An 3 d’Alpha Condé au pouvoir en Guinée : un bilan mitigé face à une opposition peu rassurante !

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CONAKRY,23DECEMBRE 2013. Le 21 décembre dernier, était le troisième anniversaire de la prestation de serment d’Alpha Condé comme cinquième Président de la Troisième République de Guinée. L’évènement est passé presque inaperçu en Guinée. Pas discours encore moins de célébration de l’accession de l’opposant historique au pouvoir, après plus de 40 ans de lutte politique. A l’Assemblée Générale du RPG Arc-en-ciel, le parti qui soutient les actions du gouvernement, on n’a juste fait de rappeler les faits. A celle de l’UFDG, Fodé Oussou Fofana a tiré à boulets rouges sur la gestion du pays par Alpha Condé. Pour lui, le bilan est globalement négatif. Que faut-il retenir des trois ans d’apprentissage de gestion du pouvoir par Alpha Condé ?

 

Durant ces trois années, le régime en place au lieu de s’occuper des problèmes de développement, a concentré tous ses efforts sur la gestion des crises politiques. Les élections législatives, qui devraient se tenir six mois après la présidentielle de 2010, n’ont eu lieu que le 28 septembre 2013. Une transition qui n’a que trop duré, avec sur le carreau une cinquantaine de militants de l’opposition  tuée  lors des manifestations visant à réclamer le départ de l’opérateur sud africain Way-Mark et à exiger la tenue d’élections libres et transparentes.

Politiquement, Alpha Condé n’a pas réussi à fédérer temps les partis politiques de l’opposition autour d’un idéal de développement. Il a fallu l’intervention de la communauté internationale, notamment l’ONU, pour relancer le dialogue inter guinéen en juin. Ce qui a permis d’aboutir à la signature d’un accord politique entre la mouvance et l’opposition, le 3 juillet 2013. Exit les législatives du 28 septembre 2013.

Les contestations qui ont suivi la publication définitive des résultats du scrutin législatif le 15 novembre 2013 n’ont fait qu’exacerber les clivages entre l’opposition et le pouvoir. D’où la longue attente pour que l’opposition républicaine se décidé à siéger au Parlement, mais sans le Parti de l’Espoir pour le Développement National (PEDN) de Lansana Kouyaté. Et le retard accusé pour l’installation de la nouvelle Assemblée Nationale, pour des raisons stratégiques, contribuent à nouveau à semer la zizanie dans le microcosme politique guinéen.  Le dépôt de la loi des Finances 2014 au Conseil National de la Transition (CNT) pour examen, alors que les nouveaux députés ne sont pas installés, alimente déjà la polémique.

En passant donc le temps à ne gérer que des questions électorales et politiques, Alpha Condé a fini par oublier qu’il avait été élu sur la base d’un projet de société avec lequel il promettait de changer la Guinée et de la ramener dans le giron des pays émergents. Le slogan « Guinea is back » (la Guinée est de retour) s’est malheureusement transformé en Guinea is bad (la Guinée est mauvaise).  Expliquons-nous !

Sur le plan économique, il y a eu la fermeture de l’usine Rusal-Friguia, le départ des grands miniers comme BHP Billiton et Valé Guinée, la crise entre l’Etat et Benny Steinmetz Group Ressources (BSGR) dans la gestion des Blocs 1 et 2 de Simandou, la fermeture de la Sotelgui….Certes, il y a eu le PPTE, la signature de plusieurs accords de partenariat avec les partenaires bi et multilatéraux, la relance du programme avec le FMI et la Banque Mondiale, l’unicité des Caisses, la conférence d’Abu Dhabi, les travaux de construction de Kaleta….

Mais en attendant, les populations continuent de croupir dans la misère, avec le manque d’eau, d’électricité, d’infrastructures sociales de bases et surtout de sécurité. Conakry, la capitale, a été à plusieurs reprises secouée par des révoltes contre l’obscurité. Malgré la location de Groupes Electrogènes à hauteurs de plusieurs dizaines de millions de dollars avec la société Aggreko, la desserte en électricité est en deçà des attentes. Parce que tout simplement, il y eu de l’amateurisme et de la corruption dans l’acquisition des marchés.

La main mise du clan présidentiel, notamment l’implication du fils de Alpha Condé, Mohamed, dans le secteur minier et celui des infrastructures routières ont rapidement sonné le glas à toute tentative de bonne gouvernance dans le secteur. Les investisseurs qui refusent de donner des pots de vin ou de céder une part importante sont rejeté au profit de société écrans appartenant à des proches de la première Djené Condé ou au Premier Ministre Mohamed Saïd Fofana ou encore Alpha Condé lui-même via des hommes d’affaires brésiliens ou français.

L’affaire du Port Autonome de Conakry, où le Groupe Bolloré a déjà fait main basse sur le Terminal à Conteneurs, continue à faire couler encre et salive sans que les populations ne soient réellement situées sur les dessous de cette affaire. Il reste évident que le Port Autonome, pour ceux qui ne le savent pas, est un Patrimoine Public et donc non vendable. Alpha Condé peut le bailler à Bolloré ou à son jumeau Bernard Kouchner. Mais il ne peut pas vendre notre Patrimoine.

Aujourd’hui, pour se rendre compte de la déliquescence de l’Etat, c’est à l’intérieur du pays qu’il faut  s’aventurer. Un peu partout, les routes sont impraticables, l’administration inexistante, les services sociaux de base d’un autre âge et la jeunesse sans emploi. Les villes de l’intérieur du pays, à l’exception de certaines de la Guinée Forestière, se vident de leurs bras valides au profit de grandes agglomérations guinéennes ou occidentales.  Face à un avenir sombre, beaucoup de jeunes guinéens sans emplois tentent l’aventure, soit en traversant le désert d’Afrique du nord ou, au pire, en essayant la traversée de la méditerranée.

Trois ans de pouvoir d’Alpha Condé, le pays n’a pas été autant divisé sur le plan ethnique et social. C’est le plus grand échec de ce régime. Alpha Condé, en pratiquant la politique de l’exclusion, a fait qu’aujourd’hui une frange importante de la population se considère aujourd’hui comme marginalisée dans la gestion des affaires. Les recrutements à la fonction publique et même au niveau de certains privés ne tiennent plus  de la compétence mais du nom de famille du demandeur. L’administration guinéenne est complètement ethnicisée, régionalisée et tribalisée. Au grand dam de ceux qui se battent encore pour l’unité nationale et la cohésion sociale. La Guinée n’est pas de retour ! Elle s’est beaucoup plus enfoncée au lieu de sortir la tête de l’eau. Dire qu’Alpha Condé  caresse le rêve d’un deuxième mandat en 2015.  Il n’est pas interdit de rêver. Les peuples n’ont les dirigeants qu’ils méritent.

Qu’avons-nous en face, comme alternative ? Trois anciens premiers ministres qui avaient contribué, du temps de feu Général Conté, à la dilapidation des ressources du pays.  Depuis 2010, ni Cellou Dalein Diallo (chef de file de l’opposition), ni Sidya Touré, président de l’Union des Forces Républicaines (Ufr) ni Lansana Kouyaté (PEDN) n’ont montré qu’ils sont capables de surmonter leurs égos. Il faudrait une nouvelle génération de politicien pour permettre à la Guinée de repartir de l’avant. Il nous faut une refondation profonde de la vie politique pour voir le bout du tunnel. Enlever Alpha Condé, et mettez Cellou Dalein, Sidya ou Kouyaté, vous n’aurez que les mêmes résultats. Dieu sauve la Guinée !

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