Minerais Simandou : Alpha Condé mise désormais sur l’exploitation avec Rio Tinto en 2018.

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CONAKRY/GENEVE, 01 MAI 2014-Le président de la Guinée, Alpha Condé, de passage à Genève, évoque les derniers rebondissements de l’affaire BSGR. Avec nos confrères de Le Temps, il a aussi parlé du minerai de Simandou avec le géant australien Rio Tinto. Il n’a pas, non plus, oublié de parler de l’usine Rusal-Friguia et d’autres problèmes qui minent la Guinée.

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Le Temps: De tristes circonstances – la crise sanitaire liée au virus Ebola – ont placé la Guinée sur le devant de la scène ces dernières semaines. Comment le pays fait-il face?

Alpha Condé: Il y a eu une exagération de la part d’organisations qui, pour attirer les fonds, ont parlé rapidement d’épidémie. En tout et pour tout, il y a eu 61 décès [ndlr: le bilan officiel au lendemain de l’interview était de 78 victimes]. Ceux qui sont contaminés son en quarantaine. On suit tous les jours ceux qui ont été en contact avec ces derniers et il n’y a plus eu de nouveaux cas. Le Sénégal a annoncé aujourd’hui la réouverture de ses frontières.

– L’autre affaire faisant parler de la Guinée tient au retrait des droits miniers du groupe BSGR. Ce dernier parle d’expropriation, de coup monté…

– La situation est la suivante. Nous procédons à une revue générale des contrats miniers signés avant mon arrivée au pouvoir, afin de renforcer l’Etat de droit et la transparence. Elle n’est dirigée contre personne: nous avons ainsi récupéré plus de 800 concessions. Certaines étaient ainsi – depuis dix ans – aux mains d’investisseurs qui n’y avaient jamais mis les pieds… tout en gagnant de l’argent en les plaçant dans des sociétés cotées à Londres. Nous avons retiré des permis dans le domaine du minerai de fer, mais aussi de la bauxite et du diamant. Le fait est que la Guinée a longtemps été présentée comme un scandale géologique. Nous aurions dû être le premier pays de l’Afrique de l’Ouest. Nous sommes le dernier. Nos richesses n’ont donc servi à rien? Aujourd’hui nous voulons une coopération avec les sociétés minières qui leur permettent de gagner de l’argent… en développant des richesses – nos richesses – qui permettront à la population guinéenne de se développer.

– En quoi le gisement de Simandou – objet de la guerre avec Beny Steinmetz – est-il central dans votre nouvelle orientation politique?

– Nous avions déjà fait énormément de travail au niveau de la bauxite, dont la Guinée détient près de la moitié des réserves mondiales. Nous venons de signer avec [ndlr: le fonds souverain d’Abou Dhabi] Mubadala un projet de 5 milliards de dollars, intégrant une mine, un port et une usine de transformation. Nous avons obtenu un accord avec Rusal. Reste à présent le fer: en dépit de son immense potentiel – nous disposons des plus grandes réserves non exploitées – le pays n’en a pas sorti une tonne du sol depuis l’indépendance. Ceci explique pourquoi nous mettons l’accent sur Simandou. Une priorité d’autant plus grande que la ligne de chemin de fer qui liera cette mine à la mer deviendra une composante essentielle du développement du pays: transport de personnes, unification du marché national… Elle est aussi importante que la mine elle-même.

– Des retards sont pris sur la partie du massif de Simandou exploitée par Rio Tinto. Cela semble confirmer les menaces du groupe lié à Beny Steinmetz, selon qui tout le projet serait repoussé aux calendes grecques s’il en était évincé…

– Avec Rio Tinto nous sommes tombés d’accord pour fixer 2018 comme date cible pour commencer l’exploitation. D’ici là, la voie ferrée transguinéenne doit être construite, ainsi que le port en eaux profondes destiné à exporter le minerai – leur financement se fera par appel d’offres. Simandou 1 & 2 [les zones reprises à BSGR-Vale] sera également concerné par ces investissements.

– En fin de compte, quelle est la motivation de votre combat pour reprendre le contrôle des concessions du groupe Steinmetz à Simandou? Le fait qu’elles aient été obtenues moyennant quelque pot-de-vin ne surprend guère…

– J’entends qu’en Afrique il y a de la corruption partout. Soit. Mais il faut comprendre que ceux qui corrompent sont également ceux qui ont les moyens de s’offrir de grands cabinets d’avocats internationaux, de grandes banques d’investissement, de maîtriser la communication. Un petit pays comme la Guinée n’avait, jusque-là, pas la capacité de faire face à une telle puissance. Il y a un an, lors du sommet du G8 de Londres, les grands pays ont pris conscience de l’importance de mettre fin au détournement de nos richesses. La coopération avec la justice de pays comme la Suisse et les Etats-Unis nous permet d’espérer les récupérer. C’est là le message le plus important dans l’affaire de Simandou. Ceci dépasse la simple question de la corruption ou du montant reçu pour ce gisement.

– Vale était le partenaire de BSGR. Il a certes été dédouané de tout soupçon de corruption. Mais a aussi perdu cette concession. Quelle est la réaction de Brasilia?

– Les responsables politiques brésiliens ne connaissaient pas exactement la situation et, en son temps [ndlr: en 2011] le président Lula avait été scandalisé d’apprendre les conditions dans lesquelles ces droits miniers avaient été obtenus. Aujourd’hui, Brasilia comprend notre position. Et nous souhaitons vivement que Vale participe à l’appel d’offres sur les blocs [ndlr: confisqués] de Simandou dont nous préparons le lancement.

– Avant votre arrivée au pouvoir, quel regard portiez-vous sur Beny Steinmetz, connu depuis une décennie pour ses investissements dans les minerais en Afrique? Avez-vous discuté avec lui de la situation?

– J’avoue que je ne le connaissais pas. C’est lorsque je suis arrivé au pouvoir que j’ai commencé à revoir les contrats de la Guinée, d’abord dans la bauxite. Ensuite je me suis intéressé au minerai de fer et je suis arrivé sur l’affaire BSGR. J’ai laissé le Comité technique [ndlr: chargé de la remise à plat du secteur minier] travailler et me faire des propositions. Je n’ai jamais discuté de questions minières avec des responsables particuliers, tout simplement parce que ce n’est pas le rôle du président.

– Ces derniers mois, le cas du groupe Steinmetz a focalisé toutes les attentions. Qu’en est-il des autres concessions renégociées, et en particulier celles de Rusal?

– On peut dire que c’est pratiquement réglé, hormis le problème de l’usine de Friguia qui est arrêtée [ndlr: depuis 2012]. C’est important car c’est l’usine qui fournissait l’eau et l’électricité ce la ville [ndlr: ce qui a provoqué des émeutes]. Notre ministre discute avec Rusal. Nous avons par ailleurs bouclé avec Rusal le dossier [ndlr: d’un autre projet de mine à] Dian-Dian. Le ministre est en train de rencontrer les gens de Rusal et de résoudre, avec les autres parties concernées, l’évacuation provisoire de leur minerai par le chemin de fer de la Compagnie de Bauxite de Guinée [ndlr: le plus gros extracteur du pays en partie contrôlé par les Américains d’Alcoa]. En attendant la construction d’une nouvelle ligne ferrée. Cela va être réglé prochainement.

– A votre arrivée au pouvoir Rusal avait face à des exigences de dédommagement de plus de 800 millions de dollars, notamment pour des arriérés d’impôts. C’est réglé?

– A l’époque le gouvernement [précédent] s’est mal comporté se basant sur une étude d’un cabinet d’audit [ndlr: Alex Stuart qui a évalué ces dommages] financé par des intérêts rivaux de Rusal. C’est de l’histoire ancienne, et nous n’utiliserons pas les conclusions de ce cabinet.

– Les ONG et les avocats conseillés par Georges Soros vous ont-ils épaulé dans ces négociations avec Rusal?

– Non, elles avaient commencé bien avant. La Banque mondiale et la Banque africaine de développement nous accompagnent et nous proposent une liste d’avocats et de banques d’affaires qu’elles financent. Pareil pour nos appels d’offres.

– Le comité technique de revue des titres et conventions miniers qui a sanctionné BSGR s’était-il prononcé sur le cas Rusal?

– Non car Rusal avait déjà une concession en exploitation qu’il fallait renouveler. La discussion se passait directement avec le ministère des mines.

– Ce comité a passé en revue plus de 800 concessions minières. Mais, hormis le groupe Steinmetz, s’est-il prononcé sur d’autres grands contrats?

– Le comité peut se pencher sur les projets de Newmont [ndlr: partenaire avec Areva sur autre grand gisement de fer à Nimba]. Il y a d’autres projets, menés par AMC ou CPI – la compagnie chinoise d’exploitation de la bauxite – sur lequel on est arrivé à un accord, suite au travail de ce comité. Ce dernier instruit dix-huit grands dossiers et va rendre son avis assez rapidement. Le comité revoit les contrats sur lesquels on se pose des questions complexes: par exemple des exigences environnementales, comme c’est le cas dans la zone où Newmont veut exploiter.

– Y-a-t-il eu d’autres cas de concessions retirées, en dehors de BSGR?

– Non. Pour l’instant les autres cas problématiques étaient liés à des manquements aux délais, à problèmes environnementaux ou des retards dans le lancement des travaux.

– Jusqu’où va le rôle de M. Soros et de ses ONG? Vos opposants vous disent sous influence…

– (Rires). Mes opposants? Vous parlez des anciens premiers ministres? Comme le président Conté, un militaire qui disait lui-même ne rien connaître à l’économie et qu’il comptait sur les premiers ministres pour prendre des décisions qu’en tant que technocrates ils estimaient bonnes pour la nation? Leur bilan est accablant. Quant à savoir si je subis l’influence de tel ou tel…

Franchement… Je me suis battu pendant cinquante ans, la première République m’a condamné à mort, la deuxième m’a mis en prison. Je sais exactement où je veux aller et ce que je veux pour mon pays. Et je n’ai pas besoin de conseil pour cela. En revanche, je sais aussi que nous avons beaucoup d’insuffisance au niveau de la formation de nos cadres. Et je suis ouvert à la coopération. Soros finance simplement l’ONG de Tony Blair; comme il le fait au Rwanda ou en Sierra Leone. Il n’y a pas de rapport particulier entre nous.

– Quid de ce bégaiement au début de votre mandat, lié à une affaire de prêt et de droits miniers accordés à Palladino, un groupe sud-africain?

– En vérité il n’y a jamais eu de participation minière offerte. Nous avions simplement indiqué que, en cas d’incapacité à rembourser ce prêt, cette société pourrait être co-actionnaire dans une filiale contrôlée par la Société guinéenne du patrimoine minier (Soguipami). En réalité on a fait beaucoup de bruit autour de cette histoire mais ce n’est pas un prêt de 25 millions de dollars qui peut ouvrir les portes d’un projet minier. De plus on a remboursé ce prête bien avant son échéance, sans condition.

– M. Steinmetz dit que toutes ces manœuvres à son encontre visent à «troquer» ses concessions en faveur de groupes sud-africains dont vous êtes proches…

– Nous avons dit que nous organiserions un appel d’offres international juste et transparent pour redistribuer ces concessions – avec nos partenaires de la Banque mondiale, de la Banque africaine du développement et les avocats internationaux. Alors, où est le troc? Celui qui gagnera sera le mieux-disant, point. Tout le monde pourra avoir accès au cahier des charges et voir les propositions des différents partenaires. On vient de lancer un appel d’offres similaire sur trois blocs de bauxite dans la préfecture de Boffa [ndlr: restitués par BHP]. Seize sociétés sont sur les rangs. Il y a un ticket d’entrée de 200 millions et nous exigeons que celui qui décroche la mine construise également une usine transformant la bauxite en alumine avant de l’exporter.

LE TEMPS

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