De retour de Guinée, les Pr Yves Lévy, directeur général de l’INSERM, et Jean-François Delfraissy, coordinateur national de la task force Ebola, ont fait un point sur les résultats de l’essai mené par l’INSERM évaluant l’efficacité de l’antiviral japonais favipiravir chez les malades infectés par le virus Ebola dans les centres de traitement de Guékédou, de Macenta et de Nzéréckoré. « C’est, à ce jour, le seul essai thérapeutique mené sur le terrain jusqu’à son terme », s’est félicité le Pr Yves Lévy, qui « tire son chapeau aux équipes soignantes qui ont travaillé dans des conditions difficiles ».
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Cinq à six fois la dose habituelle
Débuté le 17 décembre, l’essai a atteint le 26 janvier son objectif de 80 patients traités. Chaque patient a reçu 30 comprimés le premier jour, puis 12 par jour pendant huit jours, en quatre prises quotidiennes. Cela représente cinq à six fois les doses employées contre la grippe.
Les résultats précis seront communiqués lors de la prochaine conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes qui se tiendra à Seattle du 23 au 26 février. Yves Lévy et Jean François Delfraissy ont néanmoins pu donner quelques éléments : « Cet essai donne un signal encourageant, explique Yves Lévy, comparé à une cohorte de 500 patients traités dans les mêmes centres et par les mêmes soignants avant l’arrivée du favipiravir, les patients traités bénéficiaient d’une diminution du taux de mortalité 14 jours après le début de la prise en charge. »
Bientôt pour tous les patients ?
Ces informations ont été transmises aux autorités de santé guinéenne qui ont étendu son utilisation à d’autres centres, et devront bientôt préciser si le favipiravir doit être proposé à l’ensemble des malades du pays. Les stocks devraient le permettre : 500 doses sont déjà présentes dans le pays, selon Jean-François Delfraissy.
Le comité indépendant de l’étude a décidé, le 26 janvier, de poursuivre les recrutements afin d’obtenir des données sur l’efficacité basée sur un plus grand nombre de patients. Il n’est cependant toujours pas à l’ordre du jour de procéder à un essai randomisé contre placebo. Cette solution, déjà mal acceptée par la population lors du lancement de l’essai, « serait encore plus mal perçue maintenant que nous avons des résultats positifs », confirme le Pr Yves Lévy. L’étude a montré par ailleurs que le traitement était bien toléré et bien accepté par les patients qui accordaient facilement leur consentement.
Une deuxième crise sanitaire très redoutée
Alors que l’épidémie montre des signes d’essoufflement, le Pr Jean-François Delfraissy envisage l’étape suivante. « Toutes les autorités sanitaires sont restées focalisées sur Ebola et, pendant ce temps-là, les campagnes de vaccination ont été arrêtées, les files actives VIH ne sont plus suivies et les campagnes de lutte contre le paludisme sont au point mort. » Le Pr Delfraissy souhaite à tout prix éviter une « deuxième crise sanitaire » et va bientôt porter un projet auprès de l’Union européenne pour relancer les structures de santé d’Afrique de l’Ouest.
Une école de santé publique en Guinée
Pour sa part le Dr Françoise Weber, directrice adjointe de la santé, a annoncé la création de 8 équipes régionales mobiles de réponse à l’épidémie, dont la mission sera d’informer les populations, de détecter et d’orienter les cas possibles vers les centres. « La France est impliquée dans la formation et l’accompagnement sur le terrain de ces équipes, que l’on espère déployer vers le mois de juillet », explique-t-elle. La mise en place d’une école de santé publique en Guinée, capable d’animer un réseau d’alerte régional, est également en projet. Selon le Dr François Weber, « une mission d’évaluation de trois semaines va bientôt débuter, dès que nous nous serons mis d’accord avec nos homologues guinéens sur sa composition ».
Les données OMS du 8 février ont confirmé un léger rebond de l’épidémie en Guinée, 65 nouveaux cas confirmés la semaine dernière contre 39 la semaine précédente, et en Sierra Leone (76 nouveaux cas contre 63). Seul le Liberia continue à avoir un nombre de nouveau cas très bas : seulement 5 nouvelles contaminations y ont été recensées la semaine dernière.
Damien Coulomb