Aux Philippines, cinq jours après le passage du typhon qui a dévasté le centre de l’archipel, la colère monte chez les survivants face à la lenteur de l’aide. Depuis trois jours, la mobilisation internationale s’organise, les promesses de dons affluent, l’aide alimentaire médicale se centralise à Cebu, mais toutes les organisations se heurtent au même problème de logistique et au difficile accès aux zones affectées.
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Villes quasiment rasées, cadavres jonchés au milieu des débris et odeur de décomposition dans l’air. A Leyte et Samar, les deux îles des Philippines les plus frappées par le passage dévastateur du typhon Haiyan, certaines zones offrent un spectacle d’horreur. Quant aux rescapés, à court d’eau et de nourriture, ils attendent désespérément l’aide internationale qui tarde à leur parvenir. Des territoires entiers sont encore aujourd’hui complètement coupés du monde et la situation sanitaire et sécuritaire se dégradent rapidement.
Valérie Amos, la secrétaire générale adjointe des Nations unies chargée des affaires humanitaires s’est dite consciente de l’urgence à faire parvenir l’aide, alors que la tension monte dans l’archipel. « J’ai vu ces images, j’ai entendu les doléances des habitants et je ne peux qu’être d’accord avec eux, a-t-elle insisté à son arrivée à Manille, la capitale. J’essaie de faire avancer les choses afin de faire parvenir l’aide jusqu’ici. On ne peut pas laisser ces gens qui sont désespérés sans eau, ni nourriture. »
Des navires encore en route
L’ONU a réclamé mardi 12 novembre 301 millions de dollars pour soutenir les Philippines a appelé à « accélérer » l’aide aux victimes. Des navires américains et britanniques se dirigent toujours vers l’archipel, alors que l’US Navy a ordonné l’envoi de bateaux supplémentaires basé dans le sud du Japon. Le porte-avion Washington devrait arriver aujourd’hui au large de l’archipel. L’Union européenne a débloqué une aide d’urgence de 10 millions d’euros qui s’ajoute à une première aide de 3 millions d’euros.
Depuis trois jours, les promesses de dons affluent pendant que l’aide alimentaire et médicale se centralise à Cebu, mais toutes les organisations se heurtent au même problème de logistique et au difficile accès aux zones affectées, où les communications sont dans de nombreux cas coupées.
« Les postes d’électricité sont tombés, les équipements des satellites sont détruits, et on doit encore dégager le passage » déclaré Cristina Ortega, l’ambassadrice de Philippines en France, au micro de RFI.
Situation complexe et loi martiale instauré dans certaines zones
« Nos équipes d’urgentistes qui se trouvent actuellement à Cebu rencontrent d’énormes difficultés à se rendre sur site », explique Hélène Robin, responsable des programmes d’urgence à Handicap international, une ONG présente aux Philippines depuis 1985, au micro de RFI. « Je parle notamment de Tacloban, tout ce qui est la première bande à l’Est de Eastern Samar et des zones aussi plus à l’Ouest qui ont été impactées dans un deuxième temps, mais tout autant », détaille-t-elle. « C’est très difficile, car on ne peut s’appuyer sur des infrastructures qui n’existent plus : les aéroports sont bloqués, il n’y pas de carburant, pas d’accès par les zones. On doit pouvoir essayer le transport plus secondaire que ce soit par bateau ou par camion.» La responsable humanitaire reconnaît avoir « rarement été confrontée à une telle complexité », un constat partagé avec Valérie Amos, qui parle de « crise la plus meurtrière et destructrice » à avoir touché le pays.
Dans certaines villes, des survivants ont pris les armes pour piller les bâtiments encore debout. Pour décourager les maraudeurs, les autorités ont instauré un couvre-feu à Tacloban, la grande ville la plus touchée. Quatre véhicules blindés et des centaines de soldats et de policiers ont été déployés à travers la ville, et des barrages routiers ont été mis en place.
Avec notre envoyée spéciale à Cebu, Florence de Changy
Parmi les centaines de personnes qui font la queue ou encombrent les salles éventrées de ce qui reste du petit aéroport de Tacloban, ils sont nombreux à dire leur peur, surtout la nuit, des attaques. Les prisons ayant été démolies, 700 prisonniers auraient été libérés et passeraient d’un village à l’autre, commettant vol et viols.
Maria Miller, 56 ans, arrivée à l’aéroport avec sa nièce de 29 ans, est encore sous le choc de la nuit terrifiante elle vient de passer. Un groupe d’inconnus avait investi leur « barangay », leur petit village. Elles espèrent que les personnes en danger, à commencer par les femmes et les enfants, auront un accès prioritaire sur les vols d’évacuation.
Sur place, on parle beaucoup aussi de la milice des rebelles de l’armée nationale populaire, les redoutables NPA (Nouvelle armée populaire), qui auraient profité du chaos pour descendre des montagnes et commettre des pillages. Ces derniers seraient allés bien au-delà des simples besoins de survie. Mardi, un garçon de 13 ans a été poignardé à la nuit tombante, sans motif apparent et mercredi midi, la police, considérablement renforcée depuis 24 heures, a fermé un quartier de Tacloban où s’étaient cachés des membres des NPA. Des échanges de coups de feu ont été entendus.