Liberté de la presse en Guinée : les dérapages verbaux du Ministre de la Communication Togba Césaire Kpoghomou !

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CONAKRY,29 JUILLET 2013- Samedi 27 juillet, le ministre guinéen de la Communication Togba Césaire Kpoghomou a fait son grand oral face à la presse. Il est revenu en long et en large sur la situation des radios et télévisions privées émettant actuellement sur l’ensemble du territoire national. M.Togba, qu’Alpha Condé a parachuté à la tête de ce département, n’a pas porté de gants envers les médias privés. En lisant certains extraits, ça vous donne un peu l’image de cet homme apparemment très remonté contre les journalistes de la presse privée.

 

Le changement, celui prôné par Alpha Condé, il entend le faire sentir aux hommes des médias.  Puisque jusqu’à présent le changement peine à se manifester, il faut commencer par assainir la presse. Mais on dirait que Kpoghomou ne se trompe pas de cibles. Pour mieux vous rendre compte de la hargne de ce ministre, voici des extraits de sa conférence de presse.

 

 
 » (…) 61 agréments ont été délivrés par le ministère en charge de la Communication après avis du Conseil National de la Communication dont 6 télévisions privées, 34 radios commerciales, 21 radios communales. A ce jour, seulement 7 radios privées ont signé les conventions sur les 55 et aucune télévision sur les 6. La signature de la convention est cependant obligatoire avant le démarrage des émissions de la radio et de la télévision. Il y a aussi l’attribution d’une seule fréquence qui donne droit à une seule radio et Télévision selon le décret d’application. Cela signifie qu’un agrément donne droit à une seule fréquence. Or, on note qu’avec un seul agrément, certaines radios disposent de 2 ou 3 fréquences. Exemple, Djigui FM qui a les fréquences 105 et 100. (…) » 

Ces radios à deux fréquences…

 » (…) En violation de cette disposition, certains promoteurs des radios ont installé de nouvelles stations dans d’autres villes du pays qui sont différentes des stations de réémission. Liberté FM à Conakry et à N’Zérékoré ; Horizon FM à Conakry et à Kankan ; Milo FM à Kankan, Siguiri et Mandiana ; Bambou FM à Coyah et Faranah ; Espace FM à Conakry, Labé, Boké ; Djoliba FM à Conakry, Siguiri et Kouroussa. Il y a aussi le non-respect des normes techniques, l’amalgame entre radio communautaire et radio commerciale privée.’’

Des promoteurs de médias leaders de partis politiques

(…) Des promoteurs qui disposaient des agréments de radios et télévisions et ont par la suite créé des partis politiques sans se démettre des agréments, en violation des lois. C’est le cas de Continental FM, Djigui FM, Planéte FM, Koffi FM ».

Des grilles de programmes 

« La création anarchique des radios sans agréments, le non-paiement des droits, des taxes et redevances à l’Etat, la non-protection du personnel (journalistes et techniciens) contre les risques professionnels, le non-paiement d’un salaire adéquat et décent permettant aux personnels de radios et télévisions privées de vivre sans être des journalistes alimentaires ».

Renforcer la mission du service public…

 » (…) Des mesures urgentes pour renforcer la mission de service public de ces médias privés à savoir le renforcement du mécanisme de contrôle de l’application des dispositions prévues par le cahier de charges et l’arrêté. Une Commission permanente du CNC, du Ministère de la Communication et des Nouvelles technologies de l’information sera constituée à cet effet, la prise d’un arrêté portant annulation des agréments qui avaient été délivrés depuis plus de 6 ans et qui n’ont pas commencé à émettre jusqu’à date, la révision des cahiers de charges en tenant compte de l’utilisation de la technologie numérique qui donne aujourd’hui la possibilité de contourner des dispositions des cahiers de charges sans enfreindre la loi’’.

Cas de Liberté FM à N’Zérékoré 

‘‘il a été constaté que des messages qui y passaient n’étaient pas appropriés pour apporter le calme et la sérénité dans la cité. Devant une situation particulière, une mesure particulière. Lorsque la cité brûle, je n’ai pas besoin de demander l’avis de Mohamed ou de jésus pour faire amener le calme. C’est le rôle régalien de l’Etat de sauvegarder des vies. C’est ce que j’ai fait et si c’était à refaire, je le referais. C’est ce que j’ai fait au nom du président de la République, je crois que Reporters sans Frontières qui est au fronton de la lutte pour la liberté de la presse doit connaitre la frontière entre les moments de crise et les moments normaux dans la vie d’une nation. Si on donnait cette liberté à la radio Liberté fm de N’zérékoré, de faire le décompte macabre, ça serait plus grave, ça serait même irresponsable de ma part dans cette situation de belligérance armée à élan ethnocentrique. Donc, il fallait mettre fin à ceux qui étaient la jeune sœur de la radio Mille colline au Rwanda. Nous avons compris que ceux qui avaient intérêt à voir cette partie de notre pays à feu et à sang, voulaient se servir de la radio Liberté fm pour faire passer leur message ».

Affaire Espace TV

‘‘Il y a des institutions comme Reporters Sans Frontière qui ont porté des accusations très graves sur ma personne à propos d’une station de Télévision Espace TV à qui j’aurai refusé de donner un agrément ou j’aurai exercé une prétendue influence dans ce sens. Nous ne sommes pas dans une république bananière ou pétaudière pour qu’on se lève un matin et créer un organe. J’ai lu par le Conseiller juridique tous les actes qui étaient indispensables pour créer une station tv. Vous avez constaté le méli-mélo pour la capacité financière. Nous avons un préalable de moralité. Est-ce que des gens qui mettent des contradictions pour créer une station de télévision méritent d’ouvrir des stations? Pour ouvrir une station TV, on vous demande une attestation de capacité financière, M. Lamine Guirassy a produit une attestation en premier lieu. Après tout ce qu’il vient de dire dont la capacité financière est de 4 milliards et les signatures, vous les voyez mais elles ne sont pas accompagnées de cachet. Et lorsqu’on a émis des réserves sur la première attestation, on nous a envoyé une deuxième attestation au nom de Magic.

Le conseiller juridique du ministre Souleymane Keita de renchérir… »en faisant lecture des attestations de capacité financière d’Espace Tv dans un document inscrit sous la référence 0125/02/km/2012 international commercial Bank S.A.,  il y aurait plus de 5 milliards ». 

Ces deux documents attestent pour deux propriétaire différent, ajoute le ministre.

 » (…) Je peux demander à Reporter sans frontières de me montrer le document. Je suis entrain de montrer le document. Histoire de ne pas parler dans le vide. Je parle sur la base des documents. Qu’on me montre le papier par lequel j’ai fait pression pour ne pas admettre le signal de la télévision qui n’est pas encore née.

Je crois qu’il faut être sérieux, ce n’est pas parce qu’on a l’insulte dans la bouche contre les citoyens, contre les plus hautes autorités pour se faire un nom ; pour se faire une renommée, faire une réputation. Il faut être sérieux, il faut être sérieux. Nous avons dit que les choses doivent changer et ce n’est pas par les méthodes que vous prévoyez, on crée des télévisions. ça ne marchera pas, ça ne marchera pas; ça ne marchera pas. Je suis prêt à payer tous les prix mais ça ne marchera pas. Donc Espace Tv peut recourir à d’autre planètes pour s’installer mais pas ici, ant que nous sommes aux affaires. Parce que nous ne sommes pas dans la magouille. On n’est pas dans le fait semblant. (…) » (Extraits, ave mediaguinee)

A la lecture de ces extraits, je me demande s’il faut en rire ou pleurer. Certes, sur certains sujets le ministre a raison. Mais pourquoi le pouvoir d’Alpha Condé a attendu l’approche des élections législatives pour sortir de ses gongs ? Cette sortie de Césaire ne vise-t-elle pas à museler une presse privée qui peine à fonctionner dans un contexte de crise sociale et politique sans précédent ?

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