 

Lorsque le Général Lansana Conté est décédé (paix à son âme),  j’étais à l’école aux Etats-Unis. Je voulais bien rentrer au pays, pour rejoindre mes amis de promotion, reprendre mes services militaires. Mais mes études m’empêchaient de le faire, l’Etat américain payait cher mes études, je n’ai pas voulu rentrer, avant d’avoir terminé mes études. Entre temps, j’ai appris que le capitaine Moussa Dadis Camara a été victime d’un coup d’Etat manqué.

 

Nous avons appris qu’en 2009, Misbaou avait mobilisé des fonds aux Etats-Unis pour venir renverser le capitaine Dadis, qu’il a détourné l’argent vers des affaires de diamant et d’or au Burkina et au Mali.

 

Première nouvelle ! Je ne pouvais pas avoir ces idées d’aller enlever mon ami qui est venu pour sauver et empêcher le bain de sang dans le pays après la mort du Général Lansana Conté. C’est un ami. Si j’avais voulu rentrer, je serais venu lui dire : écoute, mon ami, je viens reprendre mon service militaire. Mais ces affirmations-là sont mensongères.

 

Vous avez terminé vos études en Sciences politiques et en Relations internationales. Vous voulez aujourd’hui rentrer. Pour reprendre vos services militaires ? Pour entrer en politique ?

 

C’est vrai, aux Etats-Unis, j’ai étudié les Sciences politiques et les Relations internationales. Après ma graduation, j’ai eu l’occasion de me faire des amis dans les milieux politiques et d’affaires américains. J’espère contribuer au développement de la Guinée, certainement, je vais entrer en politique, après tout, c’est ce que j’ai étudié.

 

Votre parti, quel est son nom ? Est-il agréé ?

 

Affirmatif ! Après analyse, mes conseillers politiques guinéens, français et américains, ont jugé nécessaire pour moi d’entrer en politique, de créer et me présenter aux élections. Le parti est créé et a pour nom : Mouvement National des Forces de la République, MNFR. Nous avons déposé notre manifeste au ministère de l’Administration du territoire depuis février 2014. Nous avons reçu notre récépissé, nous attendons la signature de notre agrément par le nouveau locataire du ministère de l’Administration du territoire. D’après des sources convergentes, dans une semaine ou deux, nous allons recevoir notre agrément.

 

Un militaire ne peut entrer en politique en Guinée que s’il ôte ses galons. Vous avez donc décidé de troquer votre tenue contre les basins et les costumes ?

 

Oui !

 

Pourquoi est-ce maintenant que vous vous êtes décidé d’entrer en politique ?

 

La décision d’entrer en politique m’est venue à la suite de mes emprisonnements pour des raisons politiques. Je réponds donc de cette façon à votre question. C’est vrai, la politique est facile, mais à risques. Vous savez que le chemin politique n’est pas souvent le plus facile, mais avant d’adopter un projet, des valeurs, il y a l’envie de faire de la politique. Pourquoi je me suis engagé en politique ? Il y a deux raisons liées à ma personnalité, progresser, aller de l’avant et avancer toujours. Ensuite, ce besoin d’agir pour ne pas subir ou avoir le moindre sentiment pour ne pas subir. Vous avez beau ne pas vous occuper de la politique, la politique s’occupera toujours de vous. Je pense que nous sommes tous responsables de la construction de notre avenir. Je préfère m’investir à fond via un projet plutôt que de laisser à la fatalité. Quand je suis arrivé aux Etats-Unis, j’ai cherché à étudier la politique, à connaître pourquoi la politique me poursuit.

 

Peut-être êtes-vous proche de la mouvance présidentielle, beaucoup de partis politiques attendent leur agrément, mais peinent encore à l’obtenir…

 

C’est ma première nouvelle d’apprendre qu’il y en a qui attendent la signature de leur agrément. Je ne sais pas si la Constitution interdit au ministre de l’Administration du territoire de signer les manifestes des leaders qui fondent un parti politique. Pour nous, nous espérons avoir notre agrément dans deux semaines.

 

Etes-vous proche de la mouvance ou de l’opposition ?

 

Tout parti politique qui a les mêmes valeurs et les mêmes visions que nous pour une Guinée unie et paisible, pour l’ensemble des Guinéens, ce parti-là sera bienvenu. Pour le moment, je ne suis pas en mesure de donner une réponse conclusionnelle avant la consultation des démembrements du parti. Le moment venu, le Bureau politique national va analyser les circonstances et les propositions de collaboration, alors nous allons nous prononcer, en prenant en compte le bien-être de la Guinée. L’opposition ou la mouvance présidentielle. On verra.

 

Si vous avez un agrément avant octobre, allez-vous être candidat à l’élection présidentielle ?

 

Oui ! Si nous recevons notre agrément avant le 11 octobre, nous serons candidat à l’élection présidentielle de 2015, nous serons prêts à demander au peuple de Guinée de voter pour nous.

 

Quel est votre projet de société ?

 Nous avons assez de projets pour la société guinéenne, nous les mettrons à la disposition de la jeunesse guinéenne, à commencer les partenaires que nous avons eus dans notre exil politique et qui sont prêts à nous accompagner pour le développement de la Guinée.

 

Vous entrerez en politique par la porte de la présidentielle, ce qui est cas rare en Guinée. Vous trouverez le terrain déjà occupé par l’UFDG, l’UFR, le PEDN, le RPG, pour ne citer que ceux-là. Comment allez-vous vous imposer entre ses mastodontes politiques ?

 

Chaque parti politique et chaque leader politique a ses propres visions, ses propres ambitions pour le pays. Nous avons les nôtres pour le peuple de Guinée. Il n’est pas dit qu’un parti qui vient d’être créé ne peut être candidat à la Présidence à partir du moment où il dispose de son agrément. C’est vrai que nous sommes jeune dans la politique, mais de deux choses l’une : ou nous contribuons à l’animation de la vie politique guinéenne, ou nous nous rapprochons de nos aînés politiques pour apprendre, en vue de la relève de demain. Mais tout cela dépend du peuple de Guinée. C’est à lui de choisir celui qu’il pense faire l’affaire du pays.

(La suite au prochain n°)

Propos transcrits par

Mamadou Siré Diallo

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