Depuis 2010, jusqu’à récemment, l’opposition dite «radicale » était parvenue à obtenir, face au pouvoir, un poids politique qu’aucune autre opposition n’avait réussi à atteindre en Guinée. Face aux concessions faites par leur chef, une partie du camp présidentiel commençait à se poser des questions sur l’autorité de ce dernier. Le mot laxisme fut même prononcé. Mais par manque de stratégie et à cause de la multiplication des erreurs parfois dignes de débutants, l’opposition a fini par se dégonfler comme un ballon de baudruche. Sa dernière escapade parisienne en est la preuve la plus éloquente.
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Une analyse de cette situation permet de dégager ce que j’appelle ici les dix erreurs fatales de l’opposition guinéenne. Sans ordre chronologique:
La première d’entre elles fut le boycott des activités de la CENI dont elle avait pourtant validé la recomposition paritaire. En refusant de s’impliquer et d’impliquer sa base dans le processus elle s’est de facto mise à la marge. S’empêchant ainsi d’apporter les éventuelles preuves tangibles de ses accusations de préparation de fraude électorale. Elle s’est alors contentée de simples discours de contestation.
La deuxième erreur a été de réduire tout son champ d’actions, toute sa stratégie à l’organisation des fameuses marches dites pacifiques. Son entêtement à aller coûte que coûte marcher sur cette autoroute a empêché l’éventuelle démonstration de force qu’elle aurait pu faire par une forte mobilisation de ses militants dans le calme.
La troisième erreur, non des moindres, a été de s’en prendre publiquement aux représentants résidents de la communauté internationale en les accusant, à tort ou à raison, mais sans preuve, d’être de connivence avec le pouvoir.
La quatrième erreur fut la fixation faite sur le cas de l’opérateur technique en se focalisant uniquement sur le renvoi de ce dernier. En effet, il aurait fallu tout simplement proposer une contre-expertise indépendante réalisée par des experts choisis par l’opposition au lieu de se borner à une interprétation des conclusions des rapports des experts de l’OIF et de l’UE. Au XXIème siècle, on aura du mal à croire que le contrôle technique du système d’établissement d’un fichier électoral de quelques millions d’électeurs soit un verrou technologique insurmontable.
La cinquième erreur a été de vouloir sans cesse refaire le second tour de la présidentielle en se lançant dans une vaine contestation de la légitimité du président de la république et allant jusqu’à demander le départ de ce dernier. Ce comportement hors sujet leur a de facto enlevé la crédibilité que leur avait accordée la communauté internationale après l’acceptation par tous des résultats des élections présidentielles. Pourtant, il n’y a pas besoin de
doctorat en géopolitique pour comprendre que face à la menace dans la région du sahel, la lutte contre les narcotrafiquants dans la sous-région et à côté d’un Mali fragile, la communauté internationale ne saurait cautionner une déstabilisation de la maison Guinée.
La sixième erreur fut l’abus d’utilisation des conditions préalables au dialogue. Si au début, dans l’optique de montrer ses muscles au pouvoir, cela avait peut-être un sens, il aurait fallu éviter d’en abuser et par la suite inscrire les « préalables » sur la liste des points à discuter.
La septième erreur a été le refus de retourner à la table de négociation avec le facilitateur de l’ONU. Làencore comme des débutants, ils se sont focalisés sur le décret présidentiel fixant la date des élections, alors qu’il aurait fallu aller à la table de discussion avec ses revendications et ses propositions. Le gouvernement s’étant à l’époque engagé à respecter et appliquer toutes les conclusions du dialogue, les négociations étant en cours, sans compromis ou sans l’application complète d’éventuelles conclusions, le décret présidentiel aurait été tout bonnement sans objet et le président de la république n’aurait eu d’autre choix que de l’abroger.
La huitième erreur fut l’impasse faite sur es conditions de vie des citoyens, l’accès à la santé, à l’eau, à l’électricité. Aucune critique sérieuse et argumentée des choix faits par le gouvernement dans ce domaine alors que ce sujet est le plus fédérateur qui soit. Mais on peut aisément comprendre l’inconfort de l’opposition à traiter cette thématique vu le bilan de sa gestion.
La neuvième erreur a été le silence assourdissant de l’opposition sur le combat de David contre Goliath quioppose la Guinée aux géants miniers. Pourtant ce sujet hautement stratégique qui engage l’avenir du pays aurait mérité une attention particulière, une critique aiguisée et un traitement en profondeur.
La dixième erreur de l’opposition a été de faire l’impasse sur la construction d’une alliance électorale. Ce quifait qu’aujourd’hui même si toutes les conditions qu’elle réclame étaient
réunies, elle ne saurait être prête pour aller aux élections. Mais on peut comprendre que ce sujet ait été classé tabou pour éviter de faire voler en éclat l’unité politique de façade jusqu’ici affichée.
Evidemment, pour éviter ces types d’erreurs, il faut être un leader capable de prendre du recul, d’analyser les situations en profondeur et de maîtriser les extrêmes fussent-ils de son camp. Pour l’instant ce type de leader fait défaut à la classe politique guinéenne. D’où, au risque de me répéter, l’urgence de l’émergence d’une nouvelle
classe politique pour, entre autre, avoir en face du pouvoir une opposition digne de ce nom car il en va de notre avenir sur le chemin de la démocratie et du progrès.
Pour cela je continue de croire en la jeunesse guinéenne.
Puisse Dieu bénir la Guinée !
Laye Bamba
Toulouse, France