Les dirigeants de l’Union africaine (UA) réunis en sommet à Addis Abeba veulent améliorer le mauvais état sanitaire du continent, de nouveau sous les projecteurs au début de l’épidémie d’Ebola qui a ravagé l’ouest en 2014, une situation aggravée par les carences des Etats et leur manque de solidarité.
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« Ebola a mis en lumière le besoin pour nous d’investir dans le secteur de la santé. Nous devons créer un mécanisme pour réagir plus rapidement en cas d’épidémie », a déclaré le vice-président de la Commission de l’UA, Erastus Mwencha.
« Nous avons réussi à éviter le scénario le plus pessimiste », s’est néanmoins félicité M. Mwencha, soulignant que le bilan officiel était inférieur à 10.000 morts.
Avec quelque 9.000 morts identifiés, un nombre nettement sous-estimé, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), pour plus de 22.000 cas recensés, l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest est pourtant de très loin la plus grave depuis l’identification du virus dans le centre du continent en 1976.
Et la perception des efforts africains dans les trois pays touchés – Guinée, Liberia et Sierra Leone – et au-delà, au plus fort de l’épidémie contredit l’autosatisfaction affichée par des responsables de l’UA.
En novembre, alors que le virus commençait à refluer au Liberia et en Guinée, grâce aux efforts des soignants locaux et d’ONG comme Médecins sans Frontières (MSF) et d’Etats occidentaux, la veuve de l’ancien président sud-africain Nelson Mandela stigmatisait une « crise d’identité et de dignité » pour le continent.
L’épidémie révèle au grand jour « l’extrême faiblesse de nos institutions: nationales, régionales et continentales », avait estimé Graça Machel, ajoutant: « C’est probablement quand nous nous prendrons au sérieux que les autres le feront ».
C’est seulement vers la fin octobre que les pays africains ont promis d’envoyer des personnels de santé pour aider les pays touchés. Les effectifs médicaux déployés par l’UA étaient à ce moment-là d’une vingtaine de personnes, selon la présidente de la Commission de l’UA Nkosazana Dlamini-Zuma.
-‘Prêts la prochaine fois’-
Au paroxysme de l’épidémie, les pays touchés disaient se sentir bien seuls.
Le responsable de la communication de la cellule présidentielle contre Ebola en Sierra Leone, Ibrahim Ben Kargbo, s’était déclaré fin août « choqué » que l’Afrique du Sud ferme ses frontières aux Sierra-Léonais, quelques jours à peine après avoir envoyé un laboratoire mobile dans le pays.
La Sierra Leone était « surprise des commentaires très inamicaux » de la part de pays africains voisins, avait-il indiqué.
A la même période, le président de la Fédération de football du Liberia, Musa Bility, avait jugés « non africain » d’imposer des interdictions d’accès ou de vol aux pays en proie au virus. « En Afrique nous ouvrons la porte à l’autre », avait-il souligné.
Soucieuse de clore ce pénible chapitre, l’UA a assuré qu’un Centre africain de contrôle des maladies serait lancé d’ici le second semestre 2015.
Le Commissaire de l’UA pour les Affaires sociales, Mustapha Sidiki Kaloko, a précisé mercredi que la priorité serait la mise en place d’un « système d’alerte précoce » en Afrique pour la détection des épidémies.
« Nous devrions être prêts pour la prochaine fois, nous ne serons pas pris au dépourvu », a assuré M. Kaloko.
Sans attendre la réalisation de projets aussi ambitieux, les Etats touchés attendent surtout un soutien financier pour surmonter les conséquences économiques de l’épidémie, qui s’annoncent moins graves que prévu pour le reste du continent, selon la Banque mondiale.
Un fonds de solidarité Ebola de l’UA a été lancé vendredi à Addis Abeba, durant le sommet.
Le président guinéen Alpha Condé a indiqué la semaine dernière vouloir faire avancer à ce sommet sa revendication d’une annulation des dettes des pays touchés, notamment auprès du Fonds monétaire international (FMI).
« Les hommes d’affaires ne viennent plus. Pour les contrats miniers que nous avons signés, les discussions se font par vidéoconférence », a-t-il plaidé en marge du Forum économique de Davos, en Suisse.
En visite à Dakar cette semaine, la directrice du FMI Christine Lagarde a indiqué qu’elle allait « soumettre tout début février au conseil d’administration du FMI un financement complémentaire pour ces pays de l’ordre de 160 millions de dollars », sous forme de prêt à taux ultra-concessionnel (autour de 0,5 %).
Rappel des dates-clés de l’épidémie d’Ebola, la pire de l’histoire de cette fièvre hémorragique identifiée en 1976 en République démocratique du Congo (RDC).
L’épidémie en Afrique de l’Ouest, partie en décembre 2013 du sud de la Guinée, a fait quelque 9.000 morts, à plus de 99 % au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée, pour plus de 22.000 cas recensés, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
La Banque mondiale a évalué les pertes pour 2015 à 1,6 milliard de dollars pour ces trois pays, dont l’essentiel pour la Sierra Leone (920 millions), suivie de la Guinée (540 millions) et du Liberia (180 millions).
–2013–
– 6 déc : Décès d’un enfant de deux ans à Meliandou, dans le sud de la Guinée, qui sera ultérieurement identifié comme le « patient zéro ». L’épidémie reste très localisée jusqu’en février 2014, date du décès d’un soignant dans une province voisine.
–2014–
– 24 mars: L’OMS et la Guinée font état de 61 décès sur 87 cas suspects de fièvre hémorragique virale, essentiellement dans le Sud, depuis janvier. De premières analyses d’échantillons en France montrent que ces cas étaient dus au virus Ebola.
Le 31 mars, deux cas sont confirmés au Liberia (OMS), et le 26 mai, la Sierra Leone annonce son premier cas confirmé.
– 30 juil: L’épidémie d’Ebola « est sans précédent, absolument pas sous contrôle et la situation ne fait qu’empirer, puisqu’elle s’étend encore, surtout au Liberia et en Sierra Leone, avec des foyers très importants », déclare Médecins sans frontières (MSF).
De nombreuses mesures exceptionnelles seront prises par les pays touchés, notamment l’instauration de l’état d’urgence ou le confinement de la population et la mise en quarantaine de nombreuses régions comme en Sierra Leone. Plusieurs pays africains ferment leurs frontières aux Etats touchés, de plus en plus coupés du monde.
– 8 août: L’OMS décrète une « urgence de santé publique mondiale » et demande une « réponse internationale coordonnée ». Le 12, l’organisation approuve l’emploi de traitements non homologués.
– 12 août: Premier Européen à succomber au virus, avec le décès à Madrid d’un prêtre espagnol, contaminé au Liberia et soigné avec le sérum ZMapp.
Le 30 septembre, un Libérien, arrivé dix jours auparavant aux Etats-Unis sans aucun symptôme, devient le premier malade diagnostiqué hors du continent africain. (Il décède le 8 octobre).
Le 6 octobre, une aide-soignante espagnole qui avait traité un missionnaire mort d’Ebola dans un hôpital à Madrid contracte le virus, première personne contaminée connue hors d’Afrique. (Elle est depuis déclarée guérie).
– 18-19 déc: Le secrétaire général de l’ONU Ban ki-moon assure les pays touchés de l’appui de la communauté internationale pour endiguer l’épidémie et reconstruire leurs services de santé sinistrés. Il s’agit de la tournée de plus haut niveau dans ces pays depuis le début de l’épidémie. Le seul chef d’Etat non africain à s’y rendre a été le président français François Hollande, en visite en Guinée fin novembre.
–2015–
– 17 jan: Coup d’envoi de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) de football, délocalisée en Guinée équatoriale après le désistement du Maroc en raison de l’épidémie.
– 18 jan: Fin officielle de l’épidémie au Mali, dernier pays africain touché et le troisième d’Afrique de l’Ouest à avoir réussi à se débarrasser du virus, après le Sénégal et le Nigeria en octobre.
– 19 jan: Réouverture des écoles en Guinée avec quatre mois de retard, avant le Liberia le 2 février et la Sierra Leone, qui programme la rentrée scolaire pour fin mars.
– 29 jan: Le nombre de contaminations hebdomadaires confirmées (qui représentent un peu plus de 50 % du nombre total de cas) est passé sous le cap des 100 pour la première fois depuis sept mois, annonce l’OMS.