«J’apprends aujourd’hui que Sekoutoureya va jusqu’à envoyer des articles de presse pré-rédigés à des sites internet qui leur sont proches, dans lesquels ils essayent de créer un lien entre cette affaire et ma personne. Comme je l’ai dit auparavant, je suis prêt à engager un débat avec n’importe qui à Sekoutoureya sur la politique minière, la compétence, l’éthique et la bonne gouvernance. Qu’ils le fassent ouvertement et arrêtent de se cacher lâchement derrière des prête-noms. »
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Mr Frédéric Cilins, 50 ans, de nationalité française, a été arrêté et accusé d’avoir tenté de faire entrave à une enquête en cours afin de déterminer si une société minière a versé des pots de vins pour obtenir une concession minière lucrative en République de Guinée. C’est Mythili Raman, procureur général adjoint par intérim de la division criminelle du ministère de la Justice, Preet Bharara, le procureur États-Unis pour le district sud de New York, et George Venizelos, le directeur adjoint en charge du bureau du FBI de terrain de New York, qui ont annoncé la nouvelle.
Dans cet imbroglio juridique dont la presse internationale a fait largement échos et dont certains tentent de faire le lien avec Mahmoud Thiam, votre quotidien en ligne Guinéenews© a réalisé une interview par courriel avec le ministre des mines et de la géologie, à partir de Dubaï. Lisez !
Guinéenews© : Clairement, de quoi parle-t-on dans ce dossier ?
Mahmoud Thiam : Je crois qu’une fois qu’il est établi que les faits en question dans l’affaire Cillins/BSGR précèdent mon arrivée aux affaires et toute implication de ma part dans le dossier de près de 2 ans, il ne reste qu’à établir si lors mon service à la Nation, j’ai moi-même pris des décisions contre les règles de l’éthique ou allant à l’encontre des intérêts de mon pays.
Il faut aussi noter que les règles du FCPA (foreign corrupt practice act) – loi anti corruption américaine qui ont mené à l’arrestation de ce monsieur (le Français Cillins, ndlr) m’ont toujours été appliquées en tant que citoyen et résident américain et que les enquêtes sur mon comportement ont été menées pendant et après mon séjour en Guinée. S’il y avait eu quelque chose, les enquêteurs américains auraient mis cela sur la place publique.
Pour ce qui est de la manière dont j’ai traité le dossier Simandou tel qu’il m’a été transmis en janvier 2009, je ne peux que vous répéter des extrais de ma lettre ouverte adressée au président de la République le 24 novembre 2012, car le sujet a été pleinement traité.
Guinéenews© : Quelles sont les circonstances dans lesquelles BSRG a obtenu ses permis ?
Mahmoud Thiam : Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais rappeler à votre souvenir que la société BSGR a obtenu ses premiers permis de recherche en février 2006. Entre cette date et mon arrivée à la tête du ministère des mines et de l’énergie en janvier 2009, trois premiers ministres se sont succédé avec leurs gouvernements respectifs. Ces gouvernements successifs ont tous eu à étudier ce dossier et sont tous arrivés aux mêmes conclusions. Certains de ces anciens premiers ministres et ministres des mines sont aujourd’hui encore des ministres de votre gouvernement ou parmi vos conseillers les plus haut placés à la Présidence. La logique voudrait que si j’ai eu à recourir à la corruption pour faire agréer ce dossier jugé douteux par votre comité, tous ces gouvernants avant notre équipe gouvernementale ne pouvaient pas être arrivés aux mêmes conclusions sans avoir été eux-mêmes corrompus. Cependant, je n’ai vu le nom d’aucun d’entre eux mentionné dans le courrier, alors qu’ils ont été les précurseurs et principaux acteurs dans ce dossier. Je rappellerai aussi que j’ai servi deux gouvernements successifs et deux premiers ministres, et que notre évaluation du dossier a rejoint et confirmé celle de nos prédécesseurs. Le gouvernement de transition auquel j’ai participé était principalement constitué de membres de l’opposition, des syndicats et de la société civile qui avaient juré, avant de s’informer a priori, d’annuler tous ces contrats. Pourtant, ils en ont confirmé la validité. Je rappellerai enfin, que notre ministre des mines actuel a été le conseiller en questions minières de tous les premiers ministres depuis la rétrocession des blocks 1 et 2 de Simandou et leur attribution à BSGR. Vous devriez, dès lors, être en mesure d’obtenir de lui les rapports et les recommandations négatives qu’il aurait présentés aux premiers ministres Fall, Kouyaté, Souaré, Komara et Doré ou aux ministres des mines Kanté, Nabé et Thiam sur le sujet.
Ceci pour vous rappeler que tous ces gouvernements successifs ainsi que la vaste majorité des cadres du ministère des mines ont examiné ce dossier et déterminé que la rétrocession était légale, rétablissait la Guinée dans ses droits et rectifiait une violation antérieure du code minier. Ceci corrobore aussi le fait que la méthode d’attribution du titre sur les blocks rétrocédés était correcte. Certains membres du comité étaient au ministère des mines durant toute cette période et étaient parmi mes plus proches collaborateurs. Je n’ai pas souvenance d’une seule voix discordante sur le sujet.
Guinéenews© : Concrètement, de quoi on vous repproche dans cette affaire ?
Mahmoud Thiam : Il m’est reproché d’avoir renouvelé les titres de Rio Tinto en excluant les blocs 1 et 2 de BSGR. Faut-il le redire à Monsieur le président de la République ? La position de mon cabinet ne faisait que confirmer une décision gouvernementale de 2008 confirmée par 3 gouvernements consécutifs et à l’unanimité par les cadres du ministère. Rio Tinto, elle-même, dans sa demande de renouvellement n’a pas jugé utile de réclamer les blocs 1 et 2. L’Accord Transactionnel signé avec Rio Tinto par le gouvernement lui-même, n’a pas cherché à restituer ces blocs à Rio. Cette question semble avoir été rédigée par un représentant de Rio Tinto dans le comité que le président de la République a mis en place.
Il m’est reproché d’avoir signé la Convention de base pour Zogota en décembre 2009. Je dois d’abord dire haut et fort que ceci est un des actes dont je suis le plus fier. Notre objectif était de produire et exporter du minerai. Ceci passe nécessairement par l’octroi de conventions aux sociétés qui en remplissent les conditions. A défaut, nous resterons pour toujours, un pays à potentiel minier. En effet, un comité interministériel, auquel aucun ministre n’a participé, a négocié cette convention pendant des semaines avec la compagnie qui avait au préalable rempli toutes les conditions que le code minier impose. Ce comité interministériel, dont certains membres siègent aujourd’hui dans le comité de révision, a sorti un document qu’il m’a présenté avec une recommandation de la présenter en conseil des ministres. Après présentation et débat en conseil, le premier ministre, Monsieur Komara a insisté pour que nous essayions d’extraire quelques avantages supplémentaires de la société sur certains points. Lorsque ceci fut fait, le conseil a voté et autorisé la signature. Le ministre des finances et moi-même avons alors signé. Cette procédure est celle prescrite par nos lois, le président de la République est censé de le savoir. Durant la même période, nous avons signé la Convention de Bellzone et recommandé la formation du comité pour la négociation de la convention de CPI (China Power Internatonal) dès que cette société nous a livrés ses études de faisabilité. Le régime actuel a annoncé quelques mois après mon départ, et avec fanfare les accords avec CPI. Encore une fois que l’on m’indique le crime ou même la moindre violation d’une quelconque disposition de notre arsenal législatif et règlementaire.
Il m’est reproché d’avoir consenti à l’accord entre BSGR et Vale. Cela, était de mon devoir et mon droit en tant que ministre des mines. Vous n’êtes pas sans savoir que même si notre code interdit la vente ou le transfert de permis de recherche ; cette interdiction ne concerne pas la cession de parts d’une société détentrice de permis. Vous savez aussi que l’article 62, tel qu’il est rédigé, prête à interprétation, d’aucuns soutenant que l’obligation d’informer les autorités et d’obtenir leur approbation y est implicite et d’autres, le contraire. Notre position a toujours été de défendre l’obligation d’informer et d’obtenir approbation. C’est pourquoi, les deux sociétés nous ont informé, par écrit, et obtenu, également par écrit, notre accord. A moins que nous ne puissions opposer des arguments légaux solides, nous sommes tenus de consentir. BSGR se proposait de vendre 51 pour cent des parts de sa société détentrice des permis à Vale. Ce n’est pas le permis qui a été offert. La loi le permet et le bon sens l’impose. Vale étant numéro un mondial dans le minerai de fer, remplissait toutes les conditions financières et techniques requises. Nous avons obtenu de Vale un engagement ferme de respecter toutes les obligations de BSGR. Que pouvions-nous souhaiter de plus, si notre objectif était réellement de faire développer ce projet par un consortium capable et réellement désireux de le faire. Tous les membres de la commission qui ont fait le voyage du Brésil sur invitation de Vale ont reconnu que c’était le bon partenaire. Le monde financier et l’industrie minière ont salué de concert dans la presse spécialisée à travers le monde le fait que nul n’était plus capable que Vale de développer ce projet.
Je dois dire sans fausse modestie que le travail fait par les cadres du ministère sous la période de transition a permis d’instaurer un degré de transparence et de compétition dans le secteur minier guinéen que nous n’avions pas connu auparavant. Grâce à cela, notre pays a attiré un nombre record d’investisseurs alors même que nous vivions une crise mondiale et subissions des sanctions économiques et politiques. Des projets majeurs sont en développement aujourd’hui, grâce aux positions courageuses que nous avons prises et défendues. Le président de la République a pu, par exemple, négocier l’accord transactionnel de 700 millions de dollars avec Rio Tinto dès ses premiers mois de prise de fonction. Ceci, grâce à nos efforts durant de la période de transition. Je fonde d’ailleurs l’espoir que le comité va porter sur son agenda le réexamen et la renégociation de certains aspects plutôt mauvais pour notre pays de cet accord.
Il m’est reproché, en fin, d’avoir supporté le passage par le Liberia, contrairement à la politique nationale. Lorsque cette politique nationale n’a pu apporter le résultat souhaité pendant 52 ans, il est temps d’essayer autre chose. C’est ce que nous avons fait. Ceci a été présenté en conseil et débattu. Il a été établi que la nouvelle approche permettrait enfin de réaliser nos objectifs nationaux. J’ai été chargé en tant que ministre d’expliquer la nouvelle stratégie, ce que je fis fièrement. Durant les débats en conseil, lorsque les arguments techniques l’ont emporté, un ministre nous a dit que Sékou Touré n’a jamais consenti au passage libérien. Nous avons alors produit l’accord que Sékou Touré avait fini par signer avec le Liberia, consentant au passage libérien. J’assimile la défense aveugle d’une politique nationale qui a systématiquement échoué pendant 50 ans à la fierté du coq qui chante fièrement tous les matins en battant des ailes, sans réaliser qu’il a les pieds dans ses propres excréments.
Je précise enfin que le passage libérien n’a pas été octroyé à BSGR gratuitement ou arbitrairement. Il a d’abord été proposé à BHP, puis à Rio Tinto. Ce n est que lorsque les discussions avec ces 2 sociétés ont échoué que BSGR a été approchée. BSGR ayant offert la réhabilitation du chemin de fer Conakry-Kankan- Kerouane en échange, le passage leur a été donné en exclusivité pour une période de 3 ans.
J’apprends aujourd’hui que Sekoutoureya va jusqu’à envoyer des articles de presse pré-rédigés à des sites internet qui leur sont proches, dans lesquels ils essayent de créer un lien entre cette affaire et ma personne.
Comme je l’ai dit auparavant, je suis prêt à engager un débat avec n’importe qui à Sekoutoureya sur la politique minière, la compétence, l’éthique et la bonne gouvernance. Qu’ils le fassent ouvertement et arrêtent de se cacher lâchement derrière des prête-noms.