François Hollande vient d’annoncer l’envoi d’un hôpital militaire de campagne en Guinée forestière, une région à cheval entre la Guinée et la Sierra Leone où se trouve le foyer de l’épidémie causée par le virus Ebola.Cellou Dalein Diallo, principal opposant en Guinée, chef de file de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), dénonce la gestion d’Ebola par le pouvoir.
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Cet ancien Premier ministre a reconnu sa défaite en novembre 2010 après une élection chaotique. Il vise désormais la présidentielle de 2015 et ne rate pas une occasion de dénoncer le bilan de son adversaire, l’actuel président Alpha Condé.
Il s’interroge par ailleurs sur le rôle joué par Bernard Kouchner à Conakry : « Il parle dans les médias guinéens pour attaquer l’opposition… »
Rue89 : Que reprochez-vous aux autorités guinéennes dans la gestion de l’épidémie Ebola ?
Cellou Dalein Diallo : Lorsque l’épidémie a éclaté début février dans deux préfectures de la Guinée forestière, la visite du roi du Maroc était attendue pour début mars. L’impact de la maladie a été minimisé pour ne pas voir cette visite officielle annulée. La réaction n’a pas été à la hauteur du risque encouru par les populations.
Ensuite, quand l’OMS annonçait 127 cas, le gouvernement avançait le chiffre de 62… Et quand Médecins sans frontières (MSF) donnait l’alarme en juin sur une épidémie hors de contrôle, Alpha Condé disait que la situation était « bien maîtrisée » et accusait MSF de chercher de l’argent sur le dos des Guinéens !
Qu’avez-vous fait de votre côté face à Ebola ?
Nous avons envoyé des délégations de députés de notre parti pour sensibiliser la population par le biais des imams et les chefs de communautés. Nous avons suspendu les réunions de notre parti à Conakry par mesure d’hygiène.
Notre message est simple : le virus Ebola existe, c’est un vrai danger et il faut prendre des mesures de prévention, écouter les consignes du ministère de la Santé. Ce problème devait se gérer au-delà des clivages politiques et réunir toute la nation dans un effort massif de prévention.
Qu’auriez-vous fait face au virus si vous aviez été Président ?
J’aurais tout de suite isolé la préfecture où l’épidémie s’est déclarée, en Guinée forestière. J’aurais envoyé des équipes de santé et demandé aux partenaires extérieurs de venir au secours de la Guinée.
Ensuite, j’aurais invité tout le monde dans le pays à oublier les querelles internes pour faire de la lutte contre le virus une affaire de sécurité nationale.
Des rumeurs en Afrique affirment que les médicaments existent contre le virus, et qu’ils sont administrés à des Occidentaux qui reviennent dans leur pays avec les symptômes d’Ebola, mais qu’ils ne sont pas donnés aux Africains par pur racisme. Qu’en pensez-vous ?
Des efforts sont faits au Japon, en Russie, aux Etats-Unis et au Canada pour trouver un médicament. Personne n’a de médicament validé qu’on refuserait aux uns ou aux autres. On les teste sur les gens qui arrivent avec le virus des pays d’Afrique où Ebola s’est propagé. On les leur donne pour ne pas les laisser mourir.
Peut-on faire les tests de ces médicaments à grande échelle en Afrique ? C’est la vraie question. A ce stade, franchement, je ne vois pas de discrimination à un niveau quelconque.
La Guinée est-elle stigmatisée en Afrique à cause d’Ebola ?
Il y a des signes, oui. Des parlementaires guinéens ont été refoulés du Cameroun en août et l’Ouganda a refusé d’accueillir les accompagnateurs de notre équipe nationale de football en vue des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations (CAN). La délégation a été limitée à 25 personnes, joueurs compris.
Le Sénégal a très tôt fermé sa frontière avec la Guinée, et comme le ministère de l’Intérieur du Sénégal est un Diallo comme moi, on a encore crié au « complot peul » en Guinée.
Quel est le bilan d’Alpha Condé après bientôt quatre ans au pouvoir ?
Nous avons beaucoup de difficultés. Le taux de croissance en Guinée n’a pas dépassé 2,3% en 2013 et ne sera pas meilleur en 2014. C’est très faible. La Côte d’Ivoire est à 9% de croissance et le Liberia à 8%.
En ce qui concerne la présidentielle de 2015, nous continuons de nous battre pour le renvoi de la société sud-africaine Waymark, qui a été sollicitée sans appel d’offres pour revoir le fichier électoral guinéen, ce qui ouvre la voie à toutes les fraudes.
Nous dénonçons la façon dont le pouvoir est géré. Le prix des routes a atteint des niveaux inconnus en Guinée, avec des contrats de gré à gré négociés par le fils du président Alpha Condé, qui a fondé OAS BTP, une entreprise de bâtiments et travaux publics.
Les appels d’offres sont truqués et nous avons un kilomètre d’autoroute facturé 6 millions d’euros aujourd’hui, au lieu de 1 million de dollars pour le même type d’autoroute construite en 2002-03 ! La surfacturation atteint au moins 100 millions de dollars pour le barrage hydraulique de Kaleta, en construction sur un marché de gré à gré, passé sans appel d’offres, pour un montant de 550 millions de dollars financé par un prêt chinois.
Enfin, nous ne savons pas ce que fait Bernard Kouchner à Conakry. Il parle dans les médias guinéens pour attaquer l’opposition…
Source: Rue89