Qui succédera à Abdou Diouf, à l’issue du sommet de Dakar, les 29 et 30 novembre ? Paris a-t-il une préférence ? La secrétaire d’État française à la Francophonie répond à J.A. Sans langue de bois…À moins d’un mois du sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) de Dakar (29-30 novembre), l’identité du successeur d’Abdou Diouf au poste de Secrétaire général demeure un mystère. Une situation inédite dans l’histoire de l’organisation, où jamais campagne n’avait été si ouverte et si longue. Certes, la Canadienne Michaëlle Jean fait la course en tête.
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Elle conclura sa campagne par une visite aux membres asiatiques de l’organisation, mi-novembre. « Elle sera le seul candidat à s’être rendu sur les cinq continents ! » se félicite son entourage. Mais, malgré ses origines haïtiennes, elle reste handicapée par sa nationalité. Même si elle est issue de la diaspora, elle n’est pas une ressortissante africaine, alors que l’avenir du français se joue de plus en plus sur le continent.
Lors de sa visite à Ottawa, François Hollande s’est gardé de l’adouber. Le président français continue d’espérer qu’un consensus africain se dessinera. On en est loin : les trois principaux candidats africains (le Congolais Henri Lopes, le Burundais Pierre Buyoya et le Mauricien Jean Claude de l’Estrac) croient encore en leurs chances, avec le soutien de leurs pays respectifs. À ce jeu-là, Denis Sassou Nguesso, le président congolais, est sans doute celui qui a le plus d’influence sur ses pairs. Mais de là à bâtir un consensus… En ultime recours reste la possibilité de demander à Abdou Diouf de prolonger son mandat.
Ce dernier n’est pas candidat, mais rien dans la charte de l’OIF n’interdit sa réélection. Comme si une telle situation n’avait jamais été anticipée, ce texte donne très peu d’indications sur la désignation du secrétaire général. Les chefs des États membres de plein droit doivent « l’élire » lors d’un huis clos, mais la procédure (consensus ? vote à main levée ?) n’est pas précisée. En attendant, Annick Girardin, la secrétaire d’État française à la Francophonie, préfère ne pas insulter l’avenir. Dans l’entretien qui suit, recueilli au lendemain de sa visite au Canada aux côtés de François Hollande (du 2 au 4 novembre), elle évite de laisser apparaître une préférence trop marquée.
Jeune afrique : Lors de sa visite au Canada, François Hollande a-t-il eu un entretien bilatéral avec Michaëlle Jean ?
ANNICK GIRARDIN : Elle était présente aux cérémonies organisées en l’honneur du président de la République, à Québec et à Ottawa. Comme le ministre des Affaires étrangères [Laurent Fabius] et moi-même, il l’a croisée, sans avoir d’entretien particulier avec elle. Mais je l’avais déjà rencontrée à Paris, à la demande du chef de l’État.
Dans son discours à Ottawa, le président Hollande a insisté sur la dimension économique de la Francophonie. Or c’est le principal thème de campagne de Michaëlle Jean…
Le président a reçu il y a quelques mois un rapport de Jacques Attali qui place l’économie au centre de la Francophonie. L’OIF travaille à cette question depuis déjà deux ans. Si des candidats insistent sur cette vision, tant mieux. Mais ils sont plusieurs dans ce cas.
Jamais campagne pour ce poste n’avait été aussi disputée…
Oui, ce poste est devenu un véritable enjeu, ce qui est un signe de la vitalité de l’espace francophone. On assiste à des débats de fond, les candidats préparent des programmes… Il faut laisser cette campagne aller jusqu’au bout. Il faut aussi reconnaître qu’Abdou Diouf est une personnalité exceptionnelle et que lui trouver un successeur n’est pas facile.
François Hollande annoncera-t-il une préférence avant le sommet ?
Son souhait était qu’il y ait un consensus en amont. Mais le temps passe, et cela se fera sans doute à Dakar.
La France est-elle favorable à ce qu’un Africain occupe cette fonction ?
Nous n’avons pas à être favorables a priori à un candidat plutôt qu’à un autre. Le président espère encore un consensus africain autour d’une candidature, qu’elle soit du Nord ou du Sud.
Il pourrait y avoir 767 millions de francophones en 2060. Toutefois, ce chiffre dépendra beaucoup des investissements dans l’éducation en français. La France ne devrait-elle pas être en première ligne pour accompagner cet effort ?
Ce chiffre est énorme : il représente plus de deux fois la population des États-Unis. C’est une chance, et aussi un défi pour les systèmes éducatifs des pays concernés. L’OIF et la France mettent déjà l’accent sur la formation des enseignants, à travers le programme « 100 000 professeurs pour l’Afrique » ou via l’Agence française de développement. Pourtant, lorsque j’interroge des jeunes sur la francophonie, ils me répondent qu’elle est un peu ringarde. Notre plus grand défi, après l’éducation, est qu’elle devienne utile et leur permette d’obtenir plus facilement un emploi. C’est grâce à cela qu’ils pourront avoir une nouvelle appétence pour la langue française.