Le samedi 1er février dernier, notre confrère Bachir Sylla, rédacteur en chef du quotidien privé La République et secrétaire général du réseau des journalistes économique de Guinée (REJEG), a animé une conférence-débat à la Maison de la presse sur le thème « la place du journaliste économique et financier dans les médias guinéens » pour mettre en exergue un domaine important dans la vie socioéconomique du pays grâce au soutien de l’ONG Search For Commun Ground.
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Le conférencier, généraliste de formation dit avoir cependant un penchant naturel pour l’information économique et financière. « J’ai eu la chance de bénéficier d’une série de formations pratiques dans le journalisme économique et financier, notamment en 2009, au Sénégal et en France, à travers deux stages de courte durée organisés par la Fondation Thomson Reuters en faveur de journalistes africains », introduit-il. Et aujourd’hui membre fondateur du REJEG, il a voulu partager sa petite expérience avec ses confrères qui s’intéressent au journalisme économique. Citant un passage du guide du journaliste économique élaboré par le Réseau des journalistes économiques béninois, il a défini le concept du journalisme économique ou plus exactement l’information économique comme celle qui est relative « à la production, à la distribution et/ou à la consommation des richesses ». Il a ajoute que l’information est aussi dite économique quand, collectée, traitée et diffusée selon les normes journalistiques, elle renseigne le public sur l’évolution des activités et des agents économiques, sur les effets et les enjeux économiques de diverses décisions, sur la production, la distribution et la consommation des ressources, des biens et des services. « A partir de là, on comprend aisément que le journaliste économique et financier, qu’il soit Guinéen, Américain ou Français, traite des informations ayant trait aux différents secteurs d’activité de l’économie et de la finance : agriculture, élevage, pêche, mines, industrie, commerce, artisanat, tourisme, hôtellerie, banques, assurances, micro-finance, bourse… », souligne-t-il. Ces sujets sont traités abondamment dans les médias guinéens, mais il déplore le fait qu’il y ait peu de médias en Guinée qui traitent exclusivement des questions économiques et financières. A part les journaux comme l’Economiste, Ecovision et l’Aurore, l’Entreprise et Le Continent, les sites web Guinéeeconomie et Mines de Guinée, qui sont tentés de virer, du jour au lendemain, à l’information générale pour espérer conquérir un lectorat guinéen des plus hypothétiques. Pour le conférencier, la rareté des journaux spécialisés en économie et en finance, oblige les journalistes traitant de ses questions à se fondre dans les médias généralistes où il y a, malheureusement, pas assez de place pour les pages et émissions économiques. « Je ne vous apprends rien en disant que la presse guinéenne est inondée d’informations politiques, que l’on estime être plus vendables. Les informations économiques et financières, elles, occupent une portion congrue, à moins qu’elles ne fassent état de scandales éclaboussant de personnalités de premier plan », relève-t-il. Conséquences : Les journalistes économiques sont presque contraints à faire des comptes-rendus d’événements et des reportages complaisants. Mais à ces contraintes vient se greffer le fait qu’on impute la faute à une formation approximative qu’ils ont dans un domaine aussi complexe et délicat, mais aussi au manque de motivation, qui expose le journaliste à tous les travers, notamment la course au « nem nem ». Certes, rassure-t-il, il n’est pas indispensable d’être économiste pour être journaliste économique, mais il faut en avoir la culture économique et maîtriser le vocabulaire et les jargons des spécialistes en économie pour espérer être compris de ses lecteurs, auditeurs et spectateurs.
Cependant, le journaliste économique dans un média généraliste, comme c’est souvent le cas en Guinée, fait-il remarquer, fait face à l’adversité de ses collègues des autres rubriques avec qui il se dispute loyalement les colonnes ou les temps d’antenne de son média. Perçu, à tort ou à raison, comme publicitaire, à la solde des entreprises sur lesquelles il écrit, le journaliste économique est souvent aussi sur la ligne de mire de son patron qui ne souhaiterait nullement qu’il « heurte la susceptibilité des quelques rares annonceurs qui aide son média à renflouer ses caisses ». Ces deux difficultés majeures placeraient le journaliste économique dans une position inconfortable. Toutefois, il devra opérer ses propres choix et prendre la meilleure décision qui s’impose à lui : celle de privilégier l’intérêt, le droit inaliénable du public d’être informé de manière juste.
Défis et perspectives
Le conférencier, après ce constat d’ensemble peu favorable à l’épanouissement du journaliste économique guinéen, a dégagé un certain nombre de défis que les professionnels des médias devront relever s’ils veulent que le secteur émerge. Il s’agit, notamment selon lui, d’une meilleure qualification des journalistes par le biais d’une formation et le perfectionnement continus, de la promotion du journalisme économique à travers une abondante production d’articles et d’émissions de qualité dans ce secteur. Il a mis l’accent également sur une redynamisation des structures associatives, qui ne devraient pas seulement servir de tremplin pour certains au détriment d’autres, l’instauration de rencontres périodiques d’échanges entre les anciens et les nouveaux journalistes couvrant l’activité économique sans oublier la recherche des partenaires nationaux et internationaux sérieux pour favoriser le partage d’expérience entre des confrères venus d’origines diverses. « Si nous parvenons à relever ces défis, le journalisme économique pourrait occuper une place de choix dans les médias guinéens. Et nous autres, on aurait eu le sentiment d’y avoir mis notre grain de sel », espère-t-il. Les débats qui ont suivi cet exposé ont été enrichissants. Avec en commun, les uns et les autres ont soutenu la spécialisation, la couverture en profondeur des secteurs porteurs de croissance tels que l’agriculture, le port, l’aéroport, les impôts, les activités informelles, l’énergie, le secteur de l’eau.
Zézé Zoumanigui (In La République N0 588 du 5 février 2014)