Assassinat par Aqmi de Ghislaine Dupont et Claude Verlon: faut-il croire au mobile politique?

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Al-Qaïda au Maghreb islamique a revendiqué l’enlèvement de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, le 2 novembre à Kidal au nord du Mali. Une revendication jugée « plausible » par Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères. Aqmi affirme avoir enlevé et tué nos confrères Ghislaine Dupont et Claude Verlon pour des raisons politiques pour «punir la France pour sa nouvelle croisade» au nord du Mali. Mais les enquêteurs pensent que les auteurs du rapt ont tué nos confrères dans la panique, et la revendication ne lève pas toutes les zones d’ombre.

 

Ce jeudi matin, sur la chaîne I-télé, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères déclarait au sujet de la revendication faite par Aqmi, «nous sommes en train de la vérifier mais elle semble plausible parce que les revendications précédentes d’Aqmi avaient été publiées de la même façon». Une bonne source sécuritaire française confirme la thèse de l’implication de la quatrième katiba d’Aqmi, la katiba Al-Ansar, dirigée par Abdelkrim Targui dit Le Touareg. Touareg malien, originaire de la ville d’In Khalil, il appartient au clan familial d’Iyad Ag Ghali, le patron d’Ansar Dine dont il est le neveu.

La phalange d’Abdelkrim Targui détenait, selon de nombreuses sources, les quatre otages d’Arlit libérés mardi 29 novembre. Le nom du chef supposé du commando apparaissait déjà dans les enquêtes après l’enlèvement des deux Français Serge Lazarevic et Philippe Verdon à Hombori et sa katiba détient probablement le Français Serge Lazarevic.

Selon nos informations, deux des quatre membres du commando qui ont enlevé nos confrères, toujours activement recherchés par les enquêteurs dans la région de Kidal, ne sont pas liés directement à Aqmi. « Ce sont des bandits plus que des jihadistes purs et durs », nous indique un notable de la région. Ils sont néanmoins soupçonnés d’être des sous-traitants du groupe terroriste et auraient notamment fourni ces dernières années des 4X4 volés à la katiba d’Abdelkrim. Le frère de l’un de ces deux suspects serait d’ailleurs l’un des lieutenants de cet émir d’Aqmi.

Malgré la revendication des zones d’ombre demeurent

Pourquoi Aqmi a-t-il organisé ce rapt quatre jours seulement après la libération des quatre otages d’Arlit, alors qu’Abdelkrim est activement recherchépar les services français, et qu’il est sans doute encombré par un autre otage, Serge Lazarevic ?

Pour notre source, les terroristes ont été informés de la présence de deux Français à Kidal et ont agi par opportunisme, alors qu’Aqmi est en concurrence avec le groupe terroriste Al-Morabitoune, fondé par Moktar Belmoktar et le Mujao en août. Au vu des suspects identifiés, ce n’est pas la brigade d’Abdelkrim qui aurait commandité directement le rapt de nos confrères, mais des groupes proches, qui ont pu prendre l’initiative de l’enlèvement, quatre jours après la libération des otages d’Arlit, pour laquelle de l’argent a été versé, mais peut-être pas à tout le monde. D’où des frustrations d’où des initiatives d’enlèvement, ce n’est qu’une hypothèse, mais les experts l’évoquent depuis le double meurtre et ils considèrent qu’elle est assez crédible.

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De même, Aqmi n’a jamais exécuté des otages si tôt après un rapt, et jamais l’organisation n’avait tué de femmes. Une explication : l’opération était une prise d’otages crapuleuse – Abdelkrim Targui a toujours organisé des enlèvements dans le but de faire de l’argent, d’obtenir des rançons – organisée dans l’urgence, qui a mal tourné, en raison des problèmes mécaniques de leur véhicule. Le mobile strictement politique viserait donc en réalité à maquiller ce ratage.

Du côté de l’enquête

Les «investigations progressent» selon le président français François Hollande. Des policiers français sont actuellement au Mali pour participer à la recherche des assassins dans le cadre d’une enquête ouverte par le Parquet de Paris pour enlèvement et séquestration suivis de meurtres en lien avec une entreprise terroriste.

Au moins 35 personnes ont été interpellées au Mali en deux jours, du dimanche 3 au mardi 6 novembre. Les enquêteurs recherchent quatre hommes, suspectés d’être le commando qui a enlevé puis exécuté nos deux confrères. Deux d’entre eux donc semblent liés à al-Qaïda au Maghreb islamique. L’identification de ces hommes, selon une source à Kidal, a été rendue possible car les enquêteurs ont retrouvé des documents, et notamment des numéros de téléphone dans la voiture abandonnée par les terroristes non loin du lieu du crime.

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